30 novembre 2011, J+264
Évolution globale de la situation
Plus de huit mois après la catastrophe, on mesure un peu mieux l'écart entre la feuille de route initiale de l'opérateur et les évolutions sur le terrain. Ainsi, les stocks d'eau contaminée augmentent de manière continue, de nouveaux réservoirs de stockage temporaires apparaissent chaque semaine au profit de la végétation environnante. L'équation de la décontamination de l'eau utilisée pour refroidir ce qui reste des réacteurs et du combustible est en fait impossible à résoudre : de 200 à 500 tonnes d'eau sont injectées quotidiennement dans les installations et se retrouvent déversées dans les sous-sols et peut-être au-delà...
Le Japon commence à prendre la mesure d'un accident qui s'installe dans la durée, la contamination s'étend un peu plus chaque jour, le travail accompli sur le site est notable mais l'ennemi est bien trop puissant, au-delà de l'échelle d'intervention humaine en fait...
Les nouvelles sur le suivi technique de l'accident
Tepco considère maintenant, probablement suite aux problème continu de stockage d'eau contaminée, qu'il n'est peut-être pas indispensable de refroidir les installations au rythme habituel - plusieurs dizaines de M3 par heure - induisant des problèmes insolubles de décontamination. L'opérateur à ainsi diminué le débit global d'eau injectée de 10 à 15%, ceci ayant entraîné une légère augmentation de la température relevée au sein des ex-réacteurs. Même si Tepco assure que le but de cette opération est de faciliter le parcours du nitrogène injecté en direction du combustible, on comprend facilement que quelques degrés - surtout si, comme cela est probable, une partie du combustible s'est échappé de l’enceinte de confinement - peuvent être sacrifiés au profit de l'augmentation de l'efficacité du retraitement des eaux contaminées.
Il semble que les températures au sein des chambres de suppression et du confinement de l'unité n°. 2 ont augmenté de manière plus inquiétante ces derniers jours à la suite de cette manœuvre, ce qui a valu - phénomène très rare - une conférence de presse démarrée le 27/11 avec 20 minutes de retard.
Pas d'explosion au niveau de l'unité n°. 2, d'après Tepco
Après avoir étudié attentivement les relevés sismologiques, l'opérateur a indiqué qu'il écartait l'hypothèse d'une explosion d'hydrogène au sein de l'unité n°. 2 dont les effets ont pourtant été constatés dans la matinée du 14 mars. Tepco n'offre toutefois pas d'hypothèse alternative à la perte du confinement de l'unité n°. 2. Un bruit d'explosion, un souffle d'explosion, des dégâts sur le confinement mais pas d'explosion ?
Certes le bâtiment réacteur n°. 2 est celui qui a visiblement le moins souffert des quatre unités endommagées mais cette annonce effectuée de manière presque anodine par Tepco nous fait une drôle d'impression, allez savoir pourquoi ?
En prolongeant le raisonnement de l'opérateur, la perte de confinement n'aurait donc pu être provoquée que par la détérioration de ce dernier par le combustible porté à très haute température ?
Dans le même intervalle, un commentateur insistait sur le fait qu'explosion ou pas, la perte d'étanchéité d'un confinement était une affaire extrêmement sérieuse. Allez savoir pourquoi il avait particulièrement en tête cette fameuse unité n°.2 ?
Les nouvelles sur le terrain de la contamination
La rivière Abukumagawa, même si son cours ne s'approche pas à moins de 60 Km du site accidenté, déverse plus de 50 milliards de Becquerels chaque jour dans l'océan.
Effectuons une petite rectification sur l'article de l'Asahi pour rappeler que la radioactivité se dilue à la rigueur dans la biosphère mais ne s'y dissout jamais...
Le riz de Fukushima pas si propre que son gouverneur aimait à le vanter
Ce sont au total près de 4500 exploitations de riz dont la production a été déclarée impropre à la consommation par le gouvernement Japonais. C'est une nouvelle confirmation que la contamination ne se conforme pas aux arrêtés administratifs ni aux relevés effectués à la hâte. Certains échantillons contenant une grande quantité de Césium-137, il faut hélas craindre que cette contamination ne persiste durant quelques saisons.
Résignation d'un scientifique
Si vous lisez l'anglais, la série de billets sur Prométhée / Pandore traduite du Japonais et publiée sur le blog ex-skf mérite largement l'effort. La deuxième partie : Résignation d'un scientifique, raconte comment un inspecteur de la JAEA en charge du relevé de radioactivité le 15 mars dans la région de Namie, à quelques kilomètres au Nord de la centrale en pleine déconfiture, après avoir mis en doute ses instruments, ne put arriver malgré la situation extrêmement critique à faire déclencher immédiatement des mesures de protection des populations concernées.
Ces chiffres forts alarmants ne furent retransmis que le lendemain par le METI qui mit un point de déshonneur à ne surtout pas communiquer les emplacements exacts des relevés tandis que le sinistre M. Edano ajoutait, fort hypocritement, que les doses relevés (350 µSv/h) n’affectaient pas immédiatement les populations touchées.
Les brèves du monde nucléaire
La curieuse affaire de l'Iode-131 en goguette Européenne dont la source aurait finalement été localisée dans un centre de séparation isotopique de Budapest n'a finalement été avouée par les autorités Hongroises qu'une bonne semaine après sa généreuse dispersion dans l'atmosphère. Sachant que les contre-mesures efficaces concernant ce radionucléide ne sont efficaces au plus tard que quelques heures après la contamination, une semaine de délai semble exactement en droite ligne avec la communication officielle habituelle entourant ce type d'incident / accident.
