Nous évoquions dans le billet d'hier la possibilité d'une éjection partielle d'éléments de combustible au sein de la piscine de désactivation de l'unité n°. 3 de Fukushima-Daiichi. Deux ou trois petits détails restaient encore à éclaircir sur la gestion des combustibles neufs et irradiés au niveau de l'opérateur Tepco. Voici une petite liste type "FAQ" alimentée par des réponses glanées ça et là à défaut d'informations précises de la part d'un opérateur qui entretient le mystère complet sur certains sujets chauds comme le corium et l'état exact des piscines :
Q: Quel était le taux de remplissage de la piscine n°. 3 ?
R : D'après les chiffres officiels, environ 50% dont 40% de combustible irradié et 5% de combustible neuf (1/10 de cœur)
Q : Sur ces 50 assemblages de combustibles neuf, combien d'assemblages MOX ?
R : Pas de données précises mais le ratio MOX/UO2 en cœur est d’environ 5% selon l'IRSN donc si ce ratio est respecté en piscine pas plus de 2 ou 3 assemblages MOX (1)
Q : Est-ce normal d'avoir du combustible neuf en piscine de désactivation ?
R : Normal, non, car le nom même de la piscine écarte cette éventualité, sauf pour certaines piscines spécifiques hors-site. Le combustible neuf est par définition beaucoup plus dangereux en cas d'accident (2) qu'un combustible irradié déjà partiellement stabilisé. Son stockage en piscine de désactivation ne devrait être qu'exceptionnel or nous avons vu dans le tableau d'hier que chaque piscine contenait de 2 à 13% de combustible neuf
Q : Quelle était la disposition des paniers de combustible usés dans les piscines de désactivation ?
R : Incertaine ; un document Tepco fait état de re-racking (rupture de géométrie voire empilage) dans les piscines ou de dispositions globales non conventionnelles (horizontales). L'incertitude sur la capacité maximale des piscines de désactivation (3) plaide pour un réarrangement non conventionnel des piscines à Fukushima, ce qui accroît bien entendu une possibilité de criticité accidentelle
Documentation :
Les mystères du combustible de Fukushima, fukushima-blog, 7/10
Inventaire du combustible de Fukushima, Médiapart, 22 mars
Sujet "les piscines", forum rpcirkus
Plutonium et combustible MOX, Laponche/Zerbib, club de l'Europe, 4/4
More on Spent Fuel Pools at Fukushima, ATN, 21/3, Anglais
Fukushima Fuel Storage, dailycos.com, 23/3, Anglais
Animation du NY Times sur les piscines à Fukushima
(1) D'où l'hypothèse intéressante, le mélange MOX étant plus instable que le mélange UO2 classique, que ces quelques paniers MOXES auraient plus souffert que les autres lors des problèmes de la piscine n°. 3
(2) Car plus énergétique et plus radiotoxique en cas d'accident, les produits de fission dont le principal, l'Iode-131, étant fraîchement formés
(3) 3450 assemblages par piscine de désactivation individuelle selon ce document, 1220 selon l'AIEA, 1331 selon d'autres sources... Que cachent donc ces approximations bien peu scientifiques ?
(4) Alliage de Zirconium (Zirconium Aloy), perméable aux neutrons et présentant une bonne tenue en température
Q: Quel était le taux de remplissage de la piscine n°. 3 ?
R : D'après les chiffres officiels, environ 50% dont 40% de combustible irradié et 5% de combustible neuf (1/10 de cœur)
Q : Sur ces 50 assemblages de combustibles neuf, combien d'assemblages MOX ?
R : Pas de données précises mais le ratio MOX/UO2 en cœur est d’environ 5% selon l'IRSN donc si ce ratio est respecté en piscine pas plus de 2 ou 3 assemblages MOX (1)
Q : Est-ce normal d'avoir du combustible neuf en piscine de désactivation ?
R : Normal, non, car le nom même de la piscine écarte cette éventualité, sauf pour certaines piscines spécifiques hors-site. Le combustible neuf est par définition beaucoup plus dangereux en cas d'accident (2) qu'un combustible irradié déjà partiellement stabilisé. Son stockage en piscine de désactivation ne devrait être qu'exceptionnel or nous avons vu dans le tableau d'hier que chaque piscine contenait de 2 à 13% de combustible neuf
Q : Quelle était la disposition des paniers de combustible usés dans les piscines de désactivation ?
R : Incertaine ; un document Tepco fait état de re-racking (rupture de géométrie voire empilage) dans les piscines ou de dispositions globales non conventionnelles (horizontales). L'incertitude sur la capacité maximale des piscines de désactivation (3) plaide pour un réarrangement non conventionnel des piscines à Fukushima, ce qui accroît bien entendu une possibilité de criticité accidentelle
Q : Pourquoi les piscines de désactivation sont-elles aussi pleines ? Le stockage ne devrait-il pas n'y être que provisoire ?
