Alice Stewart, décédée en juin 2002, était médecin et épidémiologiste ; elle a travaillé notamment pour le département de médecine sociale et préventive de l'université d'Oxford. Mme Stewart se préoccupait notamment de la nocivité des rayons-X sur la santé des fœtus et des nourrissons. Après une période initiale de "placard", ses travaux dans ce domaine furent ensuite confirmés avant d'être universellement acceptés, à partir de 1970, comme le référentiel de l'utilisation de l'imagerie médicale sur les femmes enceintes et les jeunes enfants, à savoir : éviter l'usage systématique des rayons-X en obstétrique et les réserver éventuellement aux cas pathologiques (Royal College of Radiologists 2009, NRPB 1993).
Mme Stewart, après son départ en retraite en 1974, travailla ensuite bénévolement au sein du laboratoire de médecine sociale de l'université de Cambridge avant de prendre la charge de la présidence de l'ECRR (1) aux côtés du professeur Inge Schmitz-Feurhake et du Dr. Christopher Busby. Elle fût également une des rares femmes admise au Collège Royal de Médecine de Grande-Bretagne et fût honorée en 1986 par le Right Livelihood Award qui est attribué par le parlement Norvégien la veille de la nomination du prix Nobel (2).
La vie de Mme Stewart fût toute entière consacrée à l’œuvre de la médecine sociale, au moyen d'améliorer la condition humaine et également aux petits combats journaliers que doivent mener les scientifiques assez téméraires pour aller à l'encontre des "idées reçues".
Dans le documentaire "Le feu de Pluton" réalisé par Kiyoshi Miyata en 1993, le professeur Stewart intervient pour préciser dans le contexte du documentaire (3) quelques-unes de ses découvertes effectuées au long de sa longue carrière :
"Au plus la dose radioactive est distribuée lentement, au plus elle est nocive et tend à induire des cancers et des problèmes génétiques"
Mme Stewart a été amenée à penser, au fil de ses découvertes, que, loin de l'avis de certains autres experts, l'effet nocif des radiations ionisantes est démultiplié par le temps d'exposition. Autrement dit, si un individu est amené à subir une exposition prolongée à de très faibles doses, les dommages induits dans l'organisme sous forme de mutations des cellules (cancers) ou de mutations du matériel génétique seront supérieurs - à dose efficace équivalente - à ceux induits par une exposition plus brève, donc à des doses instantanées plus élevées.
"Ce qui apparaissait comme dangereux, c'était l'explosion soudaine ; mes travaux suggèrent que c'est tout le contraire"
Le Professeur Stewart estime que si la dose d'exposition est distribuée lentement, autrement dit si le débit de dose est faible mais constant, chaque parcelle de radioactivité devient alors en quelque sorte plus efficace et tend à induire à terme plus de désordre cellulaire. Mme Stewart a longtemps étudié les effets des rayons-X pour constater qu'avant 1960, une exposition d'une femme enceinte à une séance d'imagerie "rayons-X" à l'ancienne (4) multipliait par deux la probabilité de survenance d'un cancer radio-induit (leucémie) dans une période de 10 années chez l'enfant ainsi exposé aux rayons in-utero.
Il faut rappeler qu'à cette époque, l'imagerie médicale balbutiante était le "joujou" préféré des médecins et des radiologues ; on passait alors une radio pour un peu tout et n'importe quoi ! Les années 50-60 étaient par ailleurs les années folles du développement du nucléaire militaire qu'il fallait rendre respectable ou tout au moins admissible par les usages civils d'un atome dont le bilan final repassait ainsi en "positif".
Ces affirmations vont bien évidemment à l'encontre des théories tenues par les partisans d'une distribution non-linéaire de la dose (5) et plus encore aux zélateurs d'un hypothétique effet hormésis (6) ; combien de ces opposants ont-ils passé autant de temps "les mains dans le cambouis" que la regrettée Mme Stewart ?
Quel niveau de dose peut être considéré comme "sûr" ?
Le professeur Stewart a également travaillé sur les suivis épidémiologiques des "survivants" des explosions d'Hiroshima-Nagasaki et a constaté que les effets à long terme étaient environ 10 fois plus importants que les travaux scientifiques antérieurs - souvent financés par les américains - ne le suggéraient. Les Hibakusha (7) mourraient d'une part plus fréquemment de cancers et de maladies cardiaques que le groupe témoin mais d'autre part 2600 d'entre eux auraient également soufferts de symptômes d'irradiation aiguë alors qu'ils n'avaient en fait été exposés qu'à des doses considérées comme "faibles".
