La première génération de réacteurs nucléaires utilisait la filière dite UNGG ou Uranium Naturel Gaz-Graphite, dont les réacteurs furent construits avant 1970 ; l'architecture des réacteurs visait surtout à produire du Plutonium destiné à la fabrication des armes atomiques. L'on peut d'ailleurs affirmer que le matériel de première génération visait ainsi à produire beaucoup de Plutonium à usage militaire et un peu d'électricité. En France, la filière UNGG a été écartée à l'automne 1969 suite au premier accident de Saint-Laurent des Eaux (niveau 4 INES).
La deuxième génération inclut plusieurs grandes familles de réacteurs nucléaires dont les Réacteurs à Eau Pressurisée (REP/PWR) et les Réacteurs à Eau Bouillante (REB/BWR). L'histoire nucléaire du géant industriel General Electric prit naissance au milieu des années 1950, quand les USA travaillaient d'arrache-pied à la construction du premier sous-marin à propulsion nucléaire, le USS Nautilus SSN-571, mis en service en 1954. Les deux constructeurs Américains, General Electric et Westinghouse étaient alors en concurrence sur ce projet qui fut finalement remporté par le second ; l'Amiral Rickover avait en effet arbitré au début des années 1950 sur l'utilisation exclusive des Réacteurs à Eau Pressurisée pour la marine des USA. Les REB furent en fait écartés au motif - déjà - de problèmes d'instabilité de la chambre de suppression en milieu maritime et particulièrement sur les sous-marins.
L'EBR-1 et le projet BORAX, premières réflexions sur l'atome civil
Le réacteur EBR-1 installé sur le site de l'Idaho National Laboratory fût le premier réacteur nucléaire expérimental ayant produit de l’énergie électrique en 1951. Un peu plus tard, en 1953, après les déclarations d'Untermeyer validant le principe des REB, débuta l'expérience BORAX : produire de l'électricité de manière industrielle et économique à l'aide de la filière à eau bouillante ; le premier réacteur de production BORAX1 finit d'ailleurs tristement sa carrière en 1954 par un accident... volontaire permettant aux scientifiques de mieux comprendre le fonctionnement d'un cœur de réacteur poussé dans ses derniers retranchements. Ils n'ont pas été déçus : les ingénieurs s'attendaient à une petite excursion sans danger, le réacteur explosa en fait intégralement, le cœur fur projeté à plus de 100m et les témoins furent copieusement irradiés dans l'affaire ! Cette excursion critique délibérément provoquée fût à la source de l'un des nombreux accidents de l'histoire du nucléaire civil.
General Electric, ses premiers échecs dans la fission nucléaire et son orientation vers la filière à eau bouillante
Comme nous l'avons vu plus haut, après avoir essuyé quelques échecs dans le domaine de la propulsion navale, le constructeur General Electric s'orienta dès 1955 vers la production d'électricité grâce à la construction industrielle de réacteurs à eau bouillante. Grâce à une coopération avec l'entreprise locale d’électricité de Chicago Commonwealth Edison Company et l'ingénieriste Sargent & Lundy LLC, GE débuta l'étude d'un "gigantesque" réacteur nucléaire d'une puissance de 180 MWe.
Le concept du confinement Mark1 date de... 1960 !
GE a manifestement conçu un confinement simplifié dans le but de diminuer les coûts de construction. Quelques défauts structurels sautent aux yeux :
- Le tore ou chambre de suppression nécessaire pour contenir un excès de vapeur inhérent aux REB ; il s'agit d'un gigantesque anneau en acier de 35m de diamètre qui soulage le confinement en cas de surpression accidentelle. Étant situé en-dessous du réacteur, il est impossible sans une source d'énergie externe de faire remonter la vapeur condensée vers ce dernier ;
- Le confinement ou DryWell, de dimensions restreintes par rapport à un REP, donc forcément moins résistant en cas d'explosion d'hydrogène, même s'il est vrai que dans un REB les pressions de service sont moins importantes que dans un REP ;
- Un confinement secondaire très léger (les parois du bâtiment réacteur), fragile et non-étanche après dépressurisation éventuelle ;
- Les piscines de désactivation et d'équipement sont situées en haut du bâtiment réacteur et sont donc plus exposées en cas d'accident avec fabrication d'hydrogène, plus difficiles à refroidir en cas de situation critique (pomper "haut" est toujours plus difficile que de pomper "bas") et également plus sujettes aux dégradations créés par un séisme éventuel ;
Une partie de ces défauts a été corrigée par les améliorations successives de la gamme GE BWR mais aucune correction structurelle n'a pu être apportée sur la série Mark1 dont les autorisations d'exploitation ont en outre été fréquemment prolongées au-delà du raisonnable. Ainsi l'unité n°. 1 de Fukushima Daiichi, la première a avoir explosé dès le 12 mars, devait ainsi être arrêtée définitivement... le 26 mars 2011, après 40 années de service !
