Le lieu concerné
La partie Ouest de salle de la chambre de suppression, au niveau –1 du bâtiment-réacteur n°. 1 de Fukushima-Daiichi.
1 – L’emplacement approximatif de l’intervention du 26/6
Plus précisément, d’après le document n°. 3, il semble que l’opération a été menée à proximité du “trou d’homme” situé au Sud-Est du bâtiment visible sur une vidéo et des schémas plus anciens (unité 1F2).
2 – Emplacement plus précis (d’après le document Tepco n°. 3)
La technique utilisée
Un endoscope composé d’une caméra, d’un thermomètre et d’un radiamètre a été inséré depuis une conduite traversant le plancher du niveau 1 pour déboucher dans la partie Ouest de la salle contenant le tore de suppression.
3 – point d’insertion du matériel et nivellement
4 - Notez la passerelle (catwalk) qui fait le tour du tore
Les niveaux “OP”
OP (Océan Pacifique) : le niveau moyen de ce dernier, correspondant à environ 72 cm sous le niveau moyen de la baie de Tokyo. Tous les nivellements de Tepco sont basés sur cette référence. On notera que :
- Le haut du plancher du 1er étage est situé à OP10200 soit 10.2m au-dessus du niveau moyen du Pacifique et le bas à OP9550 ce qui nous permet de déduire que la dalle du plancher du 1er étage mesure 0.65m d’épaisseur
- Le point le plus bas du BR1 (le radier) est situé à OP-1230 soit une hauteur hors-tout de la salle de 10.78m
- Le niveau d’eau dans la salle est situé à environ OP4000 soit 5.23m
- Le tore mesure environ 8m de hauteur pour 40 m de diamètre, les pipes de raccordement obliques vers le drywell mesurent quant à elles environ 2m de diamètre
Les hommes, les conditions de l’intervention, la dosimétrie humaine
Nous estimons que Tepco a fait intervenir des travailleurs humains dans un contexte très difficile : forte radioactivité, humidité, chaleur… Le fait que l’opérateur ne communique pas, comme il en a l’habitude dans les compte-rendus, la composition de l’équipe et les doses d’irradiation des travailleurs concernés nous amène à estimer que ces derniers ont subi une irradiation importante. Au vu des niveaux repris ci-dessous, on peut facilement comprendre que les travailleurs ne pouvaient intervenir directement depuis la salle inférieure, la passerelle (catwalk) étant située au-dessus du niveau de l’eau stagnante mais dans une zone ou la radioactivité atteint plusieurs Sieverts par heure. Le plancher en béton de 65 cm permet ainsi aux travailleurs de n’être exposés “qu’à” un débit de dose d’environ 20 mSv/h, alors que le débit est 30 fois supérieur (0.62 Sv/h) juste au-dessous du plancher béton.
5 – Les niveaux de débit de dose sur et sous le plancher du 1er étage
L’opération doit s’être prolongée au moins une heure (40 minutes de film + la préparation) ce qui correspondrait donc, si les relevés de dosimétrie sont corrects, à une dose efficace d’environ 20 mSv par intervenant.
La dosimétrie matérielle
Les relevés sont homogènement très élevés dans la partie aérienne du trajet (OP4000 à OP9550), le débit de dose maximal est obtenu a une profondeur d’environ OP4200, c’est–à-dire juste au-dessus du niveau de l’eau stockée dans la chambre de suppression. La dose redescend ensuite sur environ 3 mètres avant de remonter, en fond de parcours, à des valeurs très – trop – élevées (plusieurs centaines de millions de Sieverts/h), que Tecpo estime d’ailleurs “erronées”.
6 – Les niveaux de débit de dose par niveau OP
Le corium de l’unité n°. 1 serait-il passé par là ?
En fait, le dosimètre semblait fonctionner correctement avant le niveau “12” aussi nous pensons qu’il aurait pu être endommagé au niveau inférieur de la salle de suppression, peut-être parce qu’il s’est trouvé à proximité immédiate d’une partie au moins du combustible fondu regroupé dans cette zone ? Il faut savoir que les dosimètres industriels, même s’ils sont très résistants aux radiations élevées, ne sont pas fait pour être approchés à proximité immédiate d’une source irradiant un débit de dose supérieur à quelques centaines de Sieverts et ne pourront survivre à une dose cumulée d’environ 1000 Sieverts.
Aurait-on localisé le “pied d’éléphant” de l’unité n°. 1 ?
Les niveaux de dosimétrie relevés au cours de l’opération du 26 juin sont nettement supérieurs à ceux relevés par exemple au même endroit de l’unité n°. 2, qui ne dépassaient jamais 0.12 Sv/h et s’établissaient à 0.055Sv/h contre 1.5 Sv/h au même endroit (niveau de la passerelle 1F1). La dose est environ 30 fois supérieure au niveau de l’unité n°. 1 ! L’hypothèse d’un curium ayant percé le fond de la cuve du réacteur puis s’étant échappé par gravité vers les pipes de l’anneau de suppression avant de percer ledit anneau (très mince comparativement aux 2 cuves PCV et RPV) semble se confirmer. Il est également possible que le combustible en fusion se soit fragmenté pour s’échapper du confinement primaire par plusieurs chemins différents (il y a 8 pipes transversales en tout).
7 - Les relevés effectués par un robot sur la passerelle (catwalk) de l’unité n°. 2 le 20 avril 2012
L’unité n°1 de Fukushima-Daiichi est considérée depuis longtemps comme celle dont le combustible aurait été le plus endommagé, du fait de son niveau technique remontant à 1970 (Mark1-BWR/3) ; il est généralement établi que la première fusion de cœur s’est produite à ce niveau dès le 12 mars 2011 soit le lendemain du blackout station.
