Source : Energy & Environmental Magazine, 24/1, anglais
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Fortes turbulences à craindre dans les filières électronucléaires Européennes
On vous le rabâche souvent, le "bloc de l'électronucléaire" n'est pas un secteur industriel comme les autres : bien sûr il mélange sans aucune vergogne les aspects civils et militaires de l'atome mais surtout il rassemble politiques, X (1), ENSM (2), financiers et industriels dans une espèce de soupe miraculeuse dont tout le monde ne pense qu'à profiter, dans un élan de solidarité rarement égalé dans le petit monde des lobbies.
Bonne nouvelle : ce petit monde, pourtant bien rôdé, pourrait s'écrouler très bientôt, grâce à l'activisme d'un petit nombre d’hurluberlus écolos, aidés en cela par une mécanique Européenne qui rejette - a priori - implacablement toutes sortes d'astuces visant à favoriser par l'injection - la plus occulte possible - de deniers publics dans des secteurs soumis à la concurrence économique.
Alors bien sûr, les différents gouvernements démentent, contestent, s'activent pour prouver qu'ils ne subventionnent pas un boulon de cuve, pas un film de dosimètre. Et pourtant, certains points ne peuvent être récusés si facilement par quelques affirmations ministérielles aussi péremptoires ; détaillons quelques exemples de ces aides déguisées à l'électronucléaire, telles qu'ils ont été relevés par nos amis du "parti des verts" anglais mais qui peuvent s'appliquer identiquement dans nombre de pays Européens :
Aucune taxe spécifique n'est généralement perçue sur l'uranium
Les combustibles nucléaires ne sont pas adossés à une taxe par la majorité des États Européens, ce qui fausse les bilans en comparaison avec d'autres sources d'énergie. La Belgique a récemment réfléchi à cette possibilité. Le secteur électronucléaire aurait même pu profiter d'un coup de pouce supplémentaire - ô combien inique - si la taxe-carbone française avait été mise en application en 2009 : 10 à 20 fois plus polluante que l'énergie produite par des aéro-générateurs (éoliennes), l'énergie électronucléaire aurait pourtant été dispensée de contribution. Est-ce juste ? Est-ce logique ?
Le vrai coût du nucléaire et notamment l'intégration de "provisions accidentelles"
Il semble ensuite indispensable de provisionner sérieusement à la fois les charges de démantèlement - qui ne pourront être décalées à l'infini - et surtout celles, gigantesques, induites par les accidents majeurs. Un site de production arrêté, c'est une chose, un accident entrainant l'évacuation de centaines de milliers de personnes pour une période indéterminée comme à Fukushima, c'en est une autre : 350.000 Euros * 160.000 évacués = 56 Milliards d'Euros d'après le Figaro. Ne pas provisionner tout ou partie de cette charge dans le bilan d'exploitation reviendrait à considérer hypocritement que les accidents nucléaires n'arrivent qu'aux autres. Dès que l'on perçoit les bénéfices d'une chose, il faut considérer honnêtement tous ses aspects y compris ceux qui sont improbables, car avec la durée de service étendue des vieux réacteurs, l'improbable devient humainement envisageable !
Une étude réalisée par le groupe anglais "Justice pour l'énergie" a démontré que le prix de l’électricité devrait augmenter au minimum d'environ 14 centimes d'Euro du Kw pour tenir compte des conséquences accidentelles ; or 0.14 Euro est précisément le prix d'un Kilowatt produit par un aéro-générateur offshore en Angleterre...
Une plainte a donc été déposée par cette organisation anglaise auprès de la Commission Européenne afin de dénoncer les aides indirectes affectées par les États au secteur électronucléaire. Les critiques suivantes ont été reprises dans l'étude :
- Une limitation de fait de responsabilité, les opérateurs ne pouvant à eux seuls faire face à un désastre nucléaire comme celui de Fukushima ;
- Une sous-estimation des risques commerciaux des opérateurs privés du secteur électronucléaire ;
- Des aides indirectes sous la forme de protection contre les risques terroristes ;
- Des aides indirectes sous la forme de gestion à court et moyens terme des déchets d'exploitation ;
- Une sous-estimation manifeste des coûts de démantèlement des installations en fin de vie ;
- Des aides institutionnelles diverses (comprenez : occultes ou déguisées) à l'industrie électronucléaire
Le premier point observé à lui seul est significatif du profond malaise de la situation actuelle : pourquoi ce qui est rendu légalement obligatoire pour les particuliers (une assurance maison, automobile, responsabilité civile) n'est-il pas applicable aux opérateurs nucléaires, les États comme les USA ne garantissant en général que des risques nucléaires très modestes ?
La DG "concurrence" de la Commission Européenne, que l'on dit à la recherche du moindre petit iota de "distorsion de concurrence", saura-t-elle prouver dans cette "grande occasion", que la grande lessive de neutralité et d'indépendance des secteurs soumis à la concurrence devra être faite dans tous les domaines concurrentiels, ce qui ecxlut de facto toute intervention régalienne spécifique à l'industrie électronucléaire ? Ah, si un bon coup de pied "occulte" de la C.E. pouvait remettre un peu d'ordre économique dans ce beau panier de crabes nucléaires...
EDIT du 26/1 : On peut avantageusement lire le point de vue de deux "pointures" publié dans le monde.fr de ce jour : "Les dimensions nouvelles des controverses entre énergie et environnement" tentative d'évaluation du problème de la gestion prévisionnelle des risques du secteur électronucléaire, des paradoxes de sa perception sociale, de l'impact de la taxe carbone etc.
Sources :
Complaint about nuclear subsidies may prevent new reactor builds, eaem, 24/1/2012
Future European Nuclear Reactors Construction in Doubt After Subsidy Complaint, enformable.com, 24/1
nuclear subsidies, mng.org, 2011 anglais
"energy fair" portail d'information, anglais
politique énergétique Européenne, wiki
Réglementation des aides d'état, ISM, 2009
(1) X = Diplômés de l’École Polytechnique
(2) ENSM - Diplômés de l’École Nationale Supérieure des Mines aka les "Ponts"
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