Un barrage de 800m de longueur destiné à restreindre les fuites radioactives vers l'océan
Il s'agit d'un projet pharaonique déjà ancien (nous en parlions déjà à l'été 2011) que l'opérateur n'avait pu concrétiser jusqu'à maintenant faute de ressources financières. Son objectif est de tenter de contenir les fuites radioactives entraînant l'eau contaminée des sous-sols des bâtiments - et probablement d'une partie de la nappe phréatique - vers l'océan Pacifique qui se trouve à environ 100 mètres à l'Ouest des installations contaminées. Son coût était estimé à environ 100 millions d'Euros par le Mainichi en juin 2011.
N'existait-il pas déjà un mur de protection similaire ?
C'est parfaitement exact mais le petit schéma fourni par Tepco avant-hier clarifie la situation : un mur existait déjà (existing seawall) mais était insuffisamment profond pour barrer la route à l'eau radioactive qui s'écoulerait principalement par l'intermédiaire d'une strate géologique perméable située une quinzaine de mètres sous le niveau de la mer. L'opérateur établirait donc ce nouveau mur qui descendrait à une profondeur maximale de 27m, soit a priori en-dessous du niveau de la couche perméable concernée (marron clair).
Pourquoi maintenant : l'État Japonais vient de renflouer les caisses de l'opérateur
Avec la nomination du nouveau Directeur Général de Tepco que nous avions récemment évoquée, l’État Japonais a alloué un budget d'environ 9 milliards d'Euros à la société sous forme de recapitalisation, ceci en échange de 66% du capital de l'entreprise qui se verra ainsi partiellement nationalisée. Tepco était à l'extrême limite de sa trésorerie et ne pouvait engager de nouvelles dépenses importantes sans cette recapitalisation.
Pendant cette "respiration" politique, 9 mois de fuites radioactives ont pollué l'océan
Le projet était défini à l'été 2011 et était uniquement bloqué pour des raisons financières, le gouvernement japonais ayant longtemps hésité à mettre la main à la poche. Les travaux commenceront dans quelques semaines pour s'achever, si le chantier avance comme prévu, à l'été 2014. Il est vraiment dommage que les politiques ne se soient décidés un peu plus rapidement - nous sommes au Japon il est vrai.
Ce nouveau mur sera-t-il suffisant pour éviter toute pollution océanique à l'été 2014 ?
C'est discutable : les inquiétudes ne se situent pas tant sur le plan du génie civil que sur celui de la géologie du site. Au niveau géologique, nous estimons que la couche que l'opérateur entend ainsi "verrouiller" côté océan ne se limite pas à 3 ou 4 mètres d'épaisseur comme indiqué sur le schéma ci-dessus ; d'après d'autres documents géologiques antérieurs (1), elle semble se révéler en fait plus épaisse ; nous l'estimons à un peu moins de dix mètres d'épaisseur au centre de la cuvette sur laquelle le radier est posé, ce qui amènerait la partie la plus profonde du barrage très près de la partie inférieure de cette couche boueuse et perméable.
D'après le mini-dossier Tepco, les piliers mesureraient en effet au maximum 27m de longueur, soit de OP+4 à OP-23, ce qui amènerait le bas du nouveau mur près de la limite de la strate boueuse indiquée en jaune hachuré sur le schéma ci-dessus ; ce document est celui utilisé lors de l'implantation du site et du creusement de la colline. Notons en passant une nouvelle fois que si l'opérateur n'avait pas ainsi "abaissé" les infrastructures pour les rapprocher aussi près du niveau océanique (2), il n’éprouverait pas tant de difficultés aujourd'hui pour contenir la radioactivité. En effet, les travaux initiaux d'arasement de la colline ont non seulement directement provoqué les dégâts causés par le tsunami sur les installations mais ils ont également supprimé une partie de la strate relativement imperméable au niveau des fondations, de OP-2 à OP-10.
Une priorité absolue sur le terrain géopolitique
Le puissant voisin Chinois s'est déjà dit préoccupé par la contamination étendue à la mer de Chine aussi les Japonais devaient absolument tenter de contenir les fuites vers l’océan ; en réalisant ce projet ils indiquent que la préoccupation de la dispersion des radionucléides ne se limite pas au territoire national mais qu'il déborde largement au-delà de ses frontières et ce au moment où la tension entre les deux géants asiatiques augmente au niveau du conflit sur les îles Senkaku (3).
