Dans un éditorial daté du 7 mars, le Mainichi Daily News, version électronique du Mainichi Shimbun (1) prend ouvertement position contre le redémarrage éventuel de la production d'électricité électronucléaire au Japon.
"L'adieu à l'électronucléaire Japonais, c'est maintenant !"
Une fois le choc initial - le 1er anniversaire - passé, les observateurs attentifs auront noté que le gouvernement - d'ailleurs de plus en plus impopulaire - de M. Noda tente de justifier la remise en service progressive de la fraction de production électronucléaire Japonaise qui n'a pas été affectée par les événements du 11 mars 2011 (2). Les justifications habituelles n'auront pas tardé à refaire surface : coûts de production (3), délestages possibles en été, importations massives de pétrole et de gaz (4), bilan carbone déséquilibré etc.
M. Edano, ministre de l'Industrie a d'ailleurs appelé récemment à définir la feuille de route de ce redémarrage : tableau énergétique précis, sécurité des installations de production (5), accord des autorités locales et éventuellement des populations concernées (6). L'éditorialiste du Mainichi informe qu'il ne peut accepter l'idée même de remise en service de réacteurs, craignant qu'il ne s'avère ensuite impossible de revenir en arrière.
"L'illusion d'un électronucléaire sûr a volé en éclats" [avec Fukushima]
L'idée commence à faire son chemin : le Japon n'est pas un havre pour l'énergie électronucléaire ! Siège de phénomènes naturels aussi violents que prévisibles, il ne semble pas logique d'y disposer un peu partout des mégatechnologies qui, malgré les déclarations rassurantes - ne s’accommodent guère de secousses, d'inondations, d'ouragans, de raz-de-marée... Autant de catastrophes naturelles suffisamment graves à elles seules sans compliquer à coup sûr le tableau par des situations d'urgence nucléaire.
Le parc électronucléaire Japonais est également spécifique : de conception et de technologie souvent ancienne, le Japon n'a d'autre part pas fait évoluer le niveau de sécurité de ses installations nucléaires comme d'autre pays l'ont fait sur des équipements similaires (USA). Ceci ne veut pas dire que, confronté à la même situation, un site de conception récente aurait évité la fusion des cœurs ni qu'un site de production équivalent situé aux États-Unis aurait survécu s'il avait été confronté aux mêmes agressions ; dans ce dernier cas cependant, les dégâts auraient très probablement été limités, les sites de production États-uniens ne réunissant généralement qu'un ou deux réacteurs.
Le site de production de Ohi aurait déjà passé les "stress-tests" avec succès
La NISA - avant même que sa restructuration ne soit achevée - a délivré un avis positif sur le redémarrage des tranches n°. 3 et 4 de la centrale nucléaire de Ohi (7), à 200 km à l'Ouest de Tokyo. La seconde étape réside donc dans le "marchandage" que le gouvernement déroulera avec les autorités locales, peu enclines à ce que "leurs" réacteurs soient les premiers remis en service au Japon.
A la réflexion, cette précipitation est proprement illogique : sans même connaître les causes précises de l'accident de Fukushima, sans même avoir eu le temps de définir exactement les dégâts sur son combustible, sans avoir tenu compte du peu que l'on sait déjà comme la fragilité des piscines (8), des confinements (9) et du circuit primaire (10) sur les réacteurs à eau bouillante ; sans même que l'étude de contexte sismologique et géologique n'ait été lancée, comment définir cette attitude autrement que par le terme "inappropriée" ?
Des militants écologistes locaux l'ont d'ailleurs bien compris en saisissant tout récemment le tribunal d'Osaka afin d'empêcher cette réouverture précipitée. Côté autorités locales, le Gouverneur de la province de Fukui, Hiromitsu Ino a déclaré : "Je m'oppose au redémarrage de tout réacteur nucléaire ; je suis sûr que cette décision représente l'état d'esprit des habitants."
Chaque réacteur nucléaire en service ou inauguré être, in fine, un réacteur à démanteler
Dans le même ordre d'idée, le Mainichi estime que le Japon en général et la région de Fukushima en particulier pourraient utiliser l'expérience engrangée suite à l'accident de Fukushima pour se spécialiser dans le dé-commissionnement et le démantèlement des installations nucléaires. Même si la durée de vie de celles-ci est - par une procrastination incompréhensible - prolongée de quelques années, chaque réacteur devra finalement s'arrêter, chaque site de production devra finalement être fermé ; prétendre le contraire serait aussi illogique que de prétendre que le système de la dette mondiale pourra se prolonger indéfiniment.