R : Ce point évoque bien la triste réalité de l'impasse de la gestion des combustibles irradiés : on a stocké très longtemps le combustible usé en comptant sur un retraitement futur qui s'avère depuis bien des années être une solution non viable économiquement. Les usines et les projets de retraitement sombrent l'un après l'autre : Sellafield est le dernier exemple d'abandon de la filière de retraitement au Royaume-Uni, l'usine Japonaise de Rokkasho rencontre de multiples problèmes et ne traite ainsi qu'un minimum de combustible, le projet de Savannah River aux USA n'est pas certain de se concrétiser ; en France, le rapport sur l'énergie nucléaire de 2000 préconisait déjà d'abandonner le retraitement pour s'orienter au plus tôt vers une solution de stockage mais le courage politique a manqué... Et l'usine de la Hague est restée en activité, l’État mettant fréquemment la main à la poche. Quel est le dirigeant qui osera, enfin, s'opposer au lobby nucléaire et faire table rase d'un passif nucléaire ?
Q : Les opérateurs Japonais utilisent-ils des paniers spéciaux dits "neutrophages" en piscine ?
R : A priori, non. Ces paniers à assemblages spéciaux renforcent la sécurité des piscines en intégrant des éléments "tueurs" de neutrons (donc neutrophages). A défaut d'utiliser ce type de conteneurs, la piscine ne peut compter que sur la circulation forcée d'une eau borée pour réduire le facteur de criticité ; en l'absence d'eau, c'est donc la fête à neutrons et l'on connaît (mal) la suite...
Q : A partir de quelle température le combustible commence-t-il à se dégrader en piscine, même avec un appoint d'eau correct ?
R : C'est très rapide, d'où la surveillance particulière des piscines. Il semble qu'à partir de 50° à mi-piscine le zircaloy (4) composant les enrobages de pastilles et des gaines de crayons commence à se dégrader. Or, les températures se sont maintenues près du point d'ébullition plusieurs semaines dans les piscines n°. 3 et n°. 4 !
Q : En résumé, quelle était la marge de sécurité sur les piscines de Fukushima-Daichi ?
R : Elle était nulle ! Compte tenu de la masse de combustible à refroidir, de la présence de combustible neuf, du re-racking probable augmentant d'autant l'inertie thermique, il est probable que l'ensemble des moyens d'échange thermique des piscines n°. 3 et 4 étaient sollicités en permanence, y compris le circuit auxiliaire. Que ce soit au niveau des piscines ou des réacteurs, la désinvolture de l'opérateur et des autorités de «contrôle» ne pouvaient que déboucher sur un problème sérieux et le moindre incident se décliner sur le plan accidentel sévère !
Les USA ont d'ailleurs basé leur recommandation d'évacuation à plus de 80 Km de la centrale sur la situation plus qu'acrobatique et non documentée de l'explosion du bâtiment n°. 3 ayant probablement fortement endommagé la piscine n°. 3 et de l’assèchement confirmé de la piscine n°.4.
R : Ce point évoque bien la triste réalité de l'impasse de la gestion des combustibles irradiés : on a stocké très longtemps le combustible usé en comptant sur un retraitement futur qui s'avère depuis bien des années être une solution non viable économiquement. Les usines et les projets de retraitement sombrent l'un après l'autre : Sellafield est le dernier exemple d'abandon de la filière de retraitement au Royaume-Uni, l'usine Japonaise de Rokkasho rencontre de multiples problèmes et ne traite ainsi qu'un minimum de combustible, le projet de Savannah River aux USA n'est pas certain de se concrétiser ; en France, le rapport sur l'énergie nucléaire de 2000 préconisait déjà d'abandonner le retraitement pour s'orienter au plus tôt vers une solution de stockage mais le courage politique a manqué... Et l'usine de la Hague est restée en activité, l’État mettant fréquemment la main à la poche. Quel est le dirigeant qui osera, enfin, s'opposer au lobby nucléaire et faire table rase d'un passif nucléaire ?
Q : Les opérateurs Japonais utilisent-ils des paniers spéciaux dits "neutrophages" en piscine ?
R : A priori, non. Ces paniers à assemblages spéciaux renforcent la sécurité des piscines en intégrant des éléments "tueurs" de neutrons (donc neutrophages). A défaut d'utiliser ce type de conteneurs, la piscine ne peut compter que sur la circulation forcée d'une eau borée pour réduire le facteur de criticité ; en l'absence d'eau, c'est donc la fête à neutrons et l'on connaît (mal) la suite...
Q : A partir de quelle température le combustible commence-t-il à se dégrader en piscine, même avec un appoint d'eau correct ?
R : C'est très rapide, d'où la surveillance particulière des piscines. Il semble qu'à partir de 50° à mi-piscine le zircaloy (4) composant les enrobages de pastilles et des gaines de crayons commence à se dégrader. Or, les températures se sont maintenues près du point d'ébullition plusieurs semaines dans les piscines n°. 3 et n°. 4 !
Q : En résumé, quelle était la marge de sécurité sur les piscines de Fukushima-Daichi ?
