Notre amie Aimelle évoquait récemment la difficulté particulière de lire, de comprendre et d'apprécier les données de mesure de radioactivité. Numérateurs et dénominateurs variables, unités changeantes, conversions délicates, magnitudes (1) dérangeantes, calculs complexes, comparaisons délicates, erreurs possibles... La liste de griefs est longue, nous allons tenter de démontrer que leur lecture est loin d'être maîtrisable par le citoyen moyen, logiquement inquiet de savoir si la situation est "normale" sur le plan de la radioactivité à proximité de son emplacement.
Ces ambiguïtés et autres complexités ne sont pas obligatoirement destinées à faire en sorte que personne n'y comprenne rien - cela, c'est le résultat mais non l'intention - mais de se ménager des possibilités d'esquives de situations dangereuses ou embarrassantes. J'y reviendrai à la fin de la seconde partie du papier.
Nous illustrerons cette problématique par un petit tour d'horizon de différents systèmes civils d'alerte ou de contrôle de radiations.
A tout seigneur, tout honneur : le système RADNET des Etats-Unis d'Amérique
Voici un relevé sous forme de graphe du système Radnet surveillant la radioactivité aux USA et plus spécifiquement de la station d'Anchorage en Alaska, ville bien connue des pilotes car elle fût le point de départ de la première route aérienne transpolaire ouverte en 1951.
Y comprenez-vous quelques chose ? Non, probablement ! Nous avons sous les yeux un graphe d'activité (2) Instantanée (3) Gamma (4) établi en CPM (5) qui se complique d'autant plus que l'activité Gamma est divisée en champs d'énergie (6). L'échelle est logarithmique (7)
Ce type de graphe est réservé à des scientifiques et n'est généralement d'aucune utilité pour le citoyen moyen, non initié aux mystères radioactifs !
Le système Français de balises TELERAY de l'IRSN
Complétement différent, le réseau de balises Françaises TELERAY affiche beaucoup plus sommairement un Débit de Dose (8) ambiante (9) équivalente (10) moyenne (11) de radiations Gamma (4) exprimé en nSV/h (12) . La dose moyenne de l'année précédente est également affichée à titre de comparaison. Les relevés sont effectués toutes les cinq minutes et les graphes sont mis à jour assez fréquemment (quelques heures) sur le site national.
Ici, pas de graphe, une information simplifiée mais forcément incomplète ; la pondération des mesures "moyennes" ne permet pas d'observer de "pics" de radioactivité par exemple. La notice explicative est assez sommaire.
(1) Magnitude ou ordre de magnitude : la gestion des grands nombres, souvent traités en notation scientifique, s'appliquant par exemple en astronomie ou dans d'autres domaines ou les plages d'observation d'événements sont extrêmement étendues ; une "magnitude" est généralement une puissance de 10 supplémentaire, c'est à dire que l'on "rajoute un zéro" à une liste déjà souvent longue !
(2) L'activité radioactive est la mesure "brute" de radioactivité sans facteur de correction quelconque, l'unité de mesure est généralement le CPM (5)
(3) L'activité instantanée ou immédiate non pondérée au moment M du relevé, à opposer à l'activité moyenne sur une durée de temps donnée (on relève 60 mesures, une chaque minute par exemple, puis l'on divise le résultat par 60 pour obtenir un relevé horaire en CPM d'où un "assouplissement" manifeste de la courbe)
(4) Gamma, l'une des classes de radiations électromagnétiques avec les rayons Alpha, Béta, les neutrons... Les rayons Gamma sont généralement très pénétrants (peau, tissus, matériaux) mais relativement peu ionisants (mordants)
(5) CPM ou Coups Par Minute, unité basique de radioactivité équivalant à une désintégration radioactive par minute. La moyenne "naturelle" instantanée varie selon les lieux et les périodes mais est généralement estimée à 20-50 CPM ; à noter que 1 CPM vaut 1 Becquerel
(6) Tout rayonnement se caractérise par sa fréquence et son champ énergétique ou plus simplement "énergie" exprimée en Electrons par Volt (eV)
(7) l'échelle logarithmique est utilisée pour mesurer de larges plages de données sur un espace graphique restreint, l'échelle peut être par exemple 1-10-100-1000 ou en notation scientifique 10E-2, 10E-1, 10, 10E1 etc.
(8) Le Débit De Dose ou DDD mesure un "dose" de radiaoctivité sur une unité de temps donnée (h, an...) tenant compte, autant que faire se peut, des spécificités du type rayonnement mesuré (Alpha, Béta, Gamma)
(9) Ambiante car le relevé est généralement fait quelques mètres au-dessus du sol, dans l'air "ambiant", à l'inverse de relevés de contamination du sol effectués "à quatre pattes"
(10) La dose "équivalente" tente d'estimer l'impact d'un débit de dose sur une entité biologique (cellule, tissu, organe, entité "entière") et se mesure généralement en Sv/h ou en Rem (1 Sv = 100 Rem)
(11) Débit de Dose Moyenne à l'opposé d'une mesure "instantanée" brute
(12) nSv/h ou Nano-Sievert par heure : 1000 nano valent 1 µ donc une mesure de 100 nSv/h est équivalente à 0.1 µSv/h ou encore 10E-7 Sv/h
------------------- A suivre ------------------
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