Nous ne cessons de répéter que malgré toutes les belles promesses de transparence des autorités - quelque soit le pays en cause - le nucléaire civil n'est toujours pas un domaine industriel comme les autres et que le jour où il le sera devenu de facto, un exorbitant mur de désinformation manifeste s'écroulera avec fracas - et sous des applaudissements généreux - sur des atomistes déconfits.
Salut l'ami, ton blog me manquait.
IL m'énerve et me fascine à la fois, pour la raison que les textes y sont exclusivement à charge et que le commentaire l'emporte le plus souvent sur les faits. C'est comme une sorte de Canard Enchainé monomaniaque, qui ne traiterait que de Fukushima.
Mais bon, les informations sont pertinentes, même si les conséquences sont exclusivement tournées vers la catastrophe. Pour compléter, je lis alors celui de Huet, sur Libération, plus versé dans la relation des faits et moins dans leur interprétation paranoïa-critique.
Comment expliquer la délectation que vous avez à annoncer qu'il n'y a pas de solution ?
J'aurais bien quelques réponses, car j'avoue y succomber moi même, toutefois seulement dans mes rêves, mais je vous laisse d'abord vous exprimer sur ce sujet, s'il ne vous parait pas futile au regard de la cause que vous défendez.
Rédigé par : Geologue | 30/11/2011 à 11:53
Bonjour Géologue,
Merci pour ce commentaire fort intéressant ; je pense en fait qu'un événement est toujours plus appréciable dès qu'il est éclairé par plusieurs sources lumineuses différentes. Ensuite, libre à chacun de choisir sa source préférentielle ! Par exemple, puisque vous citez M. Huet, ce dernier affirmait il y a quelques mois sur la foi des informations de la source "officielle" reportant les événements de Fukushima, que tout les stocks d'eau contaminée auraient été retraités d'ici un mois.
En fait, puisque vous évoquez une certaine irritation, je ne peux absolument pas rester insensible à la désinvolture des autorités Japonaises ni à la suffisance de l'opérateur qui a prouvé à de nombreuses occasions qu'il ne mérite pas le respect.
Alors oui, je lis certaines informations "officielles" qui me semblent si manifestement trompeuses et inexactes que je ne peux rester silencieux ou inactif, c'est simplement au-dessus de mes forces ! C'est le cas général de l'information mainstream penserez-vous, non sans raison. Il existe par contre certaines sources indépendantes qui doivent être relayées faute de quoi leur voix déjà marginale s’interrompra définitivement.
Bien sûr certaines infos "indépendantes" s'avéreront inexactes, exagérées ou imprécises mais dans une proportion qui sera à comparer attentivement avec celles de canaux officiels qui ne penseront souvent qu'à sauver les apparences pour limiter autant que faire se peut les dégâts énormes déjà créés à la "moralité" de l'industrie nucléaire.
En prenant pour témoin la feuille de route de l'opérateur, nous verrons bien ce qu'il en sera les prochaines semaines...
Et enfin, le jour ou les canaux indépendants ne retransmettront plus une vision indépendante de la catastrophe de Fukushima, soit les dégâts seront réparés à 100% - estimez-vous que cela soit possible ? - soit l'information officielle sera 100% objective et transparente. J'ai hélas bien peur que cette hypothèse ne prenne autant de temps pour se réaliser que le Plutonium 239 ne mettra à perdre la moitié de son activité (24400 années).
Et enfin, la gestion industrielle, médicale ou militaire de l'atome ne me semble être qu'une vaste supercherie, sans toutefois en avoir la preuve formelle...
Bien à vous,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 30/11/2011 à 20:32
Idem l'ami,
ton blog me manquait. J'y retrouve le plaisir comme un voyeur à voir la catastrophe minimisée partout, mais que je pense aussi grave que ce que tu en dis. Car l'heure est grave, indéniablement.
Fin d'un monde ?
Rédigé par : zolive | 01/12/2011 à 01:09
Salut Trifou! Contente de retrouver ton blog!
Pour faire le lien entre tes 2 derniers bulletins, le 6 novembre, tu écrivais:
"Record de dose battu dans l'unité n°3
Le petit robot Packbot envoyé en mission a relevé un débit de dose de 620 mSv/h au niveau du 1er étage de l'ex-bâtiment n°.3, le plus endommagé. Il s'agit du niveau le plus élevé dans l'historique des relevés effectués dans ce bâtiment."
Le 14 novembre, Tepco a envoyé 2 robots passer la serpillière sur les rails au 1er étage du réacteur n°3 (je n'ai pas bien saisi la raison de ce nettoyage; recherche d'une fuite?). Radioactivité relevée: 1,3 sv/H.
Le 18, même opération; il y a toujours de l'eau, et les radiations ont augmenté; Tepco annonce 1,6 sv/H.
Le 19, nouvelles mesures, nouvelle augmentation de la radioactivité. (Tepco ne donne pas de chiffres précis)
Liens vers les vidéos ici:
http://ex-skf.blogspot.com/2011/11/fukushima-i-nuke-plant-reactor-3-videos.html
Questions: pourquoi ce coup de serpillière? que faut-il conclure du fait que l'eau revient? y a-t-il une relation avec l'augmentation de radioactivité? ou est-ce la radioactivité de l'eau épongée qui a été mesurée? si oui, pourquoi augmente-t-elle?
Rédigé par : Aimelle | 01/12/2011 à 12:57