Un nouveau "malentendu" radiologique ?
Les autorités Japonaises commencent apparemment à lâcher du lest dans le domaine de la contamination. Devant la pression de parents d’élèves horrifiés par l'établissement en avril 2011 d'un nouveau seuil de "sécurité" radiologique fixé à 20 mSv/an et ce, indifféremment de l'âge des populations concernées, le Ministre actuel de l’Éducation du Japon, Masaharu Nakagawa, vient de reconnaître que la décision rendue par son prédécesseur Tatsuo Kawabata avait pu donner l'impression de "banaliser l'exposition à la radioactivité", et qu'il en était "désolé".
De la "recommandation" CIPR n°. 60 de 1990 à la n°. 103 de 2007
En 1990, la CIPR édite la synthèse de ses recommandations en radioprotection ; l'ensemble tient alors dans une brochure relativement peu épaisse. Voici la définition - simple, claire et concise - des seuils concernant le public :
- En situation "normale", le seuil d'exposition externe du public est fixé à 1 mSv/an (dose efficace, hors bruit de fond habituel)
- En situation "exceptionnelle", le seuil "normal" devient un seuil "recommandé" alors que le seuil "maximum" est relevé à 5 mSv/an sans dépasser 5 mSv sur 5 ans (1)
- Le seuil de 20 mSv/an est bien mentionné dans le document CIPR 60 mais il concerne exclusivement les travailleurs du nucléaire ; il se déclinait plus précisément en un cumul de 100 mSv sur cinq années, soit 20 mSv/an
La nouvelle recommandation n°. 103 de 2007 semble a priori beaucoup plus détaillée mais ne modifie pas fondamentalement les seuils d'exposition concernant le public qui restent globalement fixés à 1 mSv/an ; on notera toutefois l'apparition de clauses dites "situationnelles", de doses "contraintes" (sic !) et la précision que la dose effective "devrait" rester inférieure à 1 mSv/an. Chacun appréciera ce que l'on pourrait appeler un "principe de précaution renversé" qui vise à permettre des écarts par rapports à des seuils qui étaient très - trop peut-être - nettement délimités auparavant. Les situations accidentelles sont évidemment ici nettement visées, ainsi que les situations d'exposition domestique aux effets du gaz Radon par exemple.
Surprise : le chiffre de 20 mSv/an pour le public fait son apparition au niveau de la page 102, au niveau des nouveaux seuils "contraints", autrement dit quand la situation est telle que la radioactivité ne peut être maîtrisée et que les débits de dose de référence dépassant largement les seuils "ordinaires".
La déclinaison des seuils ICRP-60 au Japon
La commission "radiations" du Japon adhérait au seuils dits "de Paris" (2) en ce qui concerne la protection du public et dérivait uniquement de ces derniers pour les travailleurs exposés à des sources radioactives. Le seuil de dose effective annuelle était donc basé (en 2002) sur la recommandation CIPR n°. 60. Nous n'avons pas réussi à retrouver de documents de travail Japonais plus récents aussi nous supposons que la réglementation Japonaise restait calquée sur les nouvelles recommandations ICRP n°. 103.
Japon, avril 2011 : le seuil de radioactivité est relevé de 1 à 20 mSv/an pour les activités scolaires extérieures
Il fallait s'y attendre : s'engouffrant habilement dans la fissure d'incertitude "recommandée" par l'ICRP-103, par décret du Ministre de l’Éducation daté du 19 avril 2011, le seuil de dose effective concernant les activités en plein air des enfants était relevé de 1 à 20 mSv par an dans la préfecture de Fukushima. Peu après, le 29 avril, le conseiller spécial du gouvernement pour la crise nucléaire M. Toshiso Kosako avait d'ailleurs démissionné de son poste, déclarant alors : "Il est parfaitement inacceptable d'appliquer un tel seuil de dose à des enfants aussi jeunes que des élèves de classes primaires, et il est obligatoire de revenir au plus vite sur cette décision."
Quelques recommandations sanitaires sommaires accompagnaient cette décision abrupte, comme un papier sombre enveloppe généralement une purge amère : activités extérieures limitées à 1 heure par jour, lavage fréquent des mains, du visage...
