Le Telegraph de ce jour revient sur l'histoire des 50 ingénieurs et techniciens qui furent - comment dire ? - convaincus par l'ancien Premier Naoto Kan de rester à leur poste alors que, le 15 mars 2011, les réacteurs de Fukushima-Daiichi avaient entamé - de manière irréversible - leur fusion. N'ayant plus aucun moyen d'éviter le désastre, la direction de Tepco avait autorisé l'évacuation totale du site aussi les 800 et quelques employés encore présents avaient commencé à quitter les installations hors de contrôle. Sur ces cinquante héros, une trentaine aurait accumulé des "doses supérieures à 0.1 Sv", sans que le chiffre précis ne soit communiqué, pour on ne sait quelle raison exacte. Officieusement, il se murmure que les doses reçues seraient en fait bien supérieures, les employés restant ayant "partagé" le peu de dosimètres opérationnels sur le site...
Kan impose le sacrifice à ces courageux employés... avant que Tepco leur impose le silence
Il aura fallu plus de 8 mois de patience et d'efforts à l'équipe d'enquêteurs de la BBC avant d'arriver à arracher quelques témoignages à ces pauvres employés à qui l'opérateur Tepco avait en effet interdit - comme si le sacrifice initial ne suffisait pas - de communiquer avec la presse. Quelques-uns parmi eux, terrifiés par les radiations, ont pensé fuir à toutes jambes alors que d'autres bricolaient du mieux qu'ils pouvaient, alors que les procédures d'urgence ne leur étaient plus d'aucune aide. (1)
"C'est terminé, nous sommes foutus !"
Parmi ces 50, Takashi Sato, un inspecteur de sécurité, se souvient : "Dans la salle de contrôle-commande (2), les employés disaient 'nous somme fichus !' Ils le disaient très calmement, mais ils le disaient. Nous sentions bien qu'il nous fallait fuir !" La direction locale avait finalement transmis les consignes d'évacuation.
Alors que les employés se préparaient à abandonner le site, le 15 mars, le Premier ministre Kan tenait par vidéo-conférence (3) au denier petit carré d'employés ce discours : "J'ai beaucoup réfléchi et je crois qu'il est impossible d'abandonner le site. S'il est évacué, six réacteurs et sept piscines (4) seront livrés à eux-mêmes, tout le combustible fondra ce qui entrainera des taux de radiations dix fois pire qu'à Tchernobyl." M. Kan semblait très effrayé et estimait que ce serait la fin du Japon, ni plus, ni moins.
C'est alors que des hélicoptères tentèrent d'asperger les réacteurs et les piscines (5) ; les pilotes Japonais savaient pertinemment le sort qui avait rattrapé leur collègues ayant effectué la même intervention lors de l'accident de Tchernobyl. (6) L'intervention des pompiers de Tokyo permit enfin de redonner un peu d'espoir aux employés, Dieu sait combien les pompiers ont "encaissé" de radioactivité, n'étant pas spécialement équipés ni formés à cette intervention en zone hautement radioactive.
"C'était une réelle situation d'urgence et nous l'avons tous compris"
"Personne ne s'est plaint à l'époque, nous avions tous compris la situation" se souvient un autre employé. "Même si nous ne tenions pas compte de certaines procédures, (7) nous restions concentrés sur notre travail. C'était comme si tout l'avenir du Japon reposait sur mes épaules ; je sentais que je me devais de brandir haut le drapeau Japonais."
Une petite année plus tard, alors que l'opérateur et l'ensemble de l'industrie électronucléaire ont été largement mis en cause dans l'accident, seule une petite poignée de braves menés par leur Directeur, Yoshida-San (8) ont peut-être évité le "pire du pire" au Japon.
Sources :
Aftershocks still hitting Japan, telegraph, 20/12, anglais
Les cinquante de Fukushima, wiki, français
Inside the meltdown, reportage de la BBC qui sera diffusé jeudi 23 sur la chaîne BBC2
Fukushima-1 design, chong.zqx.net, anglais
Comrades in crisis, National Geographic, 23/3/2011, anglais
(1) Il s'est avéré bien plus tard que le scénario précis de l'accident de Fukushima (blackout station multiple et prolongé) n'était pas prévu dans les procédures accidentelles de l'opérateur
(2) Salles situées au RDC d'un couple de bâtiments-réacteur REB (unités 1, 2 et 3 + 4), qui étaient alors plongées dans le noir, avec très peu d'instruments en service... et qui ne commandait plus grand chose !
(3) Étonnant vu le manque de ressources électriques et de communications sur le site !
(4) 6 piscines de désactivation individuelles soit une par réacteur + 1 immense piscine commune bien remplie
(5) Le 16 mars, un hélicoptère de la JDF doit rebrousser chemin suite à un débit accumulé en mission trop important
(6) Les pilotes ayant effectué les premières missions en vol stationnaire au-dessus du réacteur Ukrainien éventré seraient tous décédés de cancers
(7) Probablement des seuils élevés de dosimétrie qui auraient dû théoriquement entrainer le retrait immédiat de ces travailleurs alors que la limite de dose était toujours fixée à 100 mSv
(8) Le Directeur du site Mashao Yoshida a dû finalement abandonner son poste pour être hospitalisé d'urgence le 28 novembre, sans qu'aucun diagnostic ne soit communiqué
EDIT du 21/02/12 : Le directeur Yoshida souffre bien d'un cancer d'après The Independant du 21/02, sans rapport avec les radiations s'empresse de préciser Tepco... Ouais...