Puisque nous évoquons Hiroshima-Nagasaki, profitons-en pour rappeler que la théorie de la longévité relative des Hibakusha a d'ailleurs été dénoncée - après 50 années de mensonges ? - par une étude publiée dans The Lancet en 2000 ; cette étude révélait que la durée de vie des survivants ayant été exposées à une dose absorbée totale de 1 Gray (dose absorbée dite "moyenne") avait été réduite de deux à six années en moyenne, alors que celle des Hibakusha exposés à une dose absorbée considérée comme "faible" (0.14 Gray en moyenne soit environ 140 mSv) avait malgré tout subi une réduction de l'espérance de vie moyenne de deux mois environ.
(1) European Comittee on Radiation Risk, organisme privé européen de radioprotection basé à Bruxelles et fondé en 1997
(2) Encore appelé "second prix Nobel"
(3) La fourniture de Plutonium au Japon par la France dans les années 1990
(4) Particulièrement la pelvimétrie de la femme enceinte
(5) cf. par exemple le célèbre rapport Grenier de 1999
(6) Théorie selon laquelle une exposition à de faibles doses de radioactivité auraient un effet "préventif" plutôt bénéfique sur l'organisme avant l'exposition à des doses plus importantes
(7) 被 爆 者 littéralement : Personnes touchées par l'explosion
Sources :
Alice Stewart orbituary, The Guardian, 28/6/2002, anglais
Histoire complète des rayons-X, G. Borvon
Mme Stewart, après son départ en retraite en 1974, travailla ensuite bénévolement au sein du laboratoire de médecine sociale de l'université de Cambridge avant de prendre la charge de la présidence de l'ECRR (1) aux côtés du professeur Inge Schmitz-Feurhake et du Dr. Christopher Busby. Elle fût également une des rares femmes admise au Collège Royal de Médecine de Grande-Bretagne et fût honorée en 1986 par le Right Livelihood Award qui est attribué par le parlement Norvégien la veille de la nomination du prix Nobel (2).
La vie de Mme Stewart fût toute entière consacrée à l’œuvre de la médecine sociale, au moyen d'améliorer la condition humaine et également aux petits combats journaliers que doivent mener les scientifiques assez téméraires pour aller à l'encontre des "idées reçues".
Dans le documentaire "Le feu de Pluton" réalisé par Kiyoshi Miyata en 1993, le professeur Stewart intervient pour préciser dans le contexte du documentaire (3) quelques-unes de ses découvertes effectuées au long de sa longue carrière :
"Au plus la dose radioactive est distribuée lentement, au plus elle est nocive et tend à induire des cancers et des problèmes génétiques"
Mme Stewart a été amenée à penser, au fil de ses découvertes, que, loin de l'avis de certains autres experts, l'effet nocif des radiations ionisantes est démultiplié par le temps d'exposition. Autrement dit, si un individu est amené à subir une exposition prolongée à de très faibles doses, les dommages induits dans l'organisme sous forme de mutations des cellules (cancers) ou de mutations du matériel génétique seront supérieurs - à dose efficace équivalente - à ceux induits par une exposition plus brève, donc à des doses instantanées plus élevées.
"Ce qui apparaissait comme dangereux, c'était l'explosion soudaine ; mes travaux suggèrent que c'est tout le contraire"
Le Professeur Stewart estime que si la dose d'exposition est distribuée lentement, autrement dit si le débit de dose est faible mais constant, chaque parcelle de radioactivité devient alors en quelque sorte plus efficace et tend à induire à terme plus de désordre cellulaire. Mme Stewart a longtemps étudié les effets des rayons-X pour constater qu'avant 1960, une exposition d'une femme enceinte à une séance d'imagerie "rayons-X" à l'ancienne (4) multipliait par deux la probabilité de survenance d'un cancer radio-induit (leucémie) dans une période de 10 années chez l'enfant ainsi exposé aux rayons in-utero.
Il faut rappeler qu'à cette époque, l'imagerie médicale balbutiante était le "joujou" préféré des médecins et des radiologues ; on passait alors une radio pour un peu tout et n'importe quoi ! Les années 50-60 étaient par ailleurs les années folles du développement du nucléaire militaire qu'il fallait rendre respectable ou tout au moins admissible par les usages civils d'un atome dont le bilan final repassait ainsi en "positif".
Ces affirmations vont bien évidemment à l'encontre des théories tenues par les partisans d'une distribution non-linéaire de la dose (5) et plus encore aux zélateurs d'un hypothétique effet hormésis (6) ; combien de ces opposants ont-ils passé autant de temps "les mains dans le cambouis" que la regrettée Mme Stewart ?
