Le prestigieux département de Science et d’Ingénierie Nucléaire du Massachussetts Institute of Technology s’est fendu récemment d’une étude qui entendait démontrer qu’une exposition “prolongée” à une dose 400 fois supérieure a la radioactivité “naturelle” n’induisait pas de dommages génétiques notables sur des souris. Malheureusement pour les auteurs et le MIT, l’examen approfondi de cette étude révèle tellement de faiblesses et d’approximations qu’il aurait mieux valu qu’elle ne soit jamais ni publiée ni même évoquée.
Le résumé de l’étude MIT : notez l’aiguille du détecteur sur “zéro radiation” !
La référence (pour les études d’irradiation sur les souris) : Tanaka et al., 2009
Cette étude publiée en 2009 a exposé environ 4 groupes de 1000 souris à des doses moyennes à très faibles de Césium-137 (21, 1.1, 0.05 et zéro mGy / jour (1)) sur une période de 400 jours, soit une dose totale de 8, 0.4, 0.02 et zéro Grays ; les souris étaient ensuite examinées après leur mort “naturelle” (2) pour en déterminer l’origine. La conclusion résumée des scientifiques était : “Les résultats de l’étude indiquent que la réduction de la durée de vie chez les souris exposées de manière prolongée à de faibles doses d’irradiation Gamma advient par une mort précoce induite par plusieurs sortes de néoplasmes (3) et non par une l’incidence accrue d’un cancer spécifique.” Et également : “Une augmentation significative de la masse corporelle [des souris] était notable chez les groupes de souris adultes (4) exposées respectivement au doses journalières de 1.1 mGy et 21 mGy, respectivement.”
Pourquoi l’étude du MIT est bâclée
Premièrement, elle ne tient aucun compte des études similaires précédentes et notamment de celle menée par Tanaka et al.. L’étude du MIT est présentée comme : “la première étude ayant mesuré les dommages génétiques engendrés par de si faibles niveaux d’exposition.” C’est évidemment totalement inexact, car l’étude de 2009 a bel et bien exposé un groupe de 1000 souris à une dose cumulée bien inférieure : 20 mGy contre 100 mGy pour l’étude du MIT. D’autre part, les dommages génétiques induisant systématiquement la survenance de néoplasmes, observer l’accroissement de l’incidence de ces derniers revient à constater un désordre génétique post-irradiation qui s’est “exprimé”. En outre, Tanaka a directement consacré une partie de son étude à l’observation du taux d’aberration chromosomique comme le prouve le graphe présenté ci-dessous. Notez en passant qu’à 100 mGy d’exposition, l’incidence de l’irradiation est relativement négligeable par rapport au groupe-témoin ; il est donc facile de “passer à côté” de la corrélation si l’on ne prolonge pas l’exposition au delà de 100 jours d’exposition.
L’étude Tanaka a bien analysé les aberrations chromosomiques chez les souris irradiées (Goddard’s journal, Fair Use)
Deuxièmement, la durée d’exposition : si une souris vit en moyenne 110 semaines, yang n’a exposé ses souris que pendant 5 semaines soit 1/22ème de leur vie probable. Exposer à la fois à une dose Gamma très faible pour une durée très faible n’apporte rien de nouveau dans le domaine de la recherche ; il faudrait idéalement exposer les sujets de manière permanente jusqu’à leur mort puisque c’est en fait ce qui s’est passé en Ukraine et en Biélorussie dès 1986 pour les populations non déplacées et ce qui se passe depuis la mi-mars 2011 pour les 350.000 habitants de Fukushima-city par exemple. Le co-auteur Engelward suppose très arbitrairement qu’“une exposition plus longue ne devrait pas modifier les résultats.” Où est la preuve scientifique de cette affirmation ?
Troisièmement, la population composant les groupes : alors que Tanaka a utilisé 4000 souris dans son étude de 2009 dont un groupe témoin de 1000, la photo du banc d’expérimentation accompagnant l’article du MIT montre… 4 cages ! Même si la composition détaillée des groupes n’apparait nulle part, vu la taille des cages photographiées ci-dessous, il est probable que les différents groupes ne se limitent au mieux qu’à quelques dizaines d’individus.
Quatrièmement, le radio-nucléide utilisé : au lieu d’utiliser le “bon vieux” Césium-137, l’un des principaux éléments radioactifs dispersés lors d’un accident majeur, le MIT a utilisé, probablement pour des raisons de facilité (5), de l’Iode-125, qui présente des caractéristiques bien différentes : période de 60 jours (30 ans pour le Cs-137), émetteur X et Gamma basse énergie (Gamma HE pour le Césium), des débits d’équivalent de dose différents…
Pourquoi l’étude du MIT est (dés)orientée
Un des plus grands donateurs du MIT et notamment de son département d’Ingénierie Nucléaire n’est autre que le DOE américain, qui a déjà attribué plus de 36 millions de dollars à l’Université du Massachusetts. L’US Department Of Energy gère la répartition des fonds publics (environ 30 Millards de Dollars US) mais également des financements collectés auprès du privé pour la recherche, les laboratoires, etc..
L’objectif du DOE en matière de nucléaire est clairement défini : “Apporter une assistance technique et financière dans l’optique de dynamiser l’industrie électronucléaire américaine.” On ne saurait être plus clair !
Le DOE se positionne d’ailleurs encore plus clairement en indiquant que : “Ce projet vise à insérer à terme un modèle futur de présentation socialement acceptable de nouveaux projets nucléaires, dans une optique d’évaluation et d’amélioration du taux de satisfaction des principaux intervenants.” Autrement dit, le MIT développe un activisme ouvertement pro-nucléaire.
