Dans un article de Sentaku Magazine du mois de février traduit en anglais et condensé dans les colonnes du Japan Times, le Docteur Oikawa, de l'hôpital Municipal de Minami-Soma, réclame des moyens supplémentaires et en appelle une nouvelle fois aux médias Japonais qui ne répercutent pas, malgré ses nombreux efforts, la réalité de la situation engendrée par la catastrophe nucléaire de Fukushima-Daiichi.
Minami-Soma, la ville maudite : trop loin pour évacuer, trop proche pour être épargnée par la radioactivité
Les hôpitaux de Minami-Soma offrent 720 lits est sont situés à environ 30 km au nord du site accidenté ; si une partie Sud de l'agglomération a été évacuée dès le 12 mars, les habitants situés au Nord de la "zone rouge" de 20 km sont toujours suivis par cette structure, tout au moins ceux qui n'ont pas eu les moyens de quitter "volontairement" la zone largement touchée par les retombées mais pas suffisamment aux yeux des autorités.
Des activités de 100.000 CPM relevées sur les habits d'habitants venus se faire contrôler à l'hôpital
Selon des relevés indépendants, la ville de Minami-Soma affichait récemment des débits de dose variant entre 1 et 10 µSv/h alors que les activités surfaciques avaient atteint des niveaux proches de ceux relevés après la catastrophe de Tchernobyl, en 1986 (2). Par manque de moyens (3), l'hôpital de Minami-Soma est équipé d'un seul scanner de radioactivité "corps entier" (WBC ou Whole Body Counter), machine qui a vu défiler environ 10.000 personnes depuis avril 2011. Les activités "corps entier" ont ainsi parfois atteint le chiffre effarant de 100 KCpm !
Il est officiellement reconnu par l'OMS que l'accident de Tchernobyl a directement induit 5000 cas de cancers thyroïdiens sur les enfants de la région (4). A exposition identique (5), comme la densité de population est bien plus importante au Japon qu'en Ukraine, il faut s'attendre à voir apparaître, quelques années plus tard (6) un nombre au moins équivalent sinon supérieur de cas.
Raison supplémentaire pour affecter rapidement des crédits importants à l'hôpital de Minami-Soma, les personnes développant un cancer thyroïdien affichant un bon pronostic de survie s'il s'avèrent traités de manière précoce (7) ; Hélas, comme nous l'avons vu, les crédits publics sont gelés depuis l'évacuation.
50% des enfants examinés à l'hôpital sont contaminés au Césium-137
Sur les 527 enfants examinés après le mois de septembre 2011, 268 soit plus de la moitié affichent une contamination interne au Césium-137 alors que la plupart présentent également une activité gamma externe au niveau de leurs habits. Il est probable que certains parents, peu concernés par la présence de radioactivité pour des raisons diverses (8), aient laissé jouer les enfants à l'extérieur ou consommer de manière régulière des légumes récoltés en zone montagneuse.
Cerise sur le gâteau, un conflit politique local gèle les crédits de l'hôpital
L'hôpital de Minami-Soma ne peut contrôler plus d'une centaine d'enfants par jour par manque de matériel disponible (9) et d'une certaine procrastination des autorités locales : il semble qu'un différend politique oppose le maire de la ville à une partie de l'équipe municipale ! Au niveau supérieur - l'échelon préfectoral - le gouverneur de Fukushima ne semble pas considérer le problème comme urgent ou s'en lave les mains ; pire encore cette attitude typique de désintéressement est multipliée par 1000 au niveau des autorités nationales...
En réaction à ce désintéressement typiquement Japonais (10), certains hôpitaux proches (Fukushima-city, Iwaki...) ainsi que des cliniques privées (11) envisagent d'acquérir de manière autonome des équipements de détection "corps entier".
Après la faillite technologique, une faillite sanitaire ?
L'accident de Fukushima-Daiichi nous a prouvé, si le besoin s'en faisait encore sentir, que l'homme ne maîtrise la méga-technologie du nucléaire que dans des conditions normales d'exploitation. Une fois l'accident majeur survenu - et il finit toujours par survenir - chacun ne pense qu'à fuir ses responsabilités, les autorités accusant la légèreté de l'exploitant, l'exploitant accusant une nature "imprévisible", les politiques accusant l'aveuglement des deux premiers et de leurs nombreux prédécesseurs "indolents".
Vu l'état lamentable et la "progression" du traitement de ce dossier au Japon, il ne serait guère étonnant que la catastrophe de Fukushima n'engendre de nouvelles discriminations envers des populations qui n'auront eu pour toute responsabilité que de croire un peu trop naïvement aux mirages d'une industrie soi-disant "miraculeuse". Hélas, si les miracles existent, il est maintenant triplement confirmé que le monde électro-nucléarisé n'y aura jamais droit.