Quel niveau de dose peut être considéré comme "sûr" ?
Le professeur Stewart a également travaillé sur les suivis épidémiologiques des "survivants" des explosions d'Hiroshima-Nagasaki et a constaté que les effets à long terme étaient environ 10 fois plus importants que les travaux scientifiques antérieurs - souvent financés par les américains - ne le suggéraient. Les Hibakusha (7) mourraient d'une part plus fréquemment de cancers et de maladies cardiaques que le groupe témoin mais d'autre part 2600 d'entre eux auraient également soufferts de symptômes d'irradiation aiguë alors qu'ils n'avaient en fait été exposés qu'à des doses considérées comme "faibles".
Puisque nous évoquons Hiroshima-Nagasaki, profitons-en pour rappeler que la théorie de la longévité relative des Hibakusha a d'ailleurs été dénoncée - après 50 années de mensonges ? - par une étude publiée dans The Lancet en 2000 ; cette étude révélait que la durée de vie des survivants ayant été exposées à une dose absorbée totale de 1 Gray (dose absorbée dite "moyenne") avait été réduite de deux à six années en moyenne, alors que celle des Hibakusha exposés à une dose absorbée considérée comme "faible" (0.14 Gray en moyenne soit environ 140 mSv) avait malgré tout subi une réduction de l'espérance de vie moyenne de deux mois environ.
Le feu de Pluton, 1993 - L’intervention du prof. Stewart débute à 35:20
(1) European Comittee on Radiation Risk, organisme privé européen de radioprotection basé à Bruxelles et fondé en 1997
(2) Encore appelé "second prix Nobel"
(3) La fourniture de Plutonium au Japon par la France dans les années 1990
(4) Particulièrement la pelvimétrie de la femme enceinte
(5) cf. par exemple le célèbre rapport Grenier de 1999
(6) Théorie selon laquelle une exposition à de faibles doses de radioactivité auraient un effet "préventif" plutôt bénéfique sur l'organisme avant l'exposition à des doses plus importantes
(7) 被 爆 者 littéralement : Personnes touchées par l'explosion
Sources :
Alice Stewart orbituary, The Guardian, 28/6/2002, anglais
Histoire complète des rayons-X, G. Borvon
Bonjour,
Alice Stewart a participé à la fin des années 70, avec ses confrères statisticiens et généticiens Thomas Mancuso et Georges Kneale à une étude cherchant à déterminer l'impact de faibles doses (quelques dizaines de millisieverts) sur les travailleurs concernés par la radioactivité du centre nucléaire de recherche militaire de Hanford.
Vu la relative faiblesse de l'échantillon statistique concerné - quelques petits milliers de travailleurs portant un dosimètre (l'étude ne s'intéressait qu'aux doses externes) ayant cessé de travailler à Hanford - l'équipe appliqua une démarche statistique particulière. Se basant sur l'enregistrement cumulé des dosimètres individuels, elle "découpa" l'échantillon en 5 (si je me souviens bien)groupes homogènes, des moins irradiés aux plus irradiés ( quelques dizaine de millisieverts sur une vie de travail pour les plus irradiés ).
Comme aux Etat-Unis, le certificat de décès porte mention de la cause du décès, l'équipe détermina le même découpage statistique sur les travailleurs décédés. Après avoir, de façon statistiquement aléatoire, "découpé" l'échantillon des morts également en 5 groupes, elle les classa également du goupe au moins grand pourcentage de morts par cancers, au groupe au plus gros pourcentage de morts par cancers.
Que croyez vous qu'il arriva ?
En confrontant les deux échantillons, les morts pour causes de cancers et les doses reçues, on s'aperçut qu'ils coincidaient exactement, pas à pas.
C'est-à-dire que non seulement,"plus il y avait de décès par cancers", "plus il y avait eu de doses reçues au cours du temps de travail (> 2 ans) passé à Handford en zone irradiante, mais aussi que l'accroissement du nombre de morts par cancers coïncidait avec l'accroissement des doses.
Les 3 chercheurs furent désaisis de l'étude et critiqués sur le fait que l'ensemble étudié à Handford des travailleurs ayant été irradiés était, de toute façon, statistiquement moins souvent mort par cancer que la moyenne de la population pourtant moins irradiée et pour cause.
Cette critique, initialement imparable, aboutit finalement à ce qu'on reconnut plus tard comme "l'effet du travailleur en bonne santé à l'embauche".
Delphin
Rédigé par : ;. | 26/04/2012 à 16:25