Centrale nucléaire de Kori, 9 février 2012 : blackout stationL'incident le plus craint des opérateurs électronucléaires, l'incident interdit depuis Fukushima, s'est pourtant déclaré le 9 février sur le réacteur n°. 1 de la centrale de Gori : lors d'un exercice de basculement d'alimentation électrique sur la source auxiliaire (Groupe Électrogène), ce dernier s'est arrêté inopinément et, à la suite d'erreurs humaines, le réacteur est resté isolé de toute source d'alimentation électrique durant 12 minutes.
On le sait pourtant depuis l'accident de Tchernobyl, certaines conséquences graves peuvent être induites par un enchaînement fatal : violations des règles de sécurité, procédures contournées, expériences malheureuses ou décisions irrationnelles, bref un manque global de culture de sécurité nucléaire. Et l'on sait d'autre part depuis l'accident de Fukushima qu'un
blackout station (perte totale de réseaux électriques) peut déboucher très rapidement sur un accident sévère.
En 12 minutes, la température du réacteur "arrêté" monte de plus de 20 degrés !Les 4 unités de production de Kori-I, le plus ancien site nucléaire de Corée du Sud, sont des Réacteurs à Eau Pressurisée
Westinghouse ; l'unité n°. 1 est en outre la plus ancienne du site (1978) et ne produit que 556 MWe. L'opérateur du site est
Korea Hydro & Nuclear Power (KHNP), une filiale de
Korean Electric Power COrp. (KEPCO, à ne pas confondre avec la
Kansaï Electric Power COrp. Japonaise). La température nominale d'un REP est d'environ 300 degrés centigrades en production mais, le réacteur étant arrêté pour inspection, la température est en fait passée de 36.9 à 58.3° C en quelques minutes. Le réacteur n°. 1 devait théoriquement être désactivé en 2007 mais sa durée de vie à été prolongée de 10 ans (2).
Un blog Coréen a d'ailleurs tristement constaté que la décision du gouvernement Coréen s'était partiellement basée sur la bonne tenue de l'unité n°. 1 de Fukushima-Daiichi au Japon à l'époque...
L'opérateur tente d'étouffer l'incidentPlusieurs erreurs humaines ayant apparemment été commises lors de cet événement, les responsables du site ont tenté d'étouffer l'incident en omettant de reporter immédiatement la situation auprès de l'autorité de Sûreté Sud-Coréenne, la NSSC. Autrement dit, KHNP/KEPCO a tenté :
1) De jouer avec le feu en ne suivant pas les procédures - pourtant Dieu sait si l’électronucléaire est bien l'une des industries les plus instables (petites causes, grands effets) et les moins tolérantes qui existe sur notre belle planète !
2) De contourner des sanctions et des enquêtes en ne reportant pas l'incident immédiatement comme il aurait dû le faire
3) D'éviter une lourde charge financière, le réacteur devant théoriquement être stoppé pour une longue durée, le combustible examiné - voire remplacé en totalité - dès qu'une perte totale, même brève, de "source électrique" entraîne une élévation involontaire de la température du coeur
Ultime outrage, un redémarrage peu après l'incident "comme si de rien n'était"A l'issue de l'arrêt pour inspection au cours duquel l'incident s'est produit (1), l'opérateur a remis en production l'unité en violant une nouvelle fois les procédures de sécurité. Le pot-aux-roses n'a été découvert qu'un mois plus tard, alors qu'un élu local de la ville proche entendit des techniciens du site discuter entre eux de l'incident... Les responsables nationaux de l'opérateur déclarent évidemment, la main sur le cœur, qu'ils n'ont jamais été informés de l'incident et que toute la responsabilité doit être portée par les responsables locaux.
Que cette dernière déclaration soit le comble de l'hypocrisie ou corresponde à un fond de vérité ne change rien à l'affaire : si le gouvernement Coréen et les autorités internationales ne font pas de cet incident un cas d'école, le prochain incident ainsi dissimulé deviendra peut-être le 5ème accident majeur de l'industrie électronucléaire. Le quotidien
Korea Times ne s'y trompe d'ailleurs pas en constatant qu'il s'agissait d"'
un incident qui n'aurait pas dû se produire" puis
en demandant instamment au Président Lee de prendre "
des mesures drastiques afin de renforcer la sécurité nucléaire [des installations existantes] et ceci avant de construire plus de réacteurs." (3)
La NSSC de Corée "améliorée" depuis... 4 mois !Certaines mauvaises langues évoquent déjà la faiblesse et le manque d'efficacité régnant au sein de la nouvelle commission de sécurité nucléaire de Corée du Sud "indépendante"
qui a été créée le 11 novembre dernier dans l'optique d'
éviter de nouveaux Fukushima... Bonne intention mais très mauvais départ de ladite autorité de "surveillance" !
(1) Le réacteur n'était pas alors en production mais en inspection pour une durée de 1 mois
(2) Un réacteur nucléaire est décidément plus facile à mettre en service qu'à arrêter...
(3) La Corée du Sud dénombre actuellement 20 réacteurs et envisage d'en construire 10 nouveaux d'ici à 2022
Sources :
Korean NPP sytematically covered up power glitch - Ashai Shimbun, 16/3, anglaisReactor safety in doubt - The Korea Times, 14/3, anglaisSK press charges against KHNP cover-up - enformable, 22/3, anglaisKori NPP must not repeat Fukushima mistakes - blog nobasestrorieskorea, 17/4/2011, anglaisKori Nuclear Powe Plant, wiki, anglais"Une nouvelle autorité de surveillance nucléaire en Corée du Sud" - nuclear forum, 11/11/11
Les commentaires récents