Quelques éléments de réponse au mystère de la surchauffe de l'ex-réacteur n°. 2 de Fukushima-Daiichi
L'hypothèse du capteur défectueux nous parait assez peu probable : pourquoi l'instrument serait-il défectueux maintenant alors que, tout récemment, Tepco et les autorités pensaient et agissaient encore comme si la température était correctement mesurée ? Ce matin encore Tepco donnait comme hypothèse primaire que cette augmentation était due au fait que "le combustible se déplace probablement à l'intérieur de la cuve du réacteur "(1) alors que le ministre Hosono estimait quant à lui le 8 février que "le parcours de l'eau injectée avait dû être modifié par des travaux récents effectués sur l'unité n°. 2." (2)
L’hypothèse que nous privilégions est basée sur des constatations effectuées au niveau du combustible dispersé par l'explosion de Tchernobyl : la nuit du 26 juin 1990, les techniciens surveillant le site accidenté en 1986 remarquèrent, suite à des pluies violentes, que des alarmes neutroniques (3) se déclenchaient dans certaines zones du site. Après quelques recherches, le personnel avait alors estimé qu'une reprise de criticité partielle avait été provoquée au niveau du combustible fondu (corium) par la présence importante d'eau dans les sous-sols de ce qui restait de l'unité n°. 4 de Tchernobyl. D'après les calculs des scientifiques Ukrainiens, le coefficient de criticité approchait fortement de l'unité, ce qui aurait pu déboucher sur une situation incontrôlable voire explosive, plus de quatre années après l'accident !
L'hypothèse originelle a été très rapidement confirmée par le fait que le Gadolinium "jeté" directement dans la tranchée où se trouvait un important fragment de corium semblait agir en neutralisant rapidement le début de fission. Le système "du jeté manuel" a ensuite été automatisé en 1992 puis les tranchées ont été vidées de la majorité de l'eau afin d'éviter au maximum ce type de désagrément induit par le rôle modérateur de l'eau (4). Ce détail post-accidentel, assez peu connu, a été analysé en détail par le labo Américain de Los Alamos (LANL) et également décrit sous forme narrative dans l'excellente enquête que le "National Geographic" a mené en 2006 sur l'accident de Tchernobyl.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est possible qu'en arrosant de plus en plus le corium à Fukushima, l'opérateur ne fasse qu’accroitre le coefficient de criticité en pensant le réduire. En ce qui concerne l'injection d'acide borique sans effet apparent sur le phénomène à Fukushima, nous estimons qu'il "manque" largement sa cible en s'écoulant directement dans les orifices créés dans la cuve réacteur, la cuve de confinement et le confinement en béton. Dans les sous-sols de Fukushima-Daiichi, il y a une certaine quantité de corium qui s'est échappée du confinement, des centaines de milliers de mètres cubes d'eau, et 2m3 d'acide borique frais, soit une dilution de 1/50.000. Comment voulez-vous qu'un tel "pipi d'oiseau" agisse sur la situation ? L'acide borique ne touche pas la cible constituée par le peu de corium restant en cuve RPV et est par trop dilué pour agir sur le "bloc" principal de corium dès lors que ce dernier a quitté le confinement, comme nous l'estimons.
Par ailleurs, les caractéristiques accidentelles différent fortement de Tchernobyl à Fukushima : le corium était très fragmenté en Ukraine alors qu'il est probablement très compact à Fukushima ; en ce qui concerne la taille des sous-sols où est injecté le "tueur neutronique", elle est environ 60 fois supérieure au Japon (180.000 m3 / 3000 m3 à Tchernobyl (LANL)).
Ignorant la leçon de Tchernobyl, Tepco inonde les sous-sols de Fukushima !
Que fait Tepco pour contrer une éventuelle reprise de criticité ? Après avoir jeté deux doses - ridicules - d'acide borique dans un trou, qui s'est immédiatement dilué dans les 100.000 m3 d'eau contaminée stockée dans les sous-sols communs, ratant ainsi largement sa cible en réacteur, il injecte concurremment de plus en plus d'eau (5) qui active probablement de plus belle la réaction du corium. Par réaction, cette augmentation des "stocks" d'eau contaminée impose d'ailleurs des actions risquées de la part de Tepco qui par exemple a provoqué un incident de débordement d'eau radioactive en essayant de faire baisser un tant soit peu le niveau dans les tranchées submergées.