Nous osons croire que les Japonais ne toléreront pas une seule remise en service de réacteur nucléaire et que si les politiques - pressés par les opérateurs - tentent de passer en force malgré un refus des populations et des autorités locales concernées, l'admirable peuple du Japon perdra sa sérénité pour imposer aux opportunistes sa vision d'un pays et d'une nature préservées, quitte à se passer de croissance et de climatisation.
Sources :
Time to say goodbye to nuclear power, mainichi daily, 7 mars, anglais
"Le gouvernement Japonais appelé [par la presse Japonaise] à plus de transparence", le Monde.fr, 14/3/2011
Fiche du Mainichi Shimbun, courrier international, 2010
"Le Japon fasse au casse-tête de l'énergie nucléaire" Le Figaro, 10 mars
"Tokyo pense pouvoir relancer des réacteurs" Les échos, 7 février 2012
"Des écologistes Japonais veulent empêcher le redémarrage d'une centrale" le Monde, 12 mars
"Nucléaire au Japon : pénuries d'électricité ?" actualités news environnement, 31 janvier
(1) Mainichi Shimbun, 3ème quotidien généraliste Japonais avec un tirage de 5.5 millions d'exemplaires ; ligne éditoriale : centre-droite
(2) Sur les 54 réacteurs Japonais, 15 ont été affectés par les événements du 11 mars 2011
(3) Les charges de fonctionnement d'un réacteur arrêté étant quasiment similaires à celles d'un réacteur en production
(4) Le Japon ne peut importer directement de l'électricité aussi il importe les sources d'énergie permettant d'alimenter les centrales "flamme"
(5) Gageons qu'il ne s'agira, comme en France, que d'une mascarade de "stress test" n'incluant pas "d'autres" Fukushima
(6) Autorités actuellement majoritairement contre le redémarrage, surtout en zone touchée par la catastrophe nucléaire
(7) La centrale de Ohi, exploitée par l'opérateur Kepco, est composée de 4 tranches de 1100 MWe à eau pressurisée (Westinghouse / Mitsubishi)
(8) Piscine imposante perchée au 5ème étage du bâtiment-réacteur
(9) Les confinements des unités n°. 1 à 3 ont très probablement été endommagés à Fukushima-Daiichi
(10) Les gros et grands tuyaux du circuit unique des REB font rarement bon ménage avec les secousses sismiques
"L'adieu à l'électronucléaire Japonais, c'est maintenant !"
Une fois le choc initial - le 1er anniversaire - passé, les observateurs attentifs auront noté que le gouvernement - d'ailleurs de plus en plus impopulaire - de M. Noda tente de justifier la remise en service progressive de la fraction de production électronucléaire Japonaise qui n'a pas été affectée par les événements du 11 mars 2011 (2). Les justifications habituelles n'auront pas tardé à refaire surface : coûts de production (3), délestages possibles en été, importations massives de pétrole et de gaz (4), bilan carbone déséquilibré etc.
M. Edano, ministre de l'Industrie a d'ailleurs appelé récemment à définir la feuille de route de ce redémarrage : tableau énergétique précis, sécurité des installations de production (5), accord des autorités locales et éventuellement des populations concernées (6). L'éditorialiste du Mainichi informe qu'il ne peut accepter l'idée même de remise en service de réacteurs, craignant qu'il ne s'avère ensuite impossible de revenir en arrière.
"L'illusion d'un électronucléaire sûr a volé en éclats" [avec Fukushima]
L'idée commence à faire son chemin : le Japon n'est pas un havre pour l'énergie électronucléaire ! Siège de phénomènes naturels aussi violents que prévisibles, il ne semble pas logique d'y disposer un peu partout des mégatechnologies qui, malgré les déclarations rassurantes - ne s’accommodent guère de secousses, d'inondations, d'ouragans, de raz-de-marée... Autant de catastrophes naturelles suffisamment graves à elles seules sans compliquer à coup sûr le tableau par des situations d'urgence nucléaire.
Le parc électronucléaire Japonais est également spécifique : de conception et de technologie souvent ancienne, le Japon n'a d'autre part pas fait évoluer le niveau de sécurité de ses installations nucléaires comme d'autre pays l'ont fait sur des équipements similaires (USA). Ceci ne veut pas dire que, confronté à la même situation, un site de conception récente aurait évité la fusion des cœurs ni qu'un site de production équivalent situé aux États-Unis aurait survécu s'il avait été confronté aux mêmes agressions ; dans ce dernier cas cependant, les dégâts auraient très probablement été limités, les sites de production États-uniens ne réunissant généralement qu'un ou deux réacteurs.
Le site de production de Ohi aurait déjà passé les "stress-tests" avec succès
La NISA - avant même que sa restructuration ne soit achevée - a délivré un avis positif sur le redémarrage des tranches n°. 3 et 4 de la centrale nucléaire de Ohi (7), à 200 km à l'Ouest de Tokyo. La seconde étape réside donc dans le "marchandage" que le gouvernement déroulera avec les autorités locales, peu enclines à ce que "leurs" réacteurs soient les premiers remis en service au Japon.
