L'association pour l'étude des échecs (Association for the Study of Failure) a publié le 19 août un rapport concis (17 pages) et assez intéressant sur l'accident de Fukushima Daiichi. Les auteurs sont des scientifiques Japonais non pas totalement indépendants mais un peu en "retrait" par rapport à l'industrie nucléaire.
Voici ce que le rapport indique au sujet de l'état des cœurs des réacteurs basé sur les différents rapports de l'opérateur, des autorités de contrôle nationale et internationale.
- P. 6, Unité F1 : «Nous pensons que l'unité F1 a subi une demi-fusion du coeur c'est à dire que les pastilles de combustible ont atteint une température supérieure à 1400° C mais inférieure à 2800° C. Le combustible chaud est tombé dans le bas de la cuve RPV (la cuve principale du réacteur), y a formé des trous avant de tomber au fond de la seconde cuve (PCV, confinement) qui a à son tour été détériorée par le combustible.»
- Pour l'unité F2, Page 9, peu de variations, combustible dans le même état.
- Unité F3, page 14, quasiment la même conclusion.
Donc, d'après l'ASF, le pire aurait été évité et le corium - non cité nommément dans cette étude - ne se serait pas formé, le combustible se serait bien déposé sur le fond du confinement en béton mais la température de ce demi-corium n'aurait pas atteint la température de 2800 à 3000° C nécessaires au percement du radier en béton.
La fameuse étude ORNL de 1981, portant sur un accident similaire touchant un réacteur similaire
Cette étude effectuée par le Laboratoire National (USA) d'Oak Ridge est très peu connue et c'est bien dommage car elle reprend pratiquement le scénario à la base de l'accident de Fukushima : un "blackout station", c'est à dire la perte simultanée des réseaux électriques principaux et secondaires (groupes électrogènes) et par conséquence un site plongé dans le noir (blackout), excepté quelques rares fonctions d'extrême urgence alimentées par une batterie très provisoire (4 heures).
Cette étude était destinée à la commission de sécurité nucléaire des USA (NRC) qui souhaitait savoir quelles pouvaient être les conséquences de ce type d'accident majeur et surtout les temps de réponse que les autorités avaient afin d'établir des opérations d'alerte et d'évacuation des populations environnantes en cas d'accident "sévère".
Le réacteur étudié était l'unité n°. 1 de la centrale de Browns Ferry qui est toujours en service à ce jour et alimente une partie de l’État de l'Alabama aux États-Unis d'Amérique. Pour la petite histoire, ce réacteur a connu un incendie en 1975 qui a permis de renforcer la sécurité globale dans ce domaine, une partie du faisceau électrique ayant brûlé suite à l'incendie ce qui aurait pu entraîner un perte totale de contrôle de l'unité n°.1 ainsi que de l'unité n°.2 contiguë.
L'étude portait sur un réacteur General Electric BWR/4 de 1100 Mwe tournant à pleine puissance, donc dans des conditions quasiment similaires à celles rencontrées par les unités n°. 2 et 3 de Fukushima Daiichi le 11 mars 2011, suite au séisme majeur et au tsunami ayant détruit une partie des installations et notamment plongé, exactement comme dans l'étude, les salles de contrôle dans le noir absolu.
En P. 7, du rapport, on notait que «même si la survenue d'un tel accident blackout station peut être considérée comme extrêmement improbable, il est néanmoins utile d'en étudier les effets et les conséquences.» Paroles prémonitoires ! On sait maintenant que la série des anciens réacteurs construits par General Electric est assez fragile et ne tient pas assez compte par exemple de la probabilité de survenue d'éléments naturels majeurs successifs, compliqués par le fait qu'il toucheront probablement plusieurs unités de production simultanément.