Une réglementation de radioprotection "sur mesure"
Évidemment, nous-direz-vous, il est facile de critiquer mais avez-vous d'autres réponses afin que ce genre de situation ne se représente jamais ? Eh bien, il en existe au moins une : l'arrêt immédiat et le démantèlement total de toutes les installations électronucléaires ! Si l'on élimine les sources radioactives, si l'on stoppe la production effrénée et journalière de produits de fission et d'activation hautement radio-toxiques créés par le processus de fission électronucléaire, on élimine 95% du danger radioactif accidentel au niveau des installations. Il restera à s'occuper des problèmes des déchets stockés, et du démantèlement de monstres devenus soudainement beaucoup moins grimaçants.
La preuve par 9 que les recommandations ICRP-103 sont laxistes
Le 5 juin 2011, une réunion opposait de jeunes parents de Fukushima très remontés à un représentant de l’État qui aurait déclaré (3) :
"Selon les normes internationales, la limite de 20 mSv représente le seuil minimum de la dose annuelle (fixée de 20 à 100 mSv) qu'il faut essayer de maintenir pour les populations." (4) Cela s'appelle surfer sur la vague du vague ou encore se défausser sur une réglementation volontairement inadéquate ! En vérité, si les "normes internationales" étaient moins laxistes, les autorités auraient bien plus de mal à évacuer la radioactivité autrement qu'avec des pirouettes verbales et devraient mouiller un peu plus leur chemise, en tout cas beaucoup plus qu'ils ne le font depuis le 11 mars 2011.
Les enfants sont bien plus sensibles que les adultes à de faibles doses de radioactivité
Les scientifiques estiment généralement que les enfants sont de 10 à 20 fois plus sensibles à l'exposition aux radiations ionisantes que les adultes : d'une part, leurs cellules se divisent bien plus fréquemment ce qui les expose davantage aux aberrations cellulaires causant le cancer, d'autre part leur durée de vie "restante" est plus grande ce qui offre plus de terrain aux maladies radio-induites pour se développer dans le futur. Or, sur le plan pratique, il est impossible de dissocier les enfants des parents à moins d'engendrer des situations probablement pires que celles risquées par les expositions à la radioactivité. Entre deux maux, le gouvernement Japonais a donc choisi le moindre, d'autant plus que la mode de notre société "évoluée" est de repousser les problèmes le plus possible : non pas à demain, ni de manière précise et claire comme les chiffres de seuils de radioactivité pourraient l'être pour le public, mais seulement... plus tard.
La norme de 1mSv/an, si elle avait été respectée, aurait induite une situation inextricable !
Le professeur Koïde estimait le 20 octobre 2011 que le gouvernement Japonais n'avait en fait d'autre choix que de relever les seuils de radioprotection car le respect du seuil "ordinaire" de 1 mSv/an aurait initié une crise économique majeure en débouchant sur l'évacuation d'une grande partie de la préfecture de Fukushima. "Le gouvernement n'avait d'autre choix que d'exposer les habitants à la radioactivité", concluait-il.
(1) A la condition expresse que la limite de 5 mSv / 5 ans ne soit pas dépassée (renvoi n°. 9, p. 27)
(2) Le fameux seuil civil de 1MsV/an tel que défini à la conférence de radioprotection de Paris de 1985
(3) Selon enenews citant le 11 juin une dépêche du mainichi daily qui a hélas été effacée sur le site entre temps
(4) Sous-entendu : en situation "contraignante" telle que définie dans les recommandations CIPR de 2007
Sources :
Ministry sorry for school radiation limit flipflop, NHK, 12/6, anglais
Publication n°. 60, CIPR, 1991 (extrait ?)
Publication n°. 103, IRSN/CIPR, 2007
Les nouvelles recommandations de la CIPR, Annie Sugier, 2007
Evolution of ICRP recommandations, OECD-NEA, 2011
Departure from ICRP-60 in Japan, Tepco (2002 ?)
Slow motion Japonese nuclear genocide of childhood, berkeley.edu (Alvarez), 11/05/11
Les autorités Japonaises commencent apparemment à lâcher du lest dans le domaine de la contamination. Devant la pression de parents d’élèves horrifiés par l'établissement en avril 2011 d'un nouveau seuil de "sécurité" radiologique fixé à 20 mSv/an et ce, indifféremment de l'âge des populations concernées, le Ministre actuel de l’Éducation du Japon, Masaharu Nakagawa, vient de reconnaître que la décision rendue par son prédécesseur Tatsuo Kawabata avait pu donner l'impression de "banaliser l'exposition à la radioactivité", et qu'il en était "désolé".