Ce type de confinement, bien que très ancien et probablement l'un des plus controversé, est encore très couramment utilisé de par le monde : 23 réacteurs de ce type sont encore en service aux USA, 2 en Inde (les doyens, mis en service en octobre 1969 !), une vingtaine au Japon (beaucoup moins maintenant) et un en Espagne.
3 ex-ingénieurs de General Electric - qui savent de quoi ils parlent - ont d'ailleurs démissionné de leurs responsabilités en 1976 suite à des désaccords profonds avec la société ; ils ont évoqué à l'époque plusieurs points faibles dans la conception de ces modèles. De nombreux autres ingénieurs ainsi que plusieurs officiels de l'AEC et de la NRC ont estimé que ce type de technologie n'avait que très peu de chances de survivre à un accident important.
L'accident de Fukushima leur a hélas donné raison : le confinement du réacteur n°. 1 de Fukushima Daichi, le plus ancien des trois unités Mark1, n'aura tenu qu'environ 24 heures après l'arrivée du tsunami et le déclenchement du blackout station (perte totale des réseaux d'énergie).
Sources :
All the King's horses and All the King's men, vidéo Arnie Gundersen, Anglais
From Hiroshima to Fukushima, VT by Dr Anthony Hall, Anglais
Deconstructing a controversial Design, NY Times, 19 mars, Anglais
Hazards of BWR in USA, NIRS, mars 2011, Anglais
Mark 1 design, ABC News, 15 mars, Anglais
BWR page, wikipedia (Anglais)
Containment overpressure, UCS, 06/05, Anglais
Anything on Fukushima, Arthur's anydex, Anglais
BWR systems, USNRC, Anglais
Les réponses de General Electric aux articles critiquant la faiblesse du confinement Mk1 :
Communiqué GE, Mk1 reactor containment, 16 mars, Anglais
Setting the record straight on Mk1 containment history, GE, 18 mars, Anglais
Mk 1 containment and NYT, GE, 19 mars, Anglais
La deuxième génération inclut plusieurs grandes familles de réacteurs nucléaires dont les Réacteurs à Eau Pressurisée (REP/PWR) et les Réacteurs à Eau Bouillante (REB/BWR). L'histoire nucléaire du géant industriel General Electric prit naissance au milieu des années 1950, quand les USA travaillaient d'arrache-pied à la construction du premier sous-marin à propulsion nucléaire, le USS Nautilus SSN-571, mis en service en 1954. Les deux constructeurs Américains, General Electric et Westinghouse étaient alors en concurrence sur ce projet qui fut finalement remporté par le second ; l'Amiral Rickover avait en effet arbitré au début des années 1950 sur l'utilisation exclusive des Réacteurs à Eau Pressurisée pour la marine des USA. Les REB furent en fait écartés au motif - déjà - de problèmes d'instabilité de la chambre de suppression en milieu maritime et particulièrement sur les sous-marins.
L'EBR-1 et le projet BORAX, premières réflexions sur l'atome civil
Le réacteur EBR-1 installé sur le site de l'Idaho National Laboratory fût le premier réacteur nucléaire expérimental ayant produit de l’énergie électrique en 1951. Un peu plus tard, en 1953, après les déclarations d'Untermeyer validant le principe des REB, débuta l'expérience BORAX : produire de l'électricité de manière industrielle et économique à l'aide de la filière à eau bouillante ; le premier réacteur de production BORAX1 finit d'ailleurs tristement sa carrière en 1954 par un accident... volontaire permettant aux scientifiques de mieux comprendre le fonctionnement d'un cœur de réacteur poussé dans ses derniers retranchements. Ils n'ont pas été déçus : les ingénieurs s'attendaient à une petite excursion sans danger, le réacteur explosa en fait intégralement, le cœur fur projeté à plus de 100m et les témoins furent copieusement irradiés dans l'affaire ! Cette excursion critique délibérément provoquée fût à la source de l'un des nombreux accidents de l'histoire du nucléaire civil.