Kan impose le sacrifice à ces courageux employés... avant que Tepco leur impose le silence
Il aura fallu plus de 8 mois de patience et d'efforts à l'équipe d'enquêteurs de la BBC avant d'arriver à arracher quelques témoignages à ces pauvres employés à qui l'opérateur Tepco avait en effet interdit - comme si le sacrifice initial ne suffisait pas - de communiquer avec la presse. Quelques-uns parmi eux, terrifiés par les radiations, ont pensé fuir à toutes jambes alors que d'autres bricolaient du mieux qu'ils pouvaient, alors que les procédures d'urgence ne leur étaient plus d'aucune aide. (1)
"C'est terminé, nous sommes foutus !"
Parmi ces 50, Takashi Sato, un inspecteur de sécurité, se souvient : "Dans la salle de contrôle-commande (2), les employés disaient 'nous somme fichus !' Ils le disaient très calmement, mais ils le disaient. Nous sentions bien qu'il nous fallait fuir !" La direction locale avait finalement transmis les consignes d'évacuation.
Alors que les employés se préparaient à abandonner le site, le 15 mars, le Premier ministre Kan tenait par vidéo-conférence (3) au denier petit carré d'employés ce discours : "J'ai beaucoup réfléchi et je crois qu'il est impossible d'abandonner le site. S'il est évacué, six réacteurs et sept piscines (4) seront livrés à eux-mêmes, tout le combustible fondra ce qui entrainera des taux de radiations dix fois pire qu'à Tchernobyl." M. Kan semblait très effrayé et estimait que ce serait la fin du Japon, ni plus, ni moins.
C'est alors que des hélicoptères tentèrent d'asperger les réacteurs et les piscines (5) ; les pilotes Japonais savaient pertinemment le sort qui avait rattrapé leur collègues ayant effectué la même intervention lors de l'accident de Tchernobyl. (6) L'intervention des pompiers de Tokyo permit enfin de redonner un peu d'espoir aux employés, Dieu sait combien les pompiers ont "encaissé" de radioactivité, n'étant pas spécialement équipés ni formés à cette intervention en zone hautement radioactive.
"C'était une réelle situation d'urgence et nous l'avons tous compris"
"Personne ne s'est plaint à l'époque, nous avions tous compris la situation" se souvient un autre employé. "Même si nous ne tenions pas compte de certaines procédures, (7) nous restions concentrés sur notre travail. C'était comme si tout l'avenir du Japon reposait sur mes épaules ; je sentais que je me devais de brandir haut le drapeau Japonais."
Une petite année plus tard, alors que l'opérateur et l'ensemble de l'industrie électronucléaire ont été largement mis en cause dans l'accident, seule une petite poignée de braves menés par leur Directeur, Yoshida-San (8) ont peut-être évité le "pire du pire" au Japon.
Sources :
Aftershocks still hitting Japan, telegraph, 20/12, anglais
Les cinquante de Fukushima, wiki, français
Inside the meltdown, reportage de la BBC qui sera diffusé jeudi 23 sur la chaîne BBC2
Fukushima-1 design, chong.zqx.net, anglais
Comrades in crisis, National Geographic, 23/3/2011, anglais
(1) Il s'est avéré bien plus tard que le scénario précis de l'accident de Fukushima (blackout station multiple et prolongé) n'était pas prévu dans les procédures accidentelles de l'opérateur
(2) Salles situées au RDC d'un couple de bâtiments-réacteur REB (unités 1, 2 et 3 + 4), qui étaient alors plongées dans le noir, avec très peu d'instruments en service... et qui ne commandait plus grand chose !
(3) Étonnant vu le manque de ressources électriques et de communications sur le site !
(4) 6 piscines de désactivation individuelles soit une par réacteur + 1 immense piscine commune bien remplie
(5) Le 16 mars, un hélicoptère de la JDF doit rebrousser chemin suite à un débit accumulé en mission trop important
(6) Les pilotes ayant effectué les premières missions en vol stationnaire au-dessus du réacteur Ukrainien éventré seraient tous décédés de cancers
(7) Probablement des seuils élevés de dosimétrie qui auraient dû théoriquement entrainer le retrait immédiat de ces travailleurs alors que la limite de dose était toujours fixée à 100 mSv
(8) Le Directeur du site Mashao Yoshida a dû finalement abandonner son poste pour être hospitalisé d'urgence le 28 novembre, sans qu'aucun diagnostic ne soit communiqué
EDIT du 21/02/12 : Le directeur Yoshida souffre bien d'un cancer d'après The Independant du 21/02, sans rapport avec les radiations s'empresse de préciser Tepco... Ouais...
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