M + 450 : la messe est dite, le corium commence à percer le béton du radier et devient de facto inaccessible

L'incroyable fragilité des premiers réacteurs GE est ici clairement mise en évidence : l'accident grave est inéluctable environ 7 heures après la perte totale d'énergie : le corium est formé, il atteint provisoirement une température d'environ 1500° C et commence à percer les 8 mètres de béton du radier qu'il aura totalement traversé 6 H et 30 minutes plus tard. Il faut bien comprendre que 450 minutes après la perte des réseaux principaux et secondaires, le cœur a déjà fondu, traversé la cuve principale pour se répandre sur le fond plat en béton qu'il commence à attaquer immédiatement tout en se renforçant et en augmentant toujours sa température.
Dès que le corium attaque le béton, il le vaporise, il s'en nourrit en quelque sorte, avant de s'enfoncer rapidement par gravité. Il faut bien comprendre que le corium est extrêmement dense (densité de 20 alors que le plomb ne présente qu'une densité de 11) et donc très "concentré" et ceci explique, avec la formidable énergie contenue dans le combustible même fondu, ses caractéristiques extraordinaires. Pour en apprendre beaucoup plus sur le corium, je vous renvoie volontiers vers l'excellent article de Pierre Fetet qui vous en dira beaucoup plus dans ce domaine.
D'après l'étude, le corium atteint donc une température estimée à 1500°C en tombant sur le béton, après l'effondrement du cœur ; il monte ensuite à une température de 1800°C environ 1 heure plus tard, une fois le premier mètre de béton transpercé.
L’impossibilité technique de la notion de "combustible posé sur le confinement"
C'est la grossière erreur des scientifiques Japonais : le béton n'est pas attaqué à 2800° C mais bien avant, à partir de 1100° C (wiki Anglais). Conséquence directe : si le corium arrive sur le béton, il ne refroidit pas mais augmente considérablement sa température et commence immédiatement sa descente. Or, le fond du confinement étant plat, comment pourrait-on amener une quantité importante d'eau de refroidissement dans le puits relativement étroit créé par le combustible ? C'est impossible, il est déjà impossible dans des conditions accidentelles d'amener un débit d'eau important ailleurs que dans la cuve principale. Or, même Tepco reconnaît maintenant que le combustible fondu a atteint le confinement, suite à la "perte d'étanchéité" de la cuve primaire !
Le rapport des Japonais de l'ASF tente ensuite de "noyer le poisson" si j'ose dire en expliquant en P. 13 que, contrairement à ce que prétendrait un laboratoire National Français (?) le béton Japonais ne contiendrait que très peu de carbone et serait en conséquent peu ou pas affecté par le corium. Fameuse, ou plutôt fumeuse explication ! (car il était question de la fumée noire constatée le 21 mars au-dessus de l'ex-réacteur n°. 3). Donc les Japonais ont coulé, lors de la réalisation du radier de la centrale, c'est à dire vers 1968, un béton "miracle" pouvant stopper net la progression du corium, alors que 30 années plus tard, l'EPR utilise une énorme quantité (500 tonnes) d'un composé de céramiques spéciaux mis au point après d'innombrables recherches et expérimentations ? Hélas, mis à part une phrase laconique menant vers "un laboratoire Japonais", aucune référence précise ne vient confirmer cette affirmation...
De nombreuses autres questions sans éléments scientifiques de réponse
Il en va de même pour de nombreuses explications fournies par Tepco, tout aussi fumeuses ou vaseuses et qui sont pourtant reprises par le chœur des autorités scientifiques suivies par les principaux médias, ravis de pouvoir publier sans même les vérifier sommairement de maigres informations sur les suites accidentelles. On ne sait rien sur le corium, pratiquement rien sur la contamination des eaux souterraines que les autorités Japonaises semblent commencer à évoquer, très peu de choses sur l'état géologique réel du sous-sol de la centrale après le séisme, 3 fois rien sur le type de travaux réalisés pour araser la roche lors de l'implantation de la centrale, pas de données communiquées sur de nombreux paramètres vitaux des installations (neutrons, criticité éventuelle) et des données de sécurité accidentelles qui, même réclamées par la commission d'enquête parlementaire sur l'accident, arrivent volontairement noircies et illisibles. C'est donc cela, la grande transparence de l'industrie nucléaire : on ne communique pas les informations vitales y compris aux autorités, et l'on martèle des informations volontairement imprécises, secondaires, voire à l'occasion volontairement biaisées. Pourquoi pardonne-t-on à ces gens ce que l'on ne tolérerait dans aucun autre secteur d'activité ?
