M. Matsumara vit volontairement dans une poubelle nucléaire depuis 9 mois afin de soigner quotidiennement environ 400 vaches, 60 cochons, 30 volatiles, 10 chiens, 100 chats et une autruche - mascotte de Tepco parait-il - qui ont été abandonnés, pour certains entravés, dans la zone interdite de Fukushima. Naoto Matsumara, 52 ans, habite Tomioka (1) dans la préfecture de Fukushima. La ville de 16.000 habitants a été évacuée le 15 mars suite à la seconde explosion du réacteur n°. 3 de Fukushima-Daiichi. L’agriculteur a fermement refusé de quitter sa ferme exposée depuis 9 mois a des retombées radioactives continues du monstre radioactif situé à 10 km. M. Matsumara s'occupe non seulement de ses animaux mais également d'une bonne partie de tous ceux qui ont été abandonnés à leur sort à la suite de l'évacuation précipitée de la zone.
Des animaux souvent entravés par des hommes à qui l'on a dit : vous pourrez revenir bientôt, les animaux peuvent attendre là...
Le mensonge - délibéré ou non - des autorités lors du départ des habitants de la zone, a conduit à la mort de centaines d'animaux (2), pour la plupart entravés, qui n'ont pu assumer dans cet état leur simple survie journalière. Tepco et les autorités Japonaises sont directement responsables de ce drame qui touche des êtres vivants, sensibles, qui ont souffert le martyre de par l'imprévoyance des propriétaires ou tout au moins de leur confiance aveugle dans le discours rassurant des autorités. Les hommes n'ont pensé qu'à fuir le danger - il était déjà bien tard pour évacuer le 15 mars - en considérant les animaux, cheptel ou domestiques, comme un aspect secondaire de leurs problèmes.
M. Matsumara estime que les autorités ou l'opérateur devraient, de par leur niveau de responsabilité dans cette catastrophe, s'occuper de ces animaux survivants abandonnés. Comme ce n'est pas le cas, le seul survivant humain de la zone s'y colle : avec des moyens limités, sans eau, sans électricité, il pourvoit jour après jour à l'alimentation de ses protégés, y consacrant environ la moitié de ses journées solitaires délimitées par les rythmes naturels retrouvés et agrémentées par le doux et curieux silence de la nature brute.
Il est maheureusement difficile d'aider Naoto Matsumura dans sa tâche : il est en-dehors du système, personne n'étant censé habiter cette zone. Comment lui faire parvenir de l'aide dans une zone interdite d'accès ? Comment lui faire parvenir un soutien, même sous forme de courrier, dans un endroit ou le facteur ne passera plus au mieux avant quelques décennies ? Sa présence est tolérée par les autorités locales compréhensives même s'il risque théoriquement quelques ennuis pour simplement rester là où il a toujours vécu.
Des ruches censées être auto-suffisantes décimées
Des 32 ruches possédées par l'agriculteur, trois ont survécu tandis que des milliers d’araignées géantes prenaient possession des lieux. La nature tente de s'adapter, mais quel sera le prix final à payer dans une zone qui sera probablement gravement contaminée pour des dizaines ou des centaines d'années ? Quel sera le bilan écologique à cette échéance ? Combien de mutations, de dérèglements de la vie végétale et animale peut-on craindre ? Quel est donc ce prix qu'il faut payer pour pouvoir seulement consommer un peu plus, pour vivre par exemple dans une pièce hyper-chauffée en hiver et hyper-refroidie en été ? Autrement dit, ne s'agit-il pas de sacrifier ce qui est le plus sacré - la terre, les éléments, la nature, la vie même - sur l'autel du confort moderne ?
Bouddha et les animaux
Siidharta Gautama, dit le Bouddha, aimait et respectait les animaux et dénonçait le mal qui leur était fait ; l'épisode connu du sacrifice planifié de 1500 bovins par un religieux Brahmane a provoqué le sermon de Gautama sur la non-violence envers les animaux (AGGI-SUTTA). Voyons voir : 1500 bovins sacrifiés à Fukushima, 1500 bovins épargnés par le Brahmane converti dans l'affaire Savatthi, ces temps sont-ils vraiment meilleurs que le VIème siècle ? Selon la logique Bouddhiste, deux des trois "feux" consumant les humains, l'illusion et l'avidité, ne sont-ils pas directement symbolisés par les actions malhonnêtes de l'opérateur de la centrale de Fukushima et tout ceux qui gravitent autour ?
M. Matsumara et Tepco
M. Matsumara s'est longtemps déplacé dans la zone sans même porter un dosimètre ; à quoi lui aurait-il servi ? La JAXA (3) lui a discrètement remis récemment un appareil portatif et procédé à une analyse de sol dont les résultats ont été sans appel : "pires que ceux de Tchernobyl". Les sols sont gravement contaminés. La rivière proche est gravement contaminée. L'air est contaminé. M. Matsumara respire juste un peu, il mange juste un peu de Ramen (4) et boit juste un peu d'eau en bouteille, très peu en fait, car vous aurez compris que notre ami a très peu de ressources, même s'il précise avec humour "faire des économies sur ses factures d'eau et d'électricité".
Après un contrôle de dose "corps entier", les médecins ont annoncé à l'agriculteur qu'il était devenu "Matsumara le radiant". Avare de détails dans ce domaine mais fort de cet épithète, M. Matsumara ne se prive pas de son petit plaisir : griller une vingtaine de cigarettes par jour. "Le jour où j’arrêterais la cigarette, ça me tuera" déclare-t-il en souriant ! Moins gai quand il s'agit de qualifier les actions de l'opérateur Tepco, l'agriculteur estime qu'il a volé leurs maisons, leurs terres, l'air et l'eau et que personne ne trouve rien à y redire, chacun subissant son sort en courbant le dos. Personne n'est en colère et cela met M. Matsumara en colère !
La situation est ubuesque : quand M. Matsumara appelle Tepco pour lui demander a minima de retirer les dépouilles des animaux morts de faim ou de maladie, ce dernier répond : "Nous sommes désolés, M. Matsumara, il est interdit, même pour nous, de pénétrer dans la zone interdite."
L'opérateur ajoute ainsi perfidement l'hypocrisie à la longue liste de ses agissements précédents. Alors oui, aux yeux du Bouddhiste, M. Matsumara est un saint homme, et Tepco un démon.
(1) cf. la célèbre vidéo dite "des ambulances" tournée sur le carrefour de Tomioka-Machi, en zone interdite
(2) Une estimation d'environ 1500 vaches et veaux, aucune donnée sur les animaux domestiques n'est disponible
(3) JAXA = Agence Spatiale Japonaise
(4) Plat asiatique typique composé de nouilles accompagnées d'un bouillon de poisson ou de viande
Sources :
L'ermite de Fukushima, l'express, 14/12/2011
Le petit journal, 15/12/2011
Le Bouddha de la zone interdite, japansubculture, 15/1, anglais
Un homme et son chien, dailymail, 1/9/2011, anglais
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