Christopher Johnson est citoyen Canadien mais habite au Japon. Journaliste indépendant, M. Johnson est tombé dans les mailles du filet "immigration", les 23 et 24 décembre à l'aéroport international de Tokyo-Narita. Si cette histoire est confirmée, elle viendra s'ajouter à la liste des tristes affaires des "sévices d'immigration" Japonais. Lecteurs attentifs, vous vous demanderez de suite : "mais quel est le rapport avec le nucléaire ?"
Soutien inconditionnel du journalisme indépendant, hors de tout réseau ou système de média organisé
Et si demain, vous vous retrouviez devant un kiosque unique où trône un titre unique ? Et si demain, le portail de Google actus se limitait à de rares événements consensuels entourés de multiples publicités ? Et si l'information de demain était dispensée directement par le ministère de la Propagande ? En fait, l'information au Japon ressemble déjà un peu à cela : le système de "Kisha club" (1) interdit pratiquement aux journalistes indépendants de pratiquer leur métier au Japon ; ils ne sont qu'exceptionnellement admis dans les événements officiels - comme les conférences de presse de Fukushima - et s'ils n'obtiennent pas d'informations, comment peuvent-ils travailler sereinement et analyser l'actualité de manière indépendante ?
Le système Japonais pénalise doublement l'information indépendante : par un contrôle à la source, en adaptant souvent la réalité des informations aux nécessités politiques et secondement, en réservant cette soupe aux médias estampillés "Kisha club". Un journaliste indépendant devra faire preuve de beaucoup de mérite - et de courage - avant de pouvoir exercer son activité. Dès lors, comment s'étonner que cette activité ne se transforme pas fréquemment en activisme ?
M. Johnson a travaillé sur le sujet "Fukushima" de manière indépendante
Nous voici au cœur du sujet : M. Johnson a enquêté - de manière indépendante - sur l'accident de Fukushima-Daiichi en avril 2011 ; il aurait rencontré "des centaines de personnes" pour recueillir leurs témoignages qui ont été repris dans des articles fatalement critiques vis-à-vis de l'opérateur Tepco et de l'ensemble du système administratif de gestion de la crise nucléaire. 75 billets ont ainsi été publiés sur son blog dans la rubrique "désastre" et souvent publiés dans les MSM (Main Stream Medias). Sont-ils plus ou moins directement à l'origine des ennuis ultérieurs de M. Johnson ?
L'incident stricto sensu : aéroport de Narita, 23 décembre 2011
M. Johnson fût conduit manu-militari, peu après son débarquement du vol Séoul-Tokyo arrivé le 23/12, dans la salle du contrôle à l'immigration. Prise d'empreintes, isolement dans une salle d'interrogatoire, questionnement "musclé" avec quelques scènes d'intimidation, scénarios de pots-de-vin, rien ne sera épargné à notre ami durant les 24 heures qu'il passera aux mains des services - souvent privés - d'immigration Japonais.
Voici quelques extraits du récit de M. Johnson :
(Personnels des services d'immigration) :
- "Dans quels hôtels avez-vous séjourné au mois d'avril dans la zone du désastre ? Donnez-moi les noms des personnes que vous avez rencontré à Fukushima !"
- "Signez ce document, vous ne pouvez refuser de signer..."
- "Vous êtes au Japon, vous n'avez aucun droit"
- "Vous devez monter dans cet avion, si vous ne le faites pas, vous irez en prison pour des mois, des années, puis vous ne pourrez jamais revenir au Japon"
- "La police ne peut intervenir ici, dans l’aéroport de Narita, c'est une zone de statut spécial"
- "Voyez-vous ce pistolet ? Je suis autorisé à m'en servir si vous refusez d'embarquer sur ce vol ; maintenant, allons-nous acheter ce billet, oui ou non ?"
Expulsion à 19h, quid de la famille Japonaise ?
Après avoir passé une nuit dans une geôle, M. Johnson a été contraint d'embarquer dans un vol Air Canada en partance, le 24/12 à 1900, après avoir dû acheter un billet dans des conditions financières épouvantables, toujours sous la pression des autorités d'immigration. M. Johnson a du abandonner sa femme Japonaise et sa famille, ses animaux, pour une période indéterminée. Si le seul tort de M. Johnson est d'avoir rendu compte des souffrances et de la détresse du peuple Japonais tourmenté par l'atome, c'est très cher payé. Même si le statut légal de M. Johnson au Japon n'est pas parfaitement qualifié (son avocat lui ayant conseillé de ne pas s'étendre sur ce sujet), les mesures d'intimidation et de coercition employées par le personnel des services d'immigration Japonais semblent, elles, parfaitement inqualifiables.
M. Johnson a fini par embarquer en pleurs dans l'avion qui l'a ramené au Canada, au milieu de touristes heureux de rentrer chez eux pour les fêtes ou de Japonais prenant quelques jours de vacances pour s'adonner au ski.
Les autorités Japonaises expulsent environ 20.000 étrangers chaque année sur plus de 2 millions de gaijin (2)
Note : Si le récit narratif de M. Johnson semble particulièrement réaliste - peut-être un peu trop diront certains - il ne faut pas perdre de vue qu'il est journaliste indépendant et, es-qualité, qu'il sait parfaitement décrire le déroulement d'un événement. Si certains points de son récit peuvent sembler exagérés voire même improbables, nous vous invitons à consulter les témoignages suivants (anglais), tous publiés dans le Japan Times, qui accréditent les propos de M. Johnson sur les autorités d'immigration exerçant sur l'aéroport de Tokyo-Narita :
Mort violente à l'aéroport de Narita, les officiers de l'immigration accusés, JPT, 10/11/2011
http://www.japantimes.co.jp/text/fl20111101zg.html
Des traitements dégradants dans les services d'immigration de Narita, JPT, 23/3/2010
http://www.japantimes.co.jp/text/fl20100323hs.html
Les agents de sécurité de Narita accusés de mise en détention d'étrangers, JPT, 8/8/2000
http://www.japantimes.co.jp/text/nn20000808a4.html
Sources :
The economist : Gulag for gaijin (2), 18/1, anglais
Enfermé dans la geôle des étrangers à l'aéroport international de Narita, Christopher Johnson, 10/1, anglais
Rapport d'Amnesty International "Bienvenue au Japon ?", 2002, français
(1) Clubs de presse Japonais extrêmement sélectifs voir par exemple l'excellente description sur le blog de Karyn poupée (français)
(2) Gaijin ou 外人 = personne de l'extérieur, étranger, non-Japonais
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