R : Elle était nulle ! Compte tenu de la masse de combustible à refroidir, de la présence de combustible neuf, du re-racking probable augmentant d'autant l'inertie thermique, il est probable que l'ensemble des moyens d'échange thermique des piscines n°. 3 et 4 étaient sollicités en permanence, y compris le circuit auxiliaire. Que ce soit au niveau des piscines ou des réacteurs, la désinvolture de l'opérateur et des autorités de «contrôle» ne pouvaient que déboucher sur un problème sérieux et le moindre incident se décliner sur le plan accidentel sévère !
Les USA ont d'ailleurs basé leur recommandation d'évacuation à plus de 80 Km de la centrale sur la situation plus qu'acrobatique et non documentée de l'explosion du bâtiment n°. 3 ayant probablement fortement endommagé la piscine n°. 3 et de l’assèchement confirmé de la piscine n°.4.
Documentation :
Les mystères du combustible de Fukushima, fukushima-blog, 7/10
Inventaire du combustible de Fukushima, Médiapart, 22 mars
Sujet "les piscines", forum rpcirkus
Plutonium et combustible MOX, Laponche/Zerbib, club de l'Europe, 4/4
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Animation du NY Times sur les piscines à Fukushima
(1) D'où l'hypothèse intéressante, le mélange MOX étant plus instable que le mélange UO2 classique, que ces quelques paniers MOXES auraient plus souffert que les autres lors des problèmes de la piscine n°. 3
(2) Car plus énergétique et plus radiotoxique en cas d'accident, les produits de fission dont le principal, l'Iode-131, étant fraîchement formés
(3) 3450 assemblages par piscine de désactivation individuelle selon ce document, 1220 selon l'AIEA, 1331 selon d'autres sources... Que cachent donc ces approximations bien peu scientifiques ?
(4) Alliage de Zirconium (Zirconium Aloy), perméable aux neutrons et présentant une bonne tenue en température
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"Le combustible neuf est par définition beaucoup plus énergétique et irradiant que le combustible irradié."
Je crois qu'il y a une erreur dans ce que vous dite.
Le combustible neuf ne pas être plus irradiant que du combustible irradié. C'est un non-sens !!! du fait même qu'il n'y a pas eu encore fission des matières fissiles, alors que la physique indique qu'en cas de fission d'un atome de matière fissile (U ou Pu), il y a création de 2 produits de fission (pour faire simple), libération d'une grande quantité d'énergie sous forme de chaleur et de rayonnement de type gamma et neutron.
Rédigé par : Deedoff | 31/10/2011 à 21:23
Bonjour Deedoff, je savais que vous (ou un autre lecteur attentif) alliez réagir sur ce point. Sur le plan énergétique, le combustible neuf est neuf, il contient donc 100% de son énergie initiale. Cette énergie décroîtra au fur et à mesure de son exposition au phénomène de fission, l'Uranium ou le Plutonium fissile décroissant. C'est "l'usure" du combustible nucléaire.
Évoquer l'irradiation est plus délicat : certes, dans le cadre d'une exposition normale en réacteur le combustible deviendra plus irradiant - sur le plan radiologique - au fur et à mesure de son usure, les produits de fission se développeront et le combustible deviendra "mordant".
L'utilisation de l'adjectif "irradiant" dans le cadre accidentel - c'est celui qui nous préoccupe - peut s'entendre également comme une source potentielle d'irradiation, la réserve disponible en quelque sorte et c'est ce qui bien le point qui nous préoccupe dans le cadre de notre piscine qui fuit (et non en exposition normale en réacteur).
Imaginons donc un "mix" d'assemblages neufs et usagés en piscine. A la suite d'un incident, la piscine se vide. Les assemblages se découvrent, s'endommagent et fondent. d'où le danger principal viendra-t-il ? Du combustible neuf ou de celui qui a déjà échangé une partie de son énergie en chaleur dans un réacteur ?
Et les produits de fission ? Vaut-il mieux qu'une partie se soit décalée en éléments stables en piscine ou que le "plein" de produits de fission soit fait lors de la fusion et de la criticité prompte d'assemblages neufs surchauffés ?
Tous les raisonnements sur le combustible qui sont valables en usage "normal" deviennent différents dans le cadre accidentel.
Mais si le terme "irradiant" peut prêter à confusion, remplaçons-le alors par "source irradiante potentielle" si vous voulez.
Et je pense que nous serons d'accord pour dire qu'une "irradiation prompte en piscine" est quand même le comble de l'idéologie nucléaire, tout comme le "feu de piscine" n°.4 l'est dans le domaine de la physique.
Voilà pourquoi je m'étonne et m'insurge contre le fait que du combustible neuf soit systématiquement retrouvé dans chaque piscine de Fukushima Daiichi.
Cordialement,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 01/11/2011 à 00:17
J'ai légèrement modifié la phrase concernée. Est-ce plus clair ?
Cordialement,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 01/11/2011 à 10:06
Tout compris didon, j'aime bien "la fête à neutrons" ;o)
Rédigé par : Uncas | 01/11/2011 à 21:04
Bravo pour cete analyse qui legitimerait de dispenser des cours en genie atomique....
Rédigé par : ..... | 24/01/2012 à 22:59
J'échange une chaire en génie nucléaire contre un fauteuil ergonomique et deux barils de génie sans bouillir
Rédigé par : trifouillax | 26/01/2012 à 14:11