Analyse de la vidéo
Les images tournées sont de bonne qualité malgré les niveaux de doses très importants ; On observera avec attention :
(01:30) Aperçu de la rambarde de la passerelle surplombant le tore
(02:00) Le manipulateur positionne la caméra pour passer à l’extérieur de la passerelle
(02:15) Cette panne d’éclairage de 30 secondes permet de bien visualiser les nombreux photons frappant le capteur de la caméra créant de jolis artéfacts de couleur
(05:30) Notez la corrosion omniprésente sur les surfaces métalliques
(07:15) Après bien des essais, le contournement de la rambarde de la passerelle est réussi !
(12:30) On aperçoit pour la première fois la surface de l’eau
(14:30) plongée, notez comme toutes les surfaces visibles se parent de rouge dès qu’elles sont immergées
(16:30) Des surfaces oxydées se décomposent complètement, s’agit-il de l’anneau lui-même ou d’autre chose ?
(18:15) Idem pour ce plan, des surfaces vertes et rouges parfaitement irrégulières… C’est étrange…
(21:00) Plan parfaitement net, les surfaces rappellent presque des massifs de corail mais avec des éclats métalliques
(23:00) Le suivi devient délicat suite aux nombreuses particules en suspension dans l’eau, probablement engendrées par la manœuvre de l’endoscope
(27:35) Le moindre effleurement de ce qui semble être l’anneau de suppression engendre le détachement de nombreuses particules
(30:00) Le radier en béton semble atteint ?
(35:00) Début de la remontée de l’endoscope
(36:30) Surface !
(37:45) Ca coince un peu en remontant, le gars doit rager…
Bravo aux manipulateurs, ce n’était pas évident !
Sources :
Résultats de l’investigation de la chambre du tore de suppression 1F1, Tepco, 26 juin (Document d’accompagnement PDF)
Vidéo tournée lors de l’intervention, Tepco, 26 juin, (zippée, 337 Mb)
Lire également :
Analyse et commentaires sur l’endoscopie 1F2 du 20/1/12, gen4, 20/1/12
Analyse des photos et vidéos du tore de suppression 1F2, gen4, 20/4/12
Aurions nous enfin véritablement trouvé trace du passage d'un corium ? Le scénario semble plausible...
A mon tour de vous remercier pour votre travail, Trifouillax. Vous le méritez bien.
Delphin
Rédigé par : Delphin | 28/06/2012 à 21:53
Ce blog est d'intêret public ou d'un service public.On remarque qu'à travers cette dernière info
que la decomposition des installations est inexorable que ça fuit de partout.
que la radioactivité se répand dans tout le Japon et via le Pacifique vers les USA.
Que l'air petit à petit se surcharge aussi de toutes ces saloperies.Bref on n' est sorti
de l'auberge,on bouffe gratis.Beurk!!!!
Merci à vous de nous informer,sans vous et d'autres veilleurs comment ferions-nous?
Rédigé par : no nuke 43 | 28/06/2012 à 23:11
Intéressante vidéo.
Le débit de dose 18e8 ou e9 est en milliSv/h, ce qui fait des centaines de milliers de Sv, c'est à priori en effet "trop" pour être crédible.
Je serai curieux de savoir à proximité de quoi le capteur a lâché.
J'aimerai aussi connaître la température à la surface.
La dose est maxi au niveau "eau + 20 cm" sans doute parce qu'il y flotte quelque chose de particulièrement actif, de fines poussières probablement.
La dose est inférieure au niveau de l'eau à cause de l'effet directif du capteur je suppose? Et encore inférieure en descendant à cause de l'effet d'absortion (des radiations venant des poussières de surface par l'eau).
Il y a du courant dans l'eau, on le voit aux poussières flottantes blanches qui défilent, et ceci avant que la caméra touche l'eau.
Je sais que tepco injecte de l'eau, mais pense que le corium est actif et que les vapeurs qu'il émet contiennent des particules hautement actives qui surnagent. Dans de l'eau immobile les particules se seraient agglomérées sur les bords par effet de tension de surface.
La vapeur émise est condensée avant d'arriver à la surface, si le corium est profond la colonne d'eau est de beaucoup supérieure à 5 mètres.
Le corium peut se trouver n'importe où dans la pièce, ou dessous, puisque l'eau recouvre tout.
La rouille partout est normale si on se souvient qu'ils ont injecté de l'eau de mer. L'aspect déchiqueté est + surprenant, je pensais qu'ils utilisaient de l'inox, mais ce n'était peut-être pas le tore lui-même qu'on voit.
Je me demande s'il y a des bactéries dans l'eau, elles ont eu 40 ans pour apprendre à survivre malgré les radiations. Depuis que l'eau n'est plus filtrée et avec la température elles doivent être "contentes".
Rien d'anormal au sol, des gros bouts de rouille rouge, de petits grains noirs, dommage qu'on n'a pas de chiffres, là. En tout cas pas de corium.
Qu'est ce qui leur a prit de passer plusieurs minutes à vouloir récupérer la caméra? Moi je l'aurai remonté jusqu'au dessus de la surface et vite débranché pour filer à l'abri. Une fois les manoeuvres terminées un cable d'alimentation + retour images suffit.
Rédigé par : HP | 29/06/2012 à 03:12
Merci de m'avoir éclairé sur les niveaux O.P qui correspondent en gros à nos N.G.F . Il est intéressant de noter que la partie basse de la salle du tore est sous le niveau 0 car en valeur négative ce qui explique sans doute que l'eau risque d'y rester longtemps ...
Rédigé par : ETIENNE SERVANT | 29/06/2012 à 07:50