La leçon de tout ceci : les leçons accidentelles ne sont pas tirées
La belle théorie qui veut que les accidents nucléaires passés servent au moins à éviter partiellement les accidents nucléaires futurs ne tient pas la route. Les japonais agissent en solitaires dans la gestion de cet accident, ils ont refusé toute aide directe extérieure, ont choisi une solution "tout liquide" qui pourrait se révéler une erreur mortelle, en fait la plus grave erreur que l'industrie électronucléaire n'ait jamais commise, exceptée celle d'avoir bourré de fragiles chaudrons infernaux nombre de zones sismiques instables.
(1) Matsumoto, conférence de presse Tepco du matin du 12 février, anglais
(2) guardian.co.uk, 8/2, anglais
(3) L'émission de neutrons étant l'un de signes permettant de présumer la reprise d'une fission nucléaire
(4) Sans modérateur, pas de neutrons lents, sans neutrons lents, pas de fission nucléaire dans un réacteur du type de Fukushima
(5) 6 puis 13 puis 16 puis 18m3/h
L'hypothèse du capteur défectueux nous parait assez peu probable : pourquoi l'instrument serait-il défectueux maintenant alors que, tout récemment, Tepco et les autorités pensaient et agissaient encore comme si la température était correctement mesurée ? Ce matin encore Tepco donnait comme hypothèse primaire que cette augmentation était due au fait que "le combustible se déplace probablement à l'intérieur de la cuve du réacteur "(1) alors que le ministre Hosono estimait quant à lui le 8 février que "le parcours de l'eau injectée avait dû être modifié par des travaux récents effectués sur l'unité n°. 2." (2)
L’hypothèse que nous privilégions est basée sur des constatations effectuées au niveau du combustible dispersé par l'explosion de Tchernobyl : la nuit du 26 juin 1990, les techniciens surveillant le site accidenté en 1986 remarquèrent, suite à des pluies violentes, que des alarmes neutroniques (3) se déclenchaient dans certaines zones du site. Après quelques recherches, le personnel avait alors estimé qu'une reprise de criticité partielle avait été provoquée au niveau du combustible fondu (corium) par la présence importante d'eau dans les sous-sols de ce qui restait de l'unité n°. 4 de Tchernobyl. D'après les calculs des scientifiques Ukrainiens, le coefficient de criticité approchait fortement de l'unité, ce qui aurait pu déboucher sur une situation incontrôlable voire explosive, plus de quatre années après l'accident !
L'hypothèse originelle a été très rapidement confirmée par le fait que le Gadolinium "jeté" directement dans la tranchée où se trouvait un important fragment de corium semblait agir en neutralisant rapidement le début de fission. Le système "du jeté manuel" a ensuite été automatisé en 1992 puis les tranchées ont été vidées de la majorité de l'eau afin d'éviter au maximum ce type de désagrément induit par le rôle modérateur de l'eau (4). Ce détail post-accidentel, assez peu connu, a été analysé en détail par le labo Américain de Los Alamos (LANL) et également décrit sous forme narrative dans l'excellente enquête que le "National Geographic" a mené en 2006 sur l'accident de Tchernobyl.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est possible qu'en arrosant de plus en plus le corium à Fukushima, l'opérateur ne fasse qu’accroitre le coefficient de criticité en pensant le réduire. En ce qui concerne l'injection d'acide borique sans effet apparent sur le phénomène à Fukushima, nous estimons qu'il "manque" largement sa cible en s'écoulant directement dans les orifices créés dans la cuve réacteur, la cuve de confinement et le confinement en béton. Dans les sous-sols de Fukushima-Daiichi, il y a une certaine quantité de corium qui s'est échappée du confinement, des centaines de milliers de mètres cubes d'eau, et 2m3 d'acide borique frais, soit une dilution de 1/50.000. Comment voulez-vous qu'un tel "pipi d'oiseau" agisse sur la situation ? L'acide borique ne touche pas la cible constituée par le peu de corium restant en cuve RPV et est par trop dilué pour agir sur le "bloc" principal de corium dès lors que ce dernier a quitté le confinement, comme nous l'estimons.