Pourquoi l’étude du MIT est trompeuse
Elle peut injustement amener à penser que le zonage actuel des accidents nucléaires majeurs est incorrectement établi, autrement dit que les zones d’évacuation sont trop largement définies et pourraient avantageusement être réduites. L’étude ne vise pas à éviter un prochain désastre nucléaire, elle vise à en limiter artificiellement et de manière économique les conséquences, du moins dans un premier temps…
Conclusion
Sur le fond, il est raisonnable de s’interroger sur la motivation d’une énième étude d’irradiation des souris alors que les expérimentations réelles sur l’homme ne manquent pas : d’Hiroshima-Nagasaki à Fukushima en passant par Sellafield, Tchernobyl, autant d’études épidémiologiques qui ont confirmé l’étendue des aberrations chromosomiques dans les populations, même évacuées (6) ! D’autre part, pourquoi les auteurs indiquent-ils de manière erronée que leur travail est “original” alors que c’est loin d’être le cas ? Sur la forme, il semble que le cahier des charges ayant mené à cette étude se résume à une “commande” visant à redorer rapidement et économiquement le blason d’une industrie électronucléaire discréditée et décadente ; la différence semble être ici que le manque de sérieux avec lequel ce projet a été mené indique une baisse de la garde de l’établissement pro-nucléaire, ce qui est finalement plutôt rassurant !
(1) Une dose absorbée de 1 mGy/jour équivaut approximativement à un débit de dose efficace de 1mSv/jour soit environ 40 µSv/h pour l’exposition aux rayons Gamma (Sv = Gy * K avec K = 1)
(2) Non sacrifiées si ce n’est par l’exposition au Cs-137
(3) Cancer, tumeur ou plus spécifiquement un “accroissement rapide de tissus anormaux”
(4) 32 à 60 semaines, sachant que l’espérance de vie moyenne d’une souris est de 2 années environ mais qu’elle est réduite à 18 mois soit 80 semaines en cas d’obésité (source : University Of Ohio, 2011)
(5) L’Iode-125 est une source commune de curiethérapie
(6) Rappelons que la ville de Pripyat n’a été évacuée que le lendemain de l’explosion initiale de Tchernobyl, alors que les débits de dose cumulés étaient déjà énormes : de 40 à 50 Rads par individu soit environ 500 mSv de Gamma
Sources :
A new look at prolonged radiation exposure, Yanch et al., MIT.EDU, 15 mai
Le texte integral de l’étude du MIT, 2012, anglais
Cause of death and Neoplasia in Mice Continuously exposed at very low dose Rates of Gamma Rays, Tanaka et al., 2009
MIT no-évac Study Debunked, Ian Goddard, Vidéo Youtube, 5 juin
Superbe analyse ! L'étude du MIT n'a manifestement pas adopté une démarche scientifique !
Rédigé par : PiF | 23/06/2012 à 00:06
Il est possible que ce coté "baclé" démontre une résistance/opposition des chercheurs à une injonction à laquelle ils doivent se soumettre notamment pour les raisons de financement évoqués, et que les termes employés, tout comme la partialité de l'étude, l'ont été de manière volontaire afin de "disqualifier" un travail qu'ils savaient non pertinent mais impossible à refuser.
Rédigé par : Augure | 23/06/2012 à 13:38
Il faut ajouter qu'il est certainement difficile d'extrapoler de la souris à l'humain, car il est connu que l'impact potentiel croît avec la complexification de la cible.
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Il existe effectivement bien d'autres travaux sur les rongeurs.
Extrait :
[...]
nous avons contaminé des lots de rats par du cesium-137 pendant plusieurs mois.
Ce qui nous a permis de montrer qu'une quantité de cesium-137 analogue à celle rencontrée dans les territoires contaminés (150 becquerels/rat/jour), administrée en continu pendant trois mois, induit des modifications du taux sanguin de la vitamine D, une hormone essentielle à la croissance osseuse et au métabolisme du calcium.
des gènes impliqués dans le métabolisme de la vitamine D est également modifiée au niveau du foie et du système nerveux central[*].
[*] E. Tissandie et al., Toxicology, 225, 75, 2006.
p.4
(mensuel La Recherche, novembre 2006, n°402)
Rédigé par : Delphin | 23/06/2012 à 20:26
ceci n'est pas de la science, car nous ne sommes pas des rats de 70kg, tout simplement !!!
Rédigé par : Ben | 23/06/2012 à 23:38
C vrai ben , nous ne sommes que des singes de 70kg ,tout simplement ,avec un permis de conduire !!!.............
Rédigé par : doug | 24/06/2012 à 19:37
Et certains singes plus malins que les autres conduisent même sans permis...
Même nos plus proches cousins de la famille primates qui partagent 99% d'ADN en commun avec nous ne sont pas nos modèles biologiques. Ils ne développent pas le SIDA, ni l'hépatite, ni le cancer du poumon quand on les force à fumer, mais ils morflent quand même dans les labos...
Enfin, c'est un autre débat, même si l'omerta est tout aussi présente dans l'industrie de la vivisection que dans le nucléaire.
"La vivisection est un crime!" (Victor Hugo)
Rédigé par : Ben | 24/06/2012 à 20:11
Merci à Ben de ces informations concernant nos cousins les singes, qui ne développeraient donc pas de cancer du fumeur...
Je pense, moi aussi, que vivisection, élevages concentrationnaires de poulets, nucléarisation technologique et bien d'autres méfaits ressortent d'une même famille de maux : l'incapacité sociale à ressentir la souffrance tant qu'elle n'est pas sienne propre.
Rédigé par : Delphin | 25/06/2012 à 19:31