A la réflexion, cette précipitation est proprement illogique : sans même connaître les causes précises de l'accident de Fukushima, sans même avoir eu le temps de définir exactement les dégâts sur son combustible, sans avoir tenu compte du peu que l'on sait déjà comme la fragilité des piscines (8), des confinements (9) et du circuit primaire (10) sur les réacteurs à eau bouillante ; sans même que l'étude de contexte sismologique et géologique n'ait été lancée, comment définir cette attitude autrement que par le terme "inappropriée" ?
Des militants écologistes locaux l'ont d'ailleurs bien compris en saisissant tout récemment le tribunal d'Osaka afin d'empêcher cette réouverture précipitée. Côté autorités locales, le Gouverneur de la province de Fukui, Hiromitsu Ino a déclaré : "Je m'oppose au redémarrage de tout réacteur nucléaire ; je suis sûr que cette décision représente l'état d'esprit des habitants."
Chaque réacteur nucléaire en service ou inauguré être, in fine, un réacteur à démanteler
Dans le même ordre d'idée, le Mainichi estime que le Japon en général et la région de Fukushima en particulier pourraient utiliser l'expérience engrangée suite à l'accident de Fukushima pour se spécialiser dans le dé-commissionnement et le démantèlement des installations nucléaires. Même si la durée de vie de celles-ci est - par une procrastination incompréhensible - prolongée de quelques années, chaque réacteur devra finalement s'arrêter, chaque site de production devra finalement être fermé ; prétendre le contraire serait aussi illogique que de prétendre que le système de la dette mondiale pourra se prolonger indéfiniment.
Nous osons croire que les Japonais ne toléreront pas une seule remise en service de réacteur nucléaire et que si les politiques - pressés par les opérateurs - tentent de passer en force malgré un refus des populations et des autorités locales concernées, l'admirable peuple du Japon perdra sa sérénité pour imposer aux opportunistes sa vision d'un pays et d'une nature préservées, quitte à se passer de croissance et de climatisation.
Sources :
Time to say goodbye to nuclear power, mainichi daily, 7 mars, anglais
"Le gouvernement Japonais appelé [par la presse Japonaise] à plus de transparence", le Monde.fr, 14/3/2011
Fiche du Mainichi Shimbun, courrier international, 2010
"Le Japon fasse au casse-tête de l'énergie nucléaire" Le Figaro, 10 mars
"Tokyo pense pouvoir relancer des réacteurs" Les échos, 7 février 2012
"Des écologistes Japonais veulent empêcher le redémarrage d'une centrale" le Monde, 12 mars
"Nucléaire au Japon : pénuries d'électricité ?" actualités news environnement, 31 janvier
(1) Mainichi Shimbun, 3ème quotidien généraliste Japonais avec un tirage de 5.5 millions d'exemplaires ; ligne éditoriale : centre-droite
(2) Sur les 54 réacteurs Japonais, 15 ont été affectés par les événements du 11 mars 2011
(3) Les charges de fonctionnement d'un réacteur arrêté étant quasiment similaires à celles d'un réacteur en production
(4) Le Japon ne peut importer directement de l'électricité aussi il importe les sources d'énergie permettant d'alimenter les centrales "flamme"
(5) Gageons qu'il ne s'agira, comme en France, que d'une mascarade de "stress test" n'incluant pas "d'autres" Fukushima
(6) Autorités actuellement majoritairement contre le redémarrage, surtout en zone touchée par la catastrophe nucléaire
(7) La centrale de Ohi, exploitée par l'opérateur Kepco, est composée de 4 tranches de 1100 MWe à eau pressurisée (Westinghouse / Mitsubishi)
(8) Piscine imposante perchée au 5ème étage du bâtiment-réacteur
(9) Les confinements des unités n°. 1 à 3 ont très probablement été endommagés à Fukushima-Daiichi
(10) Les gros et grands tuyaux du circuit unique des REB font rarement bon ménage avec les secousses sismiques
Bonjour,
Je ne saurais que trop vous conseiller cette lecture :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/fukushima-c-est-aussi-a-cause-de-108877
(Merci pour vos efforts)
Rédigé par : Mheedo | 13/03/2012 à 14:55
Merci pour ce partage Mheedo, je connaissais une petite partie de l'histoire nucléaire du Japon y compris les "cyclotrons" de Riken, (l'un d'entre eux provenait de l'UCLA !) dont certains secrets furent récupérés ensuite par les Soviets. Mais Mickey et ses oreilles lumineuses, ça c'est nouveau !
Amicalement,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 14/03/2012 à 11:04