(1) cf. l’excellente synthèse géologique réalisée par Pierre Fetet et disponible sur Fukushima-blog
(2) Principalement pour des raisons financières
(3) Archipel situé 1000 km au Sud-Ouest de Tokyo, riche en gaz et de ce fait très disputé entre la Chine et le Japon
Sources :
Tepco demande 9 milliards à l’État Japonais, 20minutes, 29/3/12
Outline of Water Shielding Wall Project, Tepco, 24/04/12, anglais
Commencement of Water Shielding Wall Construction, Tepco Press News, 24/04/12, anglais
Il s'agit d'un projet pharaonique déjà ancien (nous en parlions déjà à l'été 2011) que l'opérateur n'avait pu concrétiser jusqu'à maintenant faute de ressources financières. Son objectif est de tenter de contenir les fuites radioactives entraînant l'eau contaminée des sous-sols des bâtiments - et probablement d'une partie de la nappe phréatique - vers l'océan Pacifique qui se trouve à environ 100 mètres à l'Ouest des installations contaminées. Son coût était estimé à environ 100 millions d'Euros par le Mainichi en juin 2011.
N'existait-il pas déjà un mur de protection similaire ?
C'est parfaitement exact mais le petit schéma fourni par Tepco avant-hier clarifie la situation : un mur existait déjà (existing seawall) mais était insuffisamment profond pour barrer la route à l'eau radioactive qui s'écoulerait principalement par l'intermédiaire d'une strate géologique perméable située une quinzaine de mètres sous le niveau de la mer. L'opérateur établirait donc ce nouveau mur qui descendrait à une profondeur maximale de 27m, soit a priori en-dessous du niveau de la couche perméable concernée (marron clair).
Pourquoi maintenant : l'État Japonais vient de renflouer les caisses de l'opérateur
Avec la nomination du nouveau Directeur Général de Tepco que nous avions récemment évoquée, l’État Japonais a alloué un budget d'environ 9 milliards d'Euros à la société sous forme de recapitalisation, ceci en échange de 66% du capital de l'entreprise qui se verra ainsi partiellement nationalisée. Tepco était à l'extrême limite de sa trésorerie et ne pouvait engager de nouvelles dépenses importantes sans cette recapitalisation.
Pendant cette "respiration" politique, 9 mois de fuites radioactives ont pollué l'océan
Le projet était défini à l'été 2011 et était uniquement bloqué pour des raisons financières, le gouvernement japonais ayant longtemps hésité à mettre la main à la poche. Les travaux commenceront dans quelques semaines pour s'achever, si le chantier avance comme prévu, à l'été 2014. Il est vraiment dommage que les politiques ne se soient décidés un peu plus rapidement - nous sommes au Japon il est vrai.
Ce nouveau mur sera-t-il suffisant pour éviter toute pollution océanique à l'été 2014 ?
C'est discutable : les inquiétudes ne se situent pas tant sur le plan du génie civil que sur celui de la géologie du site. Au niveau géologique, nous estimons que la couche que l'opérateur entend ainsi "verrouiller" côté océan ne se limite pas à 3 ou 4 mètres d'épaisseur comme indiqué sur le schéma ci-dessus ; d'après d'autres documents géologiques antérieurs (1), elle semble se révéler en fait plus épaisse ; nous l'estimons à un peu moins de dix mètres d'épaisseur au centre de la cuvette sur laquelle le radier est posé, ce qui amènerait la partie la plus profonde du barrage très près de la partie inférieure de cette couche boueuse et perméable.
D'après le mini-dossier Tepco, les piliers mesureraient en effet au maximum 27m de longueur, soit de OP+4 à OP-23, ce qui amènerait le bas du nouveau mur près de la limite de la strate boueuse indiquée en jaune hachuré sur le schéma ci-dessus ; ce document est celui utilisé lors de l'implantation du site et du creusement de la colline. Notons en passant une nouvelle fois que si l'opérateur n'avait pas ainsi "abaissé" les infrastructures pour les rapprocher aussi près du niveau océanique (2), il n’éprouverait pas tant de difficultés aujourd'hui pour contenir la radioactivité. En effet, les travaux initiaux d'arasement de la colline ont non seulement directement provoqué les dégâts causés par le tsunami sur les installations mais ils ont également supprimé une partie de la strate relativement imperméable au niveau des fondations, de OP-2 à OP-10.
