La cheminée mystérieuse
De nombreuses personnes - expertes ou non - s'interrogent toujours sur l'enchaînement des événements ayant conduit l'unité n°. 4 de Fukushima-Daiichi à exploser le 15 mars 2011. Tepco, l'opérateur du site, estime dans son communiqué de presse du 16 mai 2012 que du gaz hydrogène provenant de la fusion du cœur de l'unité n°. 3 aurait pu remonter le circuit de purge au moyen d'une canalisation de cheminée commune pour finir par s'introduire dans les étages supérieurs de l'unité n°. 4.
De nombreuses personnes - expertes ou non - s'interrogent toujours sur l'enchaînement des événements ayant conduit l'unité n°. 4 de Fukushima-Daiichi à exploser le 15 mars 2011. Tepco, l'opérateur du site, estime dans son communiqué de presse du 16 mai 2012 que du gaz hydrogène provenant de la fusion du cœur de l'unité n°. 3 aurait pu remonter le circuit de purge au moyen d'une canalisation de cheminée commune pour finir par s'introduire dans les étages supérieurs de l'unité n°. 4.
Peut mieux faire !
C'est une explication plausible mais après examen assez improbable : si le conduit de cheminée est bien commun au niveau de la base de la cheminée située entre les unités 3 et 4, on peut noter sur le cliché ci-dessous que la canalisation reliant le BR3 à la cheminée a été détruite lors de l'explosion du 14 mars à 1103 ; on visualise nettement le conduit coupé juste après le coude et les tronçons de tube tombés le long du mur Sud.
Sachant que l'explosion de l'unité n°. 4 est estimée dans la chronologie s'être produite le 15 mars à 0938, donc une journée environ après la dégradation des conduites du n°. 3, comment l'hydrogène aurait-il pu remonter vers la cheminée si le circuit qu'il est sensé emprunter n'existe plus ? D'autre part, peut-on supposer qu'un simple clapet anti-retour n'ait pas été prévu afin d'isoler les circuits de purge des deux unités raccordées sur la même cheminée ?
L'hypothèse de la piscine : dégradation ou criticité ?
Chacun sait que le combustible avait été déchargé de l'unité n°. 4 à l'automne 2010 pour effectuer une opération de maintenance (1). Le cœur, relativement chaud, avait donc été placé dans la piscine de désactivation pour la durée d'une opération de maintenance - assez lourde - estimée au minimum à 6 mois. On peut bien sûr penser que du gaz hydrogène s'est formé au sein de la piscine à la suite d'une fuite de cette dernière ou même plus simplement par perte de la source froide, elle-même due à la défaillance électrique générale ou à un problème de canalisation endommagée. La piscine étant assez chargée et notamment équipée d'un cœur assez fraîchement déchargé, sans circulation d'eau froide, point de salut : même en l'absence de fuite, quelques jours suffisent (2) pour amener le niveau d'eau du bassin à un seuil critique.
Le 15 mars au matin, la source d'eau froide avait été perdue depuis environ 80 heures. Les assemblages de combustible contenu dans la piscine N°. 4 ont probablement commencé à être progressivement dénoyés, la réaction s'emballant rapidement au fil de cette exposition à l'air libre. Tepco avait l’œil ailleurs, probablement sur l'unité n°. 3 qui avait explosé quelques heures avant.
Une criticité en piscine ne peut être exclue
Les experts pensent généralement qu'une criticité est très peu reproductible dans des conditions accidentelles, pour la simple raison qu'ils n'arrivent déjà pas facilement à engendrer ce mécanisme de manière volontaire, et que ce serait bien "le diable" si le chaînage d'événements et de conditions nécessaires soit rempli sans que leurs petits esprits "savants" ne réfléchissent longuement à la situation et, ensuite, que des petites mains "expertes" n'interviennent pour amener la réaction nucléaire à démarrer.
Est-ce si sûr ? Le problème réside bien dans le fait que la situation accidentelle de Fukushima-Daiichi est absolument inédite. Aucune piscine n'a jamais pris feu (sic) auparavant. Bien sûr, des modèles ont été étudiés, des calculs ont été faits, des incidents mineurs sont survenus dans le passé mais rien ne remplace l'observation d'une situation réelle.
La "surcharge" des piscines
L'une des causes les plus probables d'une criticité éventuelle tient dans le design des piscines de désactivation. Elles n'ont simplement pas été conçues à l'origine pour accueillir des quantités de combustible dépassant quelques centaines d'assemblages. Or, la piscine n°. 4 de Fukushima-Daiichi en contenait plus de 1500, dans un volume d'eau représentant environ 1500 m3. Comment cela est-il possible ? Simplement en réarrangeant le positionnement des assemblages de combustible, autrement dit en "trichant" sur l'espace estimé à l'origine nécessaire entre les grappes de barres de combustible pour à la fois pour les refroidir et empêcher que des réactions accidentelles ne puissent démarrer. S'il y a moins d'espace perdu, on peu loger plus de combustible, mais n'est-ce pas en jouant avec le feu ?
