Les piscines, parents pauvres de la sûreté nucléaire !
L'industrie électronucléaire - comme les autres industries - raisonne en termes de rapport investissement / bénéfices. La sécurité est en fait, malgré les beaux discours, un problème secondaire - Fukushima l'a suffisamment démontré - ; autrement dit cet aspect "sécuritaire" est observé uniquement par le petit bout de la lorgnette de la rentabilité : en cas d'accident grave, les installation sont "foutues", l'image de marque s'écorne durablement, la "décontamination" et le démantèlement mobilisent des sommes énormes etc. Ne soyons pas trop crédules : si un accident électronucléaire rapportait de l'argent, il y aurait moins de sécurité et non plus !
Autant les ingénieurs envisageaient des scénarios "impossibles" au niveau des réacteurs eux-mêmes, autant la sécurité des piscines de désactivation est d'entreposage était reléguée au second plan car ce problème ne pouvait, ne devait, être que transitoire du fait que le combustible ne devait y stationner que de manière temporaire ! Ainsi par exemple les bassins ne sont-ils pas entourés d'un confinement spécifique, si l'on excepte de fragiles murs d'enceinte qui s'effondrent facilement.
La NRC estimait d'ailleurs en 2012 - donc après Fukushima - que renforcer la sécurité des piscines présenterait un coût élevé pour ne diminuer que très peu la probabilité d'un accident majeur ; autrement dit, le problème était évacué car les réponses disponibles s'éloigneraient "dangereusement" du schéma de rentabilité des installations.
Les sécurités minimales des piscines
La liste des approximations sécuritaires est très longue :
- Absence de confinement spécifique
- Absence de redondance des systèmes de refroidissement (1)
- Absence de moyen électriques de secours dédiés (2)
- Géométrie d'installation des assemblages sacrifiée sur l'autel de la rentabilité (3)
- Absence de protections radiologiques spécifiques (4)
- Situation physique des piscines très mal pensée (5)
Il faut préciser qu'une fois mis en service, il est impossible - contrairement au réacteur lui-même - d'intervenir "en profondeur" sur un bassin : il est en fait impossible de le vider tant que le réacteur associé n'est pas arrêté pour une longue période, voire définitivement. A titre d'exemple, savez-vous que le réarrangement du combustible dans une piscine - le fameux re-racking - s'effectue non pas piscine vide car vous aurez désormais compris que c'est impossible, mais piscine pleine, à l'aide de plongeurs assez téméraires ?
La criticité accidentelle en plus du feu de Zirconium ?
Si la température de la piscine augmente au-delà d'un certain point, ou encore si le niveau d'eau baisse trop à la suite d'une fuite, les tubes contenant les pastilles de combustible s'enflamment. Est-il interdit de penser qu'une espèce de réaction nucléaire en chaîne localisée pourrait survenir ? De tous les points faibles évoqués ci-dessus, une criticité accidentelle serait - et de loin - le moins gérable, à la fois dans la phase critique de l'accident mais également en situation corrective.
Combien de temps pour agir en cas de la perte de source froide au niveau d'une piscine ?
Dans le meilleur des cas (6), une dizaine de jours. Si, comme sur l'unité 4, le combustible venait d'être déchargé, 24 heures ! Après ce délai réduit, la chaleur intense dégagée par les produits de fission contenus dans le combustible aurait amené l'eau à bouillir et à descendre au niveau du sommet des assemblages. Dans le cadre d'un accident grave et multiple, comme à Fukushima, c'est un délai d'intervention totalement impossible à gérer.
La "géométrie" du combustible placé en piscine
Les assemblages sont donc installés dans des paniers dits "à espacement réduit" (7) et contenant du bore afin de limiter les possibilités de criticité accidentelle. Alors qu'un panier "classique" sépare les assemblages de 53 cm, un panier "HD" ne les sépare que de 23 cm soit un espacement à peine plus large que celui utilisé dans le cœur du réacteur critique ! Nous voyons donc que ce ne sera pas - ce ne sera plus depuis le re-racking - l'éloignement des assemblages qui pourra limiter une criticité accidentelle.
L'inconvénient du panier "fermé" ou "boré" est par ailleurs évident : dès que le panier est découvert sur la partie haute, une circulation latérale éventuelle d'air se trouve bloquée par les parois fermées alors que le bas des paniers est toujours immergé et bloque la ventilation inférieure. Les assemblages sont enfermés dans leur propres cercueils, en quelques sorte ! La température n'en augmente que plus vite, jusqu'à ce que survienne...
Une criticité localisée et modérée ?
En l'absence totale de refroidissement, une heure environ après le dénoyage de la partie supérieure du combustible, ce dernier atteint la température de 600° environ (8) et les gaines en Zirconium commencent à se dégrader ainsi que les paniers borés. Le "feu de piscine" débute un peu plus tard, vers 900°. C'est à ce point que l'éventualité d'une criticité ne peut être ignorée, car nous avons bien à ce niveau rempli au moins certaines conditions d'une criticité :
- Géométrie proche de celle du cœur du réacteur
- Effet neutrophage des paniers borés annihilé par leur fusion
- Apparition d'un phénomène de modération (9) en partie supérieure d'assemblage par la vapeur d'eau provenant du bas du combustible, toujours immergé
Une bombe à l'envers ?
