Le blog de Fukushima en Français publie la traduction française du fameux article du "Friday" sur le corium, un grand merci aux traducteurs et aux animateurs du site.
J'en reprends ici quelques éléments étayés de commentaires pour aller un peu plus loin dans l'analyse.
Le 7 juin, l'AIEA confirmait suite aux révélations bien tardives de Tepco et du gouvernement Japonais que le combustible fondu suite à la perte prolongée des systèmes de refroidissement des réacteurs n°1 à 3 avait probablement rapidement perforé les cuves principales (RPV).
Une fois cette déclaration faite, l'accident était parvenu à une situation de "melt-trough" (combustible fondu ayant percé la cuve). Or la cuve principale, de 17 cm d'épaisseur, se trouve être la principale barrière à la dispersion d'une éventuelle fusion de cœur car elle est bien plus solide et bien plus épaisse que la cuve de confinement (l'ampoule ou DryWell) qui l'enveloppe.
Une fois la seconde cuve percée, il reste au mieux quelques mètres de béton dense avant que le corium, mélange de combustible fondu et d'éléments divers portés à une température proche de 3000° C n'attaque la roche relativement tendre (mudstone) du sous-sol du site de Fukushima. Dès que le corium a traversé la seconde cuve, nous étions dans une situation de melt-out (le combustible a quitté le confinement métal du réacteur).
Deux anciennes études réalisées par le Oak Ridge National Laboratory au cours des années 1980 et portant sur le même type d'accident (blackout station) sur le même type de réacteur (GE Mk1) ont permis de prévoir que le corium aurait totalement percé le radier en béton une dizaine d'heures après le début du blackout station (perte d'énergie totale).
Le corium agit comme une lance thermique et perce le béton par vaporisation ; La masse très dense et la température extrême de ce mélange font que chaque nouvel élément percé s'ajoute à la masse en fusion et, sans vraiment le refroidir, augmente ainsi son volume et son efficacité. Pourquoi ? Car à la différence d'un "simple" magma comme la lave, le corium porte sa source d'énergie en lui-même (le "combustible").
L'énergie dégagée par ces pastilles de combustible fondues est gigantesque (une pastille de 7g = 1 Tonne de charbon) et se tient confinée dans un volume extrêmement réduit (imaginez quelques dizaines de tonnes dans le volume d'une cuve à mazout). La gravité et la température extrême du mélange fondu est ainsi capable de transpercer verticalement béton et roches sur de grandes distances avant de finalement commencer à s'épuiser, bien longtemps après sa formation.
Fidèles à leurs habitudes, Tepco, les autorités Japonaises et internationales ne communiquent que ce sur quoi ils peuvent tenter d'agir au moyen d'une technique ou d'une autre. Pas un mot sur la situation du combustible fondu ; C'est comme si, par un tour de passe-passe, le corium s'était tout-à-coup miraculeusement désintégré !
Malheureusement, il est impossible d'agir sur le corium une fois que ce dernier a quitté la cuve principale ce qui c'est certainement produit dès le 15 mars. Les contaminations que les Japonais ont commencé à constater récemment ne sont comparativement que mineures et le pire reste probablement malheureusement à venir avec la contamination massive à terme des nappes phréatiques et océanique.
Quand cela se produira-t-il ? Impossible de le prédire avec précision mais une chose est sûre : N'ayant aucun moyen d'action sur la progression du corium, les autorités ne communiqueront que très peu voire pas du tout sur cette information. Si, par malheur, les nappes d'eau sont soit directement atteintes par le combustible soit indirectement par filtration de tout ou partie des quantités énormes d'eau que l'opérateur a déversé dans les réacteurs, la situation de toute cette région du Japon deviendra vite intenable.
La cuve principale (RPV) du réacteur est entourée par "l'ampoule" de la cuve secondaire
Sous la double cuve, le radier en béton
Sous le radier, la roche sédimentaire
Sous la roche, les nappes phréatiques
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