De la "recommandation" CIPR n°. 60 de 1990 à la n°. 103 de 2007
En 1990, la CIPR édite la synthèse de ses recommandations en radioprotection ; l'ensemble tient alors dans une brochure relativement peu épaisse. Voici la définition - simple, claire et concise - des seuils concernant le public :
- En situation "normale", le seuil d'exposition externe du public est fixé à 1 mSv/an (dose efficace, hors bruit de fond habituel)
- En situation "exceptionnelle", le seuil "normal" devient un seuil "recommandé" alors que le seuil "maximum" est relevé à 5 mSv/an sans dépasser 5 mSv sur 5 ans (1)
- Le seuil de 20 mSv/an est bien mentionné dans le document CIPR 60 mais il concerne exclusivement les travailleurs du nucléaire ; il se déclinait plus précisément en un cumul de 100 mSv sur cinq années, soit 20 mSv/an
La nouvelle recommandation n°. 103 de 2007 semble a priori beaucoup plus détaillée mais ne modifie pas fondamentalement les seuils d'exposition concernant le public qui restent globalement fixés à 1 mSv/an ; on notera toutefois l'apparition de clauses dites "situationnelles", de doses "contraintes" (sic !) et la précision que la dose effective "devrait" rester inférieure à 1 mSv/an. Chacun appréciera ce que l'on pourrait appeler un "principe de précaution renversé" qui vise à permettre des écarts par rapports à des seuils qui étaient très - trop peut-être - nettement délimités auparavant. Les situations accidentelles sont évidemment ici nettement visées, ainsi que les situations d'exposition domestique aux effets du gaz Radon par exemple.
Surprise : le chiffre de 20 mSv/an pour le public fait son apparition au niveau de la page 102, au niveau des nouveaux seuils "contraints", autrement dit quand la situation est telle que la radioactivité ne peut être maîtrisée et que les débits de dose de référence dépassant largement les seuils "ordinaires".
ICRP 103, tableau n°. 52 p. 102
Certaines formulations relevées dans le tableau ci-dessus font frémir : on y entrevoit l'apparition de "situations particulières", probablement réclamées par l'industrie Électronucléaire et visant également à décharger la responsabilité des autorités en cas de situation délicate comme le développement de situations "non-contrôlables", "catastrophiques" ou "d'urgence radiologique". Alors que les situations accidentelles devraient être de toute évidence extrêmement délimitées et réglementées, on notera bien au contraire que le tableau ci-dessus et l'ensemble de la recommandation n°. 103 est suffisamment floue pour être interprétée... selon la situation, et c'est probablement ce que le Japon a fait suite à l'accident de Fukushima-Daiichi.
La déclinaison des seuils ICRP-60 au Japon
La commission "radiations" du Japon adhérait au seuils dits "de Paris" (2) en ce qui concerne la protection du public et dérivait uniquement de ces derniers pour les travailleurs exposés à des sources radioactives. Le seuil de dose effective annuelle était donc basé (en 2002) sur la recommandation CIPR n°. 60. Nous n'avons pas réussi à retrouver de documents de travail Japonais plus récents aussi nous supposons que la réglementation Japonaise restait calquée sur les nouvelles recommandations ICRP n°. 103.
Japon, avril 2011 : le seuil de radioactivité est relevé de 1 à 20 mSv/an pour les activités scolaires extérieures
Il fallait s'y attendre : s'engouffrant habilement dans la fissure d'incertitude "recommandée" par l'ICRP-103, par décret du Ministre de l’Éducation daté du 19 avril 2011, le seuil de dose effective concernant les activités en plein air des enfants était relevé de 1 à 20 mSv par an dans la préfecture de Fukushima. Peu après, le 29 avril, le conseiller spécial du gouvernement pour la crise nucléaire M. Toshiso Kosako avait d'ailleurs démissionné de son poste, déclarant alors : "Il est parfaitement inacceptable d'appliquer un tel seuil de dose à des enfants aussi jeunes que des élèves de classes primaires, et il est obligatoire de revenir au plus vite sur cette décision."