Le principe simplifié à l'extrême d'une bombe nucléaire est de fissionner le plus de matière possible dans un intervalle temporel le plus bref possible, afin de maximiser le dégagement d'énergie. Dans notre hypothèse, la criticité serait auto-modérée - en quelque sorte - et serait également très localisée (10). Le résultat de cette opération serait d’accélérer un peu plus la dégradation des assemblages ainsi que l'apparition d'une surpression explosive modérée, peut-être suffisante pour faire basculer la paroi située au Sud-Ouest de la piscine ? Cette hypothèse pourrait également expliquer certains des phénomènes intriguants reportés par certains témoins (11) ainsi que l'aspect final très étonnant du bâtiment n°. 4.
(1) Le système de circulation d'eau est doublé mais les 2 pompes fonctionnent souvent simultanément (combustible "chaud") donc la marge de sécurité est réduite
(2) Alimentation électrogène spécifique
(3) Le stockage "haute densité" évoqué hier
(4) Barrières de blindage permettant à du personnel d'intervenir même en cas de fuite ou d'élévation de la température
(5) Les piscines des REB sont "perchées" à 30m du sol
(6) Combustible déchargé depuis une année environ
(7) 23 cm environ entre 2 assemblages contigus contre 21.5 dans le cœur du réacteur
(8) Dans l’hypothèse d'un cœur fraîchement déchargé dégageant 100 KWt par tonne d'uranium
(9) Ralentissement des neutrons nécessaire pour initier la réaction nucléaire
(10) Limitée sur un niveau vertical réservée aux assemblages les plus "chauds" ?
(11) Le morphing progressif du bâtiment
Sources :
Reducing SFP hazards, Princeton (Alvarez et Al.), 2003, anglais
Danger of SFP, G. Edwards, 23/1/12, anglais
L'industrie électronucléaire - comme les autres industries - raisonne en termes de rapport investissement / bénéfices. La sécurité est en fait, malgré les beaux discours, un problème secondaire - Fukushima l'a suffisamment démontré - ; autrement dit cet aspect "sécuritaire" est observé uniquement par le petit bout de la lorgnette de la rentabilité : en cas d'accident grave, les installation sont "foutues", l'image de marque s'écorne durablement, la "décontamination" et le démantèlement mobilisent des sommes énormes etc. Ne soyons pas trop crédules : si un accident électronucléaire rapportait de l'argent, il y aurait moins de sécurité et non plus !
Autant les ingénieurs envisageaient des scénarios "impossibles" au niveau des réacteurs eux-mêmes, autant la sécurité des piscines de désactivation est d'entreposage était reléguée au second plan car ce problème ne pouvait, ne devait, être que transitoire du fait que le combustible ne devait y stationner que de manière temporaire ! Ainsi par exemple les bassins ne sont-ils pas entourés d'un confinement spécifique, si l'on excepte de fragiles murs d'enceinte qui s'effondrent facilement.
La NRC estimait d'ailleurs en 2012 - donc après Fukushima - que renforcer la sécurité des piscines présenterait un coût élevé pour ne diminuer que très peu la probabilité d'un accident majeur ; autrement dit, le problème était évacué car les réponses disponibles s'éloigneraient "dangereusement" du schéma de rentabilité des installations.
La SFP et son circuit de refroidissement (NURENG-1275, 1997)
Les sécurités minimales des piscines
La liste des approximations sécuritaires est très longue :
- Absence de confinement spécifique
- Absence de redondance des systèmes de refroidissement (1)
- Absence de moyen électriques de secours dédiés (2)
- Géométrie d'installation des assemblages sacrifiée sur l'autel de la rentabilité (3)
- Absence de protections radiologiques spécifiques (4)
- Situation physique des piscines très mal pensée (5)
Il faut préciser qu'une fois mis en service, il est impossible - contrairement au réacteur lui-même - d'intervenir "en profondeur" sur un bassin : il est en fait impossible de le vider tant que le réacteur associé n'est pas arrêté pour une longue période, voire définitivement. A titre d'exemple, savez-vous que le réarrangement du combustible dans une piscine - le fameux re-racking - s'effectue non pas piscine vide car vous aurez désormais compris que c'est impossible, mais piscine pleine, à l'aide de plongeurs assez téméraires ?
La criticité accidentelle en plus du feu de Zirconium ?
Si la température de la piscine augmente au-delà d'un certain point, ou encore si le niveau d'eau baisse trop à la suite d'une fuite, les tubes contenant les pastilles de combustible s'enflamment. Est-il interdit de penser qu'une espèce de réaction nucléaire en chaîne localisée pourrait survenir ? De tous les points faibles évoqués ci-dessus, une criticité accidentelle serait - et de loin - le moins gérable, à la fois dans la phase critique de l'accident mais également en situation corrective.
Combien de temps pour agir en cas de la perte de source froide au niveau d'une piscine ?