EDIT du 26/3 : VOIR AUSSI :
Le reportage vidéo de France24 sur l’hôpital de Minamisoma (vidéo youtube, 3:00, anglais)
Le diaporama tout récent (11/3/12) de l'express sur Minamisoma, ville condamnée
Le site SAVEMINAMISOMA.ORG qui vous propose concrètement d'aider les réfugiés par vos dons et / ou du bénévolat
Sources :
Put children before politics, Japan Times, 14/2/12, anglais
"Déja 10.000 checkups complets effectués à l'hôpital [de Minami-Soma]", aftermath, 23/2/12
Fukushima Zone Edge, Lost places, 24/2/12, anglais
Hospitals ailing under inpatient limits, Yoimuri daily, 22/6/11, anglais
"Effets sanitaires de l'accident de Tchernobyl", OMS, avril 2006,
(1) Les très maigres compensations (4000 Euros par adulte, 800 Euros par enfant) ne concernaient initialement que la zone rouge et son extension au Nord-Ouest de la centrale ; ces dédommagements n'auraient été étendus aux habitants de la zone 20-30 km que tout récemment (28 février 2012, source : Tepco)
(2) 2.5 MBq/Kg d'I131 relevés par exemple au niveau d'herbages situés dans la ville d'Itate
(3) A la suite de l'évacuation d'une partie de la population, les financements publics affectés aux hôpitaux ont été réduits puis - partiellement - compensés par une indemnité versée plus tard par Tepco ; il n'empêche que la structure hospitalière est aujourd'hui au bord de la faillite
(4) Les chiffres varient énormément selon les sources, ce qui est hélas le lot commun des études épidémiologiques faisant suite aux accidents nucléaires ; nous retenons le chiffre UNSCEAR/OMS de 5000 cas directement attribuables à l'accident
(5) Polémique ici aussi mais les chiffres d'activité maximale sont pourtant édifiants : certaines régions de Fukushima ont atteint ou dépassé les concentrations maximales relevées autour de Tchernobyl (> 3 Mbq/m2)!
(6) Le délai d'apparition d'un cancer thyroïdien sur l'enfant est d'environ de 5 à 20 ans voire parfois davantage après l’irradiation / contamination
(7) Entendons-nous bien : le traitement du cancer thyroïdien est lourd et nécessite généralement un traitement à vie ; nous nous plaçons ici strictement sur le plan "technique" de l'espérance de vie de personnes touchées dans leur jeunesse
(8) Pour des raisons traditionnelles ou par excès de confiance envers les discours lénifiants des autorités
(9) Une panne prolongée de la machine WBC serait catastrophique...
(10) Dans le prolongement du traitement réservé au Japon aux Hibakusha, les "pestiférés de l'atome"
(11) Voila bien où mènent les restrictions de crédits liés à la santé, poussées à leur paroxysme : un désert sanitaire !
Minami-Soma, la ville maudite : trop loin pour évacuer, trop proche pour être épargnée par la radioactivité
Les hôpitaux de Minami-Soma offrent 720 lits est sont situés à environ 30 km au nord du site accidenté ; si une partie Sud de l'agglomération a été évacuée dès le 12 mars, les habitants situés au Nord de la "zone rouge" de 20 km sont toujours suivis par cette structure, tout au moins ceux qui n'ont pas eu les moyens de quitter "volontairement" la zone largement touchée par les retombées mais pas suffisamment aux yeux des autorités.
Paradoxalement, les lits des hôpitaux sont presque tous vides : sur les 70.000 habitants de la ville, il n'en restait à peine que 10.000 peu après la catastrophe, ceux qui par exemple s'accrochaient à leur maigres biens car ils étaient âgés ou insuffisamment fortunés pour quitter "volontairement" la zone sans recevoir la moindre compensation de la part de Tepco (1). Un peu plus tard, la ville a retrouvé un niveau de population équivalent à un peu plus de la moitié de celui d'origine soit environ 40.000 habitants.
Des activités de 100.000 CPM relevées sur les habits d'habitants venus se faire contrôler à l'hôpital
Selon des relevés indépendants, la ville de Minami-Soma affichait récemment des débits de dose variant entre 1 et 10 µSv/h alors que les activités surfaciques avaient atteint des niveaux proches de ceux relevés après la catastrophe de Tchernobyl, en 1986 (2). Par manque de moyens (3), l'hôpital de Minami-Soma est équipé d'un seul scanner de radioactivité "corps entier" (WBC ou Whole Body Counter), machine qui a vu défiler environ 10.000 personnes depuis avril 2011. Les activités "corps entier" ont ainsi parfois atteint le chiffre effarant de 100 KCpm !
Il est officiellement reconnu par l'OMS que l'accident de Tchernobyl a directement induit 5000 cas de cancers thyroïdiens sur les enfants de la région (4). A exposition identique (5), comme la densité de population est bien plus importante au Japon qu'en Ukraine, il faut s'attendre à voir apparaître, quelques années plus tard (6) un nombre au moins équivalent sinon supérieur de cas.