Le re-racking ou stockage "haute densité"
Les paniers destinés à accueillir le combustible furent ainsi réarrangés (regroupés) pour pouvoir stocker davantage et davantage de combustible irradié. A l'origine les ingénieurs de General Electric avaient prévu suffisamment de paniers pour accueillir 2 cœurs complets soit environ 1100 assemblages, dans une relative sécurité. Après la modification de densité, certaines piscines étaient susceptibles d'accueillir jusqu'à 5 cœurs complets, soit environ 3000 à 3500 assemblages. Et des assemblages, il y en avait toujours plus, au fil de la prolongation de la durée de vie des installations et des abandons successifs des projets de stockage ou de retraitement du combustible, que ce soit au Japon ou aux USA.
La seconde partie du billet sera mise en ligne demain.
C'est une explication plausible mais après examen assez improbable : si le conduit de cheminée est bien commun au niveau de la base de la cheminée située entre les unités 3 et 4, on peut noter sur le cliché ci-dessous que la canalisation reliant le BR3 à la cheminée a été détruite lors de l'explosion du 14 mars à 1103 ; on visualise nettement le conduit coupé juste après le coude et les tronçons de tube tombés le long du mur Sud.
Sachant que l'explosion de l'unité n°. 4 est estimée dans la chronologie s'être produite le 15 mars à 0938, donc une journée environ après la dégradation des conduites du n°. 3, comment l'hydrogène aurait-il pu remonter vers la cheminée si le circuit qu'il est sensé emprunter n'existe plus ? D'autre part, peut-on supposer qu'un simple clapet anti-retour n'ait pas été prévu afin d'isoler les circuits de purge des deux unités raccordées sur la même cheminée ?
L'hypothèse de la piscine : dégradation ou criticité ?
Chacun sait que le combustible avait été déchargé de l'unité n°. 4 à l'automne 2010 pour effectuer une opération de maintenance (1). Le cœur, relativement chaud, avait donc été placé dans la piscine de désactivation pour la durée d'une opération de maintenance - assez lourde - estimée au minimum à 6 mois. On peut bien sûr penser que du gaz hydrogène s'est formé au sein de la piscine à la suite d'une fuite de cette dernière ou même plus simplement par perte de la source froide, elle-même due à la défaillance électrique générale ou à un problème de canalisation endommagée. La piscine étant assez chargée et notamment équipée d'un cœur assez fraîchement déchargé, sans circulation d'eau froide, point de salut : même en l'absence de fuite, quelques jours suffisent (2) pour amener le niveau d'eau du bassin à un seuil critique.
Le 15 mars au matin, la source d'eau froide avait été perdue depuis environ 80 heures. Les assemblages de combustible contenu dans la piscine N°. 4 ont probablement commencé à être progressivement dénoyés, la réaction s'emballant rapidement au fil de cette exposition à l'air libre. Tepco avait l’œil ailleurs, probablement sur l'unité n°. 3 qui avait explosé quelques heures avant.
Les surge tank régulent le niveau d'eau du bassin
Une criticité en piscine ne peut être exclue
Les experts pensent généralement qu'une criticité est très peu reproductible dans des conditions accidentelles, pour la simple raison qu'ils n'arrivent déjà pas facilement à engendrer ce mécanisme de manière volontaire, et que ce serait bien "le diable" si le chaînage d'événements et de conditions nécessaires soit rempli sans que leurs petits esprits "savants" ne réfléchissent longuement à la situation et, ensuite, que des petites mains "expertes" n'interviennent pour amener la réaction nucléaire à démarrer.
Est-ce si sûr ? Le problème réside bien dans le fait que la situation accidentelle de Fukushima-Daiichi est absolument inédite. Aucune piscine n'a jamais pris feu (sic) auparavant. Bien sûr, des modèles ont été étudiés, des calculs ont été faits, des incidents mineurs sont survenus dans le passé mais rien ne remplace l'observation d'une situation réelle.
La "surcharge" des piscines
L'une des causes les plus probables d'une criticité éventuelle tient dans le design des piscines de désactivation. Elles n'ont simplement pas été conçues à l'origine pour accueillir des quantités de combustible dépassant quelques centaines d'assemblages. Or, la piscine n°. 4 de Fukushima-Daiichi en contenait plus de 1500, dans un volume d'eau représentant environ 1500 m3. Comment cela est-il possible ? Simplement en réarrangeant le positionnement des assemblages de combustible, autrement dit en "trichant" sur l'espace estimé à l'origine nécessaire entre les grappes de barres de combustible pour à la fois pour les refroidir et empêcher que des réactions accidentelles ne puissent démarrer. S'il y a moins d'espace perdu, on peu loger plus de combustible, mais n'est-ce pas en jouant avec le feu ?