Par ailleurs, les caractéristiques accidentelles différent fortement de Tchernobyl à Fukushima : le corium était très fragmenté en Ukraine alors qu'il est probablement très compact à Fukushima ; en ce qui concerne la taille des sous-sols où est injecté le "tueur neutronique", elle est environ 60 fois supérieure au Japon (180.000 m3 / 3000 m3 à Tchernobyl (LANL)).
Ignorant la leçon de Tchernobyl, Tepco inonde les sous-sols de Fukushima !
Que fait Tepco pour contrer une éventuelle reprise de criticité ? Après avoir jeté deux doses - ridicules - d'acide borique dans un trou, qui s'est immédiatement dilué dans les 100.000 m3 d'eau contaminée stockée dans les sous-sols communs, ratant ainsi largement sa cible en réacteur, il injecte concurremment de plus en plus d'eau (5) qui active probablement de plus belle la réaction du corium. Par réaction, cette augmentation des "stocks" d'eau contaminée impose d'ailleurs des actions risquées de la part de Tepco qui par exemple a provoqué un incident de débordement d'eau radioactive en essayant de faire baisser un tant soit peu le niveau dans les tranchées submergées.
La leçon de tout ceci : les leçons accidentelles ne sont pas tirées
La belle théorie qui veut que les accidents nucléaires passés servent au moins à éviter partiellement les accidents nucléaires futurs ne tient pas la route. Les japonais agissent en solitaires dans la gestion de cet accident, ils ont refusé toute aide directe extérieure, ont choisi une solution "tout liquide" qui pourrait se révéler une erreur mortelle, en fait la plus grave erreur que l'industrie électronucléaire n'ait jamais commise, exceptée celle d'avoir bourré de fragiles chaudrons infernaux nombre de zones sismiques instables.
(1) Matsumoto, conférence de presse Tepco du matin du 12 février, anglais
(2) guardian.co.uk, 8/2, anglais
(3) L'émission de neutrons étant l'un de signes permettant de présumer la reprise d'une fission nucléaire
(4) Sans modérateur, pas de neutrons lents, sans neutrons lents, pas de fission nucléaire dans un réacteur du type de Fukushima
(5) 6 puis 13 puis 16 puis 18m3/h
Maintenant que l'arrêt à froid est définitivement infirmé ils pourraient couper l'eau (d'un coup sec!) et observer, quitte à la remettre si la température monte en flèche.
Il reste le souci de savoir où est le (ou sont les différentes parties de, probablement) corium ou de débris de combustible pouvant en former un ou rejoindre une masse existante en cas d'arrêt du ruissellement.
On ne sait pas non plus qu'elle est l'inertie thermique entre un corium (ou débris actifs) et le capteur donc comment interpréter l'origine d'une variation.
L'hypothèse d'une chute de débris me semble + crédible qu'une activité favorisée par l'augmentation du débit d'eau mais il n'y a pas d'indications qui permette de trancher.
Je ne pense pas qu'une réaction un peu active soit grave, au pire un peu de vapeur contaminée qui fuit, relativement aux pertes d'eau fortement contaminée fuyant par le bas.
Rédigé par : HP | 12/02/2012 à 21:17
Si l'eau est l'ennemie du corium, et celle qui se trouve dans le sous-sol de par la proximité de la centrale avec la mer?
Les autorités japonaises n'ont pas beaucoup d'option, mais elles refusent celles qui sont pourtant les plus évidentes: mettre avant tout à l'abrit leur population en les éloignant du lieu du sinistre. Ces autorités utilisent également le silence complice de la Communauté Internationale.
http://www.logosky.freeiz.com
Rédigé par : Thierry Ky | 13/02/2012 à 01:08
@HP : C'est une idée intéressante qui permettrait de lever le doute au niveau des installations. Quant aux conséquences d'une hausse continue, elles sont surtout symboliques : la belle histoire de contrôle des installations vole en éclat et la crédibilité du gouvernement Noda également. Quand on sait qu'un PM Japonais tient en moyenne environ une année... sans catastrophe nucléaire...
Rédigé par : trifouillax | 13/02/2012 à 13:32