Quelques recommandations sanitaires sommaires accompagnaient cette décision abrupte, comme un papier sombre enveloppe généralement une purge amère : activités extérieures limitées à 1 heure par jour, lavage fréquent des mains, du visage...
Une réglementation de radioprotection "sur mesure"
Évidemment, nous-direz-vous, il est facile de critiquer mais avez-vous d'autres réponses afin que ce genre de situation ne se représente jamais ? Eh bien, il en existe au moins une : l'arrêt immédiat et le démantèlement total de toutes les installations électronucléaires ! Si l'on élimine les sources radioactives, si l'on stoppe la production effrénée et journalière de produits de fission et d'activation hautement radio-toxiques créés par le processus de fission électronucléaire, on élimine 95% du danger radioactif accidentel au niveau des installations. Il restera à s'occuper des problèmes des déchets stockés, et du démantèlement de monstres devenus soudainement beaucoup moins grimaçants.
La preuve par 9 que les recommandations ICRP-103 sont laxistes
Le 5 juin 2011, une réunion opposait de jeunes parents de Fukushima très remontés à un représentant de l’État qui aurait déclaré (3) :
"Selon les normes internationales, la limite de 20 mSv représente le seuil minimum de la dose annuelle (fixée de 20 à 100 mSv) qu'il faut essayer de maintenir pour les populations." (4) Cela s'appelle surfer sur la vague du vague ou encore se défausser sur une réglementation volontairement inadéquate ! En vérité, si les "normes internationales" étaient moins laxistes, les autorités auraient bien plus de mal à évacuer la radioactivité autrement qu'avec des pirouettes verbales et devraient mouiller un peu plus leur chemise, en tout cas beaucoup plus qu'ils ne le font depuis le 11 mars 2011.
Les enfants sont bien plus sensibles que les adultes à de faibles doses de radioactivité
Les scientifiques estiment généralement que les enfants sont de 10 à 20 fois plus sensibles à l'exposition aux radiations ionisantes que les adultes : d'une part, leurs cellules se divisent bien plus fréquemment ce qui les expose davantage aux aberrations cellulaires causant le cancer, d'autre part leur durée de vie "restante" est plus grande ce qui offre plus de terrain aux maladies radio-induites pour se développer dans le futur. Or, sur le plan pratique, il est impossible de dissocier les enfants des parents à moins d'engendrer des situations probablement pires que celles risquées par les expositions à la radioactivité. Entre deux maux, le gouvernement Japonais a donc choisi le moindre, d'autant plus que la mode de notre société "évoluée" est de repousser les problèmes le plus possible : non pas à demain, ni de manière précise et claire comme les chiffres de seuils de radioactivité pourraient l'être pour le public, mais seulement... plus tard.
La norme de 1mSv/an, si elle avait été respectée, aurait induite une situation inextricable !
Le professeur Koïde estimait le 20 octobre 2011 que le gouvernement Japonais n'avait en fait d'autre choix que de relever les seuils de radioprotection car le respect du seuil "ordinaire" de 1 mSv/an aurait initié une crise économique majeure en débouchant sur l'évacuation d'une grande partie de la préfecture de Fukushima. "Le gouvernement n'avait d'autre choix que d'exposer les habitants à la radioactivité", concluait-il.
Les débits de dose ambiante fin mars 2011 (DOE/NNSA/IRSN)
(1) A la condition expresse que la limite de 5 mSv / 5 ans ne soit pas dépassée (renvoi n°. 9, p. 27)
(2) Le fameux seuil civil de 1MsV/an tel que défini à la conférence de radioprotection de Paris de 1985
(3) Selon enenews citant le 11 juin une dépêche du mainichi daily qui a hélas été effacée sur le site entre temps
(4) Sous-entendu : en situation "contraignante" telle que définie dans les recommandations CIPR de 2007
Sources :
Ministry sorry for school radiation limit flipflop, NHK, 12/6, anglais
Publication n°. 60, CIPR, 1991 (extrait ?)
Publication n°. 103, IRSN/CIPR, 2007
Les nouvelles recommandations de la CIPR, Annie Sugier, 2007
Evolution of ICRP recommandations, OECD-NEA, 2011
Departure from ICRP-60 in Japan, Tepco (2002 ?)
Slow motion Japonese nuclear genocide of childhood, berkeley.edu (Alvarez), 11/05/11
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