Raison supplémentaire pour affecter rapidement des crédits importants à l'hôpital de Minami-Soma, les personnes développant un cancer thyroïdien affichant un bon pronostic de survie s'il s'avèrent traités de manière précoce (7) ; Hélas, comme nous l'avons vu, les crédits publics sont gelés depuis l'évacuation.
50% des enfants examinés à l'hôpital sont contaminés au Césium-137
Sur les 527 enfants examinés après le mois de septembre 2011, 268 soit plus de la moitié affichent une contamination interne au Césium-137 alors que la plupart présentent également une activité gamma externe au niveau de leurs habits. Il est probable que certains parents, peu concernés par la présence de radioactivité pour des raisons diverses (8), aient laissé jouer les enfants à l'extérieur ou consommer de manière régulière des légumes récoltés en zone montagneuse.
Cerise sur le gâteau, un conflit politique local gèle les crédits de l'hôpital
L'hôpital de Minami-Soma ne peut contrôler plus d'une centaine d'enfants par jour par manque de matériel disponible (9) et d'une certaine procrastination des autorités locales : il semble qu'un différend politique oppose le maire de la ville à une partie de l'équipe municipale ! Au niveau supérieur - l'échelon préfectoral - le gouverneur de Fukushima ne semble pas considérer le problème comme urgent ou s'en lave les mains ; pire encore cette attitude typique de désintéressement est multipliée par 1000 au niveau des autorités nationales...
En réaction à ce désintéressement typiquement Japonais (10), certains hôpitaux proches (Fukushima-city, Iwaki...) ainsi que des cliniques privées (11) envisagent d'acquérir de manière autonome des équipements de détection "corps entier".
Après la faillite technologique, une faillite sanitaire ?
L'accident de Fukushima-Daiichi nous a prouvé, si le besoin s'en faisait encore sentir, que l'homme ne maîtrise la méga-technologie du nucléaire que dans des conditions normales d'exploitation. Une fois l'accident majeur survenu - et il finit toujours par survenir - chacun ne pense qu'à fuir ses responsabilités, les autorités accusant la légèreté de l'exploitant, l'exploitant accusant une nature "imprévisible", les politiques accusant l'aveuglement des deux premiers et de leurs nombreux prédécesseurs "indolents".
Vu l'état lamentable et la "progression" du traitement de ce dossier au Japon, il ne serait guère étonnant que la catastrophe de Fukushima n'engendre de nouvelles discriminations envers des populations qui n'auront eu pour toute responsabilité que de croire un peu trop naïvement aux mirages d'une industrie soi-disant "miraculeuse". Hélas, si les miracles existent, il est maintenant triplement confirmé que le monde électro-nucléarisé n'y aura jamais droit.
Le reportage vidéo de France24 sur l’hôpital de Minamisoma (vidéo youtube, 3:00, anglais)
Le diaporama tout récent (11/3/12) de l'express sur Minamisoma, ville condamnée
Le site SAVEMINAMISOMA.ORG qui vous propose concrètement d'aider les réfugiés par vos dons et / ou du bénévolat
Sources :
Put children before politics, Japan Times, 14/2/12, anglais
"Déja 10.000 checkups complets effectués à l'hôpital [de Minami-Soma]", aftermath, 23/2/12
Fukushima Zone Edge, Lost places, 24/2/12, anglais
Hospitals ailing under inpatient limits, Yoimuri daily, 22/6/11, anglais
"Effets sanitaires de l'accident de Tchernobyl", OMS, avril 2006,
(1) Les très maigres compensations (4000 Euros par adulte, 800 Euros par enfant) ne concernaient initialement que la zone rouge et son extension au Nord-Ouest de la centrale ; ces dédommagements n'auraient été étendus aux habitants de la zone 20-30 km que tout récemment (28 février 2012, source : Tepco)
(2) 2.5 MBq/Kg d'I131 relevés par exemple au niveau d'herbages situés dans la ville d'Itate
(3) A la suite de l'évacuation d'une partie de la population, les financements publics affectés aux hôpitaux ont été réduits puis - partiellement - compensés par une indemnité versée plus tard par Tepco ; il n'empêche que la structure hospitalière est aujourd'hui au bord de la faillite
(4) Les chiffres varient énormément selon les sources, ce qui est hélas le lot commun des études épidémiologiques faisant suite aux accidents nucléaires ; nous retenons le chiffre UNSCEAR/OMS de 5000 cas directement attribuables à l'accident
(5) Polémique ici aussi mais les chiffres d'activité maximale sont pourtant édifiants : certaines régions de Fukushima ont atteint ou dépassé les concentrations maximales relevées autour de Tchernobyl (> 3 Mbq/m2)!
(6) Le délai d'apparition d'un cancer thyroïdien sur l'enfant est d'environ de 5 à 20 ans voire parfois davantage après l’irradiation / contamination
(7) Entendons-nous bien : le traitement du cancer thyroïdien est lourd et nécessite généralement un traitement à vie ; nous nous plaçons ici strictement sur le plan "technique" de l