Une priorité absolue sur le terrain géopolitique
Le puissant voisin Chinois s'est déjà dit préoccupé par la contamination étendue à la mer de Chine aussi les Japonais devaient absolument tenter de contenir les fuites vers l’océan ; en réalisant ce projet ils indiquent que la préoccupation de la dispersion des radionucléides ne se limite pas au territoire national mais qu'il déborde largement au-delà de ses frontières et ce au moment où la tension entre les deux géants asiatiques augmente au niveau du conflit sur les îles Senkaku (3).
(1) cf. l’excellente synthèse géologique réalisée par Pierre Fetet et disponible sur Fukushima-blog
(2) Principalement pour des raisons financières
(3) Archipel situé 1000 km au Sud-Ouest de Tokyo, riche en gaz et de ce fait très disputé entre la Chine et le Japon
Sources :
Tepco demande 9 milliards à l’État Japonais, 20minutes, 29/3/12
Outline of Water Shielding Wall Project, Tepco, 24/04/12, anglais
Commencement of Water Shielding Wall Construction, Tepco Press News, 24/04/12, anglais
Tepco et le gouvernement Japonais revisitent la ligne Maginot , il impossible de stopper les circulations d'eau et ce qui ne passera pas pas le milieu passera sur les cotés.
Rédigé par : S Servant | 27/04/2012 à 09:17
Un très bon blog : "le blog de Fukushima " .
Un très bon livre : " Les sanctuaires de l'abîme " , éd. de l'encyclopédie des nuisances . Vient de paraître .
Rédigé par : cordilhac | 27/04/2012 à 12:44
« que l'opérateur n'avait pu concrétiser jusqu'à maintenant faute de ressources financières » : Cette interprétation me parait incomplète, et j'ai quelques doutes sur le « uniquement » de « uniquement bloqué pour des raisons financières », car les travaux de construction du mur ne pouvaient démarrer avant que ne soit fini le travail de couverture du fond marin par plusieurs couches de béton, pour éviter de remettre en suspension les matières radioactives déposées durant le chantier à venir. Voir la documentation http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/images/handouts_120221_02-e.pdf et http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/images/handouts_120313_01-e.pdf , les images ainsi que la vidéo du travail de coulage de béton sur le fond marin aux adresses http://photo.tepco.co.jp/en/date/2012/201202-e/120221-01e.html et http://photo.tepco.co.jp/en/date/2012/201203-e/120313-01e.html . Quant à l'affirmation "9 mois de fuites radioactives ont pollué l'Océan", je me permets d'en douter aussi faute de précisions quantitatives.
Rédigé par : Biwa | 27/04/2012 à 17:24
Et puis 9 mois ne me parait pas excessif comme délai pour la conception d'un ouvrage de cette importance. Il y a des plans à tracer, peut-être des études géologiques à faire, des calcul à faire pour vérifier la résistance de l'ouvrage aux différentes sollicitations (les vagues, les tremblements de terre etc.), des matériaux à choisir, des méthodes de fabrication à choisir, des personnels à embaucher, etc. etc. Si on exige trop de comprimer les délais on risque d'aboutir à du travail bâclé.
Rédigé par : Biwa | 27/04/2012 à 18:31
Et je ne parle pas des paperasseries administratives, permis de construire et autres...
Rédigé par : Biwa | 27/04/2012 à 18:39
@ Biwa :
1) Le "permis de construire" viendrait juste d'être délivré (suite au feu vert du gouvernement) aussi il me semble assez délicat de creuser les fondations auparavant, non ?
2) Iriez-vous jusqu'à affirmer qu'il n'y a pas eu de rejets maritimes continus et significatifs ? Un certain nombre d’études scientifiques prouvent le contraire, certaines ayant été reprises sur le site. Par ailleurs, à votre avis, pourquoi Tepco construit-il ce mur, est-il simplement "cosmétique" ?
3) Quand il y a urgence, il y a urgence ; 9 mois de recul en cas de radio-pollution notoire c'est beaucoup trop même si l'on valide l'argument que ce projet présente quelques contraintes techniques
Je maintiens mon analyse sur la procrastination essentiellement financière, d'après une info du mainichi daily datant de fin juin 2011 (je recherche le lien). 100 Milliard de yens, pour une entreprise à la limite de la faillite, n'est-ce-pas un frein ?
Cordialement,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 27/04/2012 à 19:12