Voici ce que le rapport indique au sujet de l'état des cœurs des réacteurs basé sur les différents rapports de l'opérateur, des autorités de contrôle nationale et internationale.
- P. 6, Unité F1 : «Nous pensons que l'unité F1 a subi une demi-fusion du coeur c'est à dire que les pastilles de combustible ont atteint une température supérieure à 1400° C mais inférieure à 2800° C. Le combustible chaud est tombé dans le bas de la cuve RPV (la cuve principale du réacteur), y a formé des trous avant de tomber au fond de la seconde cuve (PCV, confinement) qui a à son tour été détériorée par le combustible.»
- Pour l'unité F2, Page 9, peu de variations, combustible dans le même état.
- Unité F3, page 14, quasiment la même conclusion.
Donc, d'après l'ASF, le pire aurait été évité et le corium - non cité nommément dans cette étude - ne se serait pas formé, le combustible se serait bien déposé sur le fond du confinement en béton mais la température de ce demi-corium n'aurait pas atteint la température de 2800 à 3000° C nécessaires au percement du radier en béton.
La fameuse étude ORNL de 1981, portant sur un accident similaire touchant un réacteur similaire
Cette étude était destinée à la commission de sécurité nucléaire des USA (NRC) qui souhaitait savoir quelles pouvaient être les conséquences de ce type d'accident majeur et surtout les temps de réponse que les autorités avaient afin d'établir des opérations d'alerte et d'évacuation des populations environnantes en cas d'accident "sévère".
Le réacteur étudié était l'unité n°. 1 de la centrale de Browns Ferry qui est toujours en service à ce jour et alimente une partie de l’État de l'Alabama aux États-Unis d'Amérique. Pour la petite histoire, ce réacteur a connu un incendie en 1975 qui a permis de renforcer la sécurité globale dans ce domaine, une partie du faisceau électrique ayant brûlé suite à l'incendie ce qui aurait pu entraîner un perte totale de contrôle de l'unité n°.1 ainsi que de l'unité n°.2 contiguë.
L'étude portait sur un réacteur General Electric BWR/4 de 1100 Mwe tournant à pleine puissance, donc dans des conditions quasiment similaires à celles rencontrées par les unités n°. 2 et 3 de Fukushima Daiichi le 11 mars 2011, suite au séisme majeur et au tsunami ayant détruit une partie des installations et notamment plongé, exactement comme dans l'étude, les salles de contrôle dans le noir absolu.
En P. 7, du rapport, on notait que «même si la survenue d'un tel accident blackout station peut être considérée comme extrêmement improbable, il est néanmoins utile d'en étudier les effets et les conséquences.» Paroles prémonitoires ! On sait maintenant que la série des anciens réacteurs construits par General Electric est assez fragile et ne tient pas assez compte par exemple de la probabilité de survenue d'éléments naturels majeurs successifs, compliqués par le fait qu'il toucheront probablement plusieurs unités de production simultanément.
M + 450 : la messe est dite, le corium commence à percer le béton du radier et devient de facto inaccessible
L'incroyable fragilité des premiers réacteurs GE est ici clairement mise en évidence : l'accident grave est inéluctable environ 7 heures après la perte totale d'énergie : le corium est formé, il atteint provisoirement une température d'environ 1500° C et commence à percer les 8 mètres de béton du radier qu'il aura totalement traversé 6 H et 30 minutes plus tard. Il faut bien comprendre que 450 minutes après la perte des réseaux principaux et secondaires, le cœur a déjà fondu, traversé la cuve principale pour se répandre sur le fond plat en béton qu'il commence à attaquer immédiatement tout en se renforçant et en augmentant toujours sa température.