General Electric, ses premiers échecs dans la fission nucléaire et son orientation vers la filière à eau bouillante
Comme nous l'avons vu plus haut, après avoir essuyé quelques échecs dans le domaine de la propulsion navale, le constructeur General Electric s'orienta dès 1955 vers la production d'électricité grâce à la construction industrielle de réacteurs à eau bouillante. Grâce à une coopération avec l'entreprise locale d’électricité de Chicago Commonwealth Edison Company et l'ingénieriste Sargent & Lundy LLC, GE débuta l'étude d'un "gigantesque" réacteur nucléaire d'une puissance de 180 MWe.
Le concept du confinement Mark1 date de... 1960 !
GE a manifestement conçu un confinement simplifié dans le but de diminuer les coûts de construction. Quelques défauts structurels sautent aux yeux :
- Le tore ou chambre de suppression nécessaire pour contenir un excès de vapeur inhérent aux REB ; il s'agit d'un gigantesque anneau en acier de 35m de diamètre qui soulage le confinement en cas de surpression accidentelle. Étant situé en-dessous du réacteur, il est impossible sans une source d'énergie externe de faire remonter la vapeur condensée vers ce dernier ;
- Le confinement ou DryWell, de dimensions restreintes par rapport à un REP, donc forcément moins résistant en cas d'explosion d'hydrogène, même s'il est vrai que dans un REB les pressions de service sont moins importantes que dans un REP ;
- Un confinement secondaire très léger (les parois du bâtiment réacteur), fragile et non-étanche après dépressurisation éventuelle ;
- Les piscines de désactivation et d'équipement sont situées en haut du bâtiment réacteur et sont donc plus exposées en cas d'accident avec fabrication d'hydrogène, plus difficiles à refroidir en cas de situation critique (pomper "haut" est toujours plus difficile que de pomper "bas") et également plus sujettes aux dégradations créés par un séisme éventuel ;
Une partie de ces défauts a été corrigée par les améliorations successives de la gamme GE BWR mais aucune correction structurelle n'a pu être apportée sur la série Mark1 dont les autorisations d'exploitation ont en outre été fréquemment prolongées au-delà du raisonnable. Ainsi l'unité n°. 1 de Fukushima Daiichi, la première a avoir explosé dès le 12 mars, devait ainsi être arrêtée définitivement... le 26 mars 2011, après 40 années de service !
Ce type de confinement, bien que très ancien et probablement l'un des plus controversé, est encore très couramment utilisé de par le monde : 23 réacteurs de ce type sont encore en service aux USA, 2 en Inde (les doyens, mis en service en octobre 1969 !), une vingtaine au Japon (beaucoup moins maintenant) et un en Espagne.
3 ex-ingénieurs de General Electric - qui savent de quoi ils parlent - ont d'ailleurs démissionné de leurs responsabilités en 1976 suite à des désaccords profonds avec la société ; ils ont évoqué à l'époque plusieurs points faibles dans la conception de ces modèles. De nombreux autres ingénieurs ainsi que plusieurs officiels de l'AEC et de la NRC ont estimé que ce type de technologie n'avait que très peu de chances de survivre à un accident important.
L'accident de Fukushima leur a hélas donné raison : le confinement du réacteur n°. 1 de Fukushima Daichi, le plus ancien des trois unités Mark1, n'aura tenu qu'environ 24 heures après l'arrivée du tsunami et le déclenchement du blackout station (perte totale des réseaux d'énergie).
Sources :
All the King's horses and All the King's men, vidéo Arnie Gundersen, Anglais
From Hiroshima to Fukushima, VT by Dr Anthony Hall, Anglais
Deconstructing a controversial Design, NY Times, 19 mars, Anglais
Hazards of BWR in USA, NIRS, mars 2011, Anglais
Mark 1 design, ABC News, 15 mars, Anglais
BWR page, wikipedia (Anglais)
Containment overpressure, UCS, 06/05, Anglais
Anything on Fukushima, Arthur's anydex, Anglais
BWR systems, USNRC, Anglais
Les réponses de General Electric aux articles critiquant la faiblesse du confinement Mk1 :
Communiqué GE, Mk1 reactor containment, 16 mars, Anglais
Setting the record straight on Mk1 containment history, GE, 18 mars, Anglais
Mk 1 containment and NYT, GE, 19 mars, Anglais
Merci pour votre excellent travail, continuez !
Il y avait quelques bons sites au début de la catastrophe, tel un kokopelli, mais maintenant il ne reste ... que vous !
Rédigé par : zolive | 25/10/2011 à 05:28
@ zolive : il existe toujours quelques sites d'information sur Fukushima en Français, voir la liste des "sites amis" dans le bandeau de droite. Mais la liste se restreint effectivement ;)
Bonne journée,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 25/10/2011 à 10:09