Fukushima-Daiichi SFP3, mars 2010
Le re-racking ou stockage "haute densité"
Les paniers destinés à accueillir le combustible furent ainsi réarrangés (regroupés) pour pouvoir stocker davantage et davantage de combustible irradié. A l'origine les ingénieurs de General Electric avaient prévu suffisamment de paniers pour accueillir 2 cœurs complets soit environ 1100 assemblages, dans une relative sécurité. Après la modification de densité, certaines piscines étaient susceptibles d'accueillir jusqu'à 5 cœurs complets, soit environ 3000 à 3500 assemblages. Et des assemblages, il y en avait toujours plus, au fil de la prolongation de la durée de vie des installations et des abandons successifs des projets de stockage ou de retraitement du combustible, que ce soit au Japon ou aux USA.
La seconde partie du billet sera mise en ligne demain.
(1) Échange du Core Shroud, une pièce apparemment assez fragile sur les BWR
(2) 48 heures environ pour amener l'eau à la température d’ébullition et 48 heures avant que le niveau d'eau ne baisse dangereusement (NRC)
Sources :
Tepco, 16/5, Japonais
Beyond Design Accidents in SFP, NRC, 29/3/12, anglais
Battle to stabilize FD, Joseph Miller, anglais
Voir également : fukushima-informations, 20 mai
(2) 48 heures environ pour amener l'eau à la température d’ébullition et 48 heures avant que le niveau d'eau ne baisse dangereusement (NRC)
Sources :
Tepco, 16/5, Japonais
Beyond Design Accidents in SFP, NRC, 29/3/12, anglais
Battle to stabilize FD, Joseph Miller, anglais
Voir également : fukushima-informations, 20 mai
bonsoir
bon ok gros soucis a la piscine n°4 !!
Mais les autres ? En particulier la N°3 ?
Pas de soucis du tout ? tout va bien ?
Est-ce que TEPCO va finir par reconnaitre qu'elle a pété de bon coeur avec presque tout son combustible pulvérisé alentour ?
et ce dès le 14 mars 2011 !
Quant aux N°1 et 2 ils peuvent pas envoyer un robot nous faire de jolies photos de leurs piscines bien rangées bien propres ??
Ca nous rassurerait vachement !
Tu parles ...
N'attendons pas la cata (comme au Japon)
pour arrêter le nucléaire (comme au Japon)
ho pinaise !! dans quelle merdier ils nous ont mis ces malades !
énergie nucléaire = énergie du désespoir !!
Bonne fin de ce monde
vous embrasse !
Rédigé par : robert | 21/05/2012 à 23:20
La circulation d'hydrogène en quantité du n°3 vers le n°4 m'a toujours paru douteuse, la production d'H par le zirconium oxydé des gaines de combustible, et ce n'est pas ce qui manque dans la piscine, me paraît beaucoup plus probable.
On peut rapeller que l'eau est un ralentisseur de neutrons et que la température ne modifie rien à la réaction, l'ébulition et l'absence d'eau seraient plutôt un frein à la réaction, sous condition que la géométrie du combustible reste stable, mais en cas de fonte des crayons la géométrie varie et tout devient possible.
Rédigé par : HP | 22/05/2012 à 00:46
Salut Trifou,
Petite remarque dans le texte, avant que les trolls ne se jettent dessus:
le dechargement de l'unite 4 pour maintenance etait surement plutot a l'automne 2010.
Rédigé par : JAnonymous | 22/05/2012 à 02:59
je suis plutôt d'accord avec ce scénario. La perte d'eau entraine une fonte de certains éléments, ou de certaines parties de ces éléments de combustible, et la réaction peut alors démarrer.
Rédigé par : Geologue | 22/05/2012 à 10:25
Merci JAnon, je n'en reviens pas : ces 14 mois ont passé à une vitesse...
Texte corrigé
Cordialement,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 22/05/2012 à 10:32
Rédigé par : trifouillax | 22/05/2012 à 10:38
Oui, l'eau est utilisée en modérateur c'est à dire qu'elle participe à la criticité en ralentissant les neutrons dans une "fenêtre" d'opportunité assez étroite : en théorie, en l'absence d'eau, pas de capture possible, la réaction ne démarre pas (ou s'arrête si elle a démarré). L'eau a donc un rôle à jouer dans une criticité accidentelle et son absence interdit a priori la réaction en chaîne, à moins que l'on désigne un autre modérateur potentiel. Ceci fera l'objet de la seconde partie mais certains devineront déjà ou je voudrais en venir ;)
Cordialement,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 22/05/2012 à 10:50
Merci Robert, il est vrai que tout le monde surfe un peu sur la vague de l'unité n°. 4 en ce moment au point que certains se demandent si ce bel ensemble n'est pas stratégique... avec un (ex-)général US aux commandes ?
Cordialement,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 22/05/2012 à 10:55