Dès que le corium attaque le béton, il le vaporise, il s'en nourrit en quelque sorte, avant de s'enfoncer rapidement par gravité. Il faut bien comprendre que le corium est extrêmement dense (densité de 20 alors que le plomb ne présente qu'une densité de 11) et donc très "concentré" et ceci explique, avec la formidable énergie contenue dans le combustible même fondu, ses caractéristiques extraordinaires. Pour en apprendre beaucoup plus sur le corium, je vous renvoie volontiers vers l'excellent article de Pierre Fetet qui vous en dira beaucoup plus dans ce domaine.
D'après l'étude, le corium atteint donc une température estimée à 1500°C en tombant sur le béton, après l'effondrement du cœur ; il monte ensuite à une température de 1800°C environ 1 heure plus tard, une fois le premier mètre de béton transpercé.
L’impossibilité technique de la notion de "combustible posé sur le confinement"
C'est la grossière erreur des scientifiques Japonais : le béton n'est pas attaqué à 2800° C mais bien avant, à partir de 1100° C (wiki Anglais). Conséquence directe : si le corium arrive sur le béton, il ne refroidit pas mais augmente considérablement sa température et commence immédiatement sa descente. Or, le fond du confinement étant plat, comment pourrait-on amener une quantité importante d'eau de refroidissement dans le puits relativement étroit créé par le combustible ? C'est impossible, il est déjà impossible dans des conditions accidentelles d'amener un débit d'eau important ailleurs que dans la cuve principale. Or, même Tepco reconnaît maintenant que le combustible fondu a atteint le confinement, suite à la "perte d'étanchéité" de la cuve primaire !
Le rapport des Japonais de l'ASF tente ensuite de "noyer le poisson" si j'ose dire en expliquant en P. 13 que, contrairement à ce que prétendrait un laboratoire National Français (?) le béton Japonais ne contiendrait que très peu de carbone et serait en conséquent peu ou pas affecté par le corium. Fameuse, ou plutôt fumeuse explication ! (car il était question de la fumée noire constatée le 21 mars au-dessus de l'ex-réacteur n°. 3). Donc les Japonais ont coulé, lors de la réalisation du radier de la centrale, c'est à dire vers 1968, un béton "miracle" pouvant stopper net la progression du corium, alors que 30 années plus tard, l'EPR utilise une énorme quantité (500 tonnes) d'un composé de céramiques spéciaux mis au point après d'innombrables recherches et expérimentations ? Hélas, mis à part une phrase laconique menant vers "un laboratoire Japonais", aucune référence précise ne vient confirmer cette affirmation...
De nombreuses autres questions sans éléments scientifiques de réponse
Il en va de même pour de nombreuses explications fournies par Tepco, tout aussi fumeuses ou vaseuses et qui sont pourtant reprises par le chœur des autorités scientifiques suivies par les principaux médias, ravis de pouvoir publier sans même les vérifier sommairement de maigres informations sur les suites accidentelles. On ne sait rien sur le corium, pratiquement rien sur la contamination des eaux souterraines que les autorités Japonaises semblent commencer à évoquer, très peu de choses sur l'état géologique réel du sous-sol de la centrale après le séisme, 3 fois rien sur le type de travaux réalisés pour araser la roche lors de l'implantation de la centrale, pas de données communiquées sur de nombreux paramètres vitaux des installations (neutrons, criticité éventuelle) et des données de sécurité accidentelles qui, même réclamées par la commission d'enquête parlementaire sur l'accident, arrivent volontairement noircies et illisibles. C'est donc cela, la grande transparence de l'industrie nucléaire : on ne communique pas les informations vitales y compris aux autorités, et l'on martèle des informations volontairement imprécises, secondaires, voire à l'occasion volontairement biaisées. Pourquoi pardonne-t-on à ces gens ce que l'on ne tolérerait dans aucun autre secteur d'activité ?

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