Dans le meilleur des cas (6), une dizaine de jours. Si, comme sur l'unité 4, le combustible venait d'être déchargé, 24 heures ! Après ce délai réduit, la chaleur intense dégagée par les produits de fission contenus dans le combustible aurait amené l'eau à bouillir et à descendre au niveau du sommet des assemblages. Dans le cadre d'un accident grave et multiple, comme à Fukushima, c'est un délai d'intervention totalement impossible à gérer.
La "géométrie" du combustible placé en piscine
Les assemblages sont donc installés dans des paniers dits "à espacement réduit" (7) et contenant du bore afin de limiter les possibilités de criticité accidentelle. Alors qu'un panier "classique" sépare les assemblages de 53 cm, un panier "HD" ne les sépare que de 23 cm soit un espacement à peine plus large que celui utilisé dans le cœur du réacteur critique ! Nous voyons donc que ce ne sera pas - ce ne sera plus depuis le re-racking - l'éloignement des assemblages qui pourra limiter une criticité accidentelle.
Une criticité localisée et modérée ?
En l'absence totale de refroidissement, une heure environ après le dénoyage de la partie supérieure du combustible, ce dernier atteint la température de 600° environ (8) et les gaines en Zirconium commencent à se dégrader ainsi que les paniers borés. Le "feu de piscine" débute un peu plus tard, vers 900°. C'est à ce point que l'éventualité d'une criticité ne peut être ignorée, car nous avons bien à ce niveau rempli au moins certaines conditions d'une criticité :
- Géométrie proche de celle du cœur du réacteur
- Effet neutrophage des paniers borés annihilé par leur fusion
- Apparition d'un phénomène de modération (9) en partie supérieure d'assemblage par la vapeur d'eau provenant du bas du combustible, toujours immergé
Une bombe à l'envers ?
Le principe simplifié à l'extrême d'une bombe nucléaire est de fissionner le plus de matière possible dans un intervalle temporel le plus bref possible, afin de maximiser le dégagement d'énergie. Dans notre hypothèse, la criticité serait auto-modérée - en quelque sorte - et serait également très localisée (10). Le résultat de cette opération serait d’accélérer un peu plus la dégradation des assemblages ainsi que l'apparition d'une surpression explosive modérée, peut-être suffisante pour faire basculer la paroi située au Sud-Ouest de la piscine ? Cette hypothèse pourrait également expliquer certains des phénomènes intriguants reportés par certains témoins (11) ainsi que l'aspect final très étonnant du bâtiment n°. 4.
(1) Le système de circulation d'eau est doublé mais les 2 pompes fonctionnent souvent simultanément (combustible "chaud") donc la marge de sécurité est réduite
(2) Alimentation électrogène spécifique
(3) Le stockage "haute densité" évoqué hier
(4) Barrières de blindage permettant à du personnel d'intervenir même en cas de fuite ou d'élévation de la température
(5) Les piscines des REB sont "perchées" à 30m du sol
(6) Combustible déchargé depuis une année environ
(7) 23 cm environ entre 2 assemblages contigus contre 21.5 dans le cœur du réacteur
(8) Dans l’hypothèse d'un cœur fraîchement déchargé dégageant 100 KWt par tonne d'uranium
(9) Ralentissement des neutrons nécessaire pour initier la réaction nucléaire
(10) Limitée sur un niveau vertical réservée aux assemblages les plus "chauds" ?
(11) Le morphing progressif du bâtiment
Sources :
Reducing SFP hazards, Princeton (Alvarez et Al.), 2003, anglais
Danger of SFP, G. Edwards, 23/1/12, anglais
On dirait une vapeur mauve sur cette photo , ne serais pas de l' iode gazeux ? et les coulures brunes de l'iode en solution plutôt que de la rouille ? http://img.scoop.it/AxVs8-gk7ngCc4XswsYb6Tl72eJkfbmt4t8yenImKBVaiQDB_Rd1H6kmuBWtceBJ
Rédigé par : S Servant | 22/05/2012 à 16:52
Et qui dit Iode dit ? , mais ce que je comprends pas c'est l'état des paniers , s'il y avait eu criticité ils seraient cramés non ?
Rédigé par : S Servant | 22/05/2012 à 17:18
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/84/IodoAtomico.JPG?uselang=fr
Rédigé par : S Servant | 22/05/2012 à 17:20
http://www.houseoffoust.com/fukushima/NewR4.html
Rédigé par : S Servant | 22/05/2012 à 17:25
Oui de l'iode il y en a bien eu pendant quelques mois dans la SFP4 :
http://fukushima-diary.com/2012/05/iodine-131-was-measured-from-sfp4/
Cordialement,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 23/05/2012 à 10:31
Bonjour Trifouillax vici une hypothèse possible pour le N°4 , je ne crois pas non plus au retour d'hydrogène par le N°3 ,ça tient pas du tout la route. de plus s'il y avait eu communication par l'hydrogène entre les 3 et le 4 ils auraient explosé en même temps . http://fukushima-informations.fr/?p=724
Rédigé par : S Servant | 23/05/2012 à 15:47
Oui un "flash boiling", une idée à creuser ;)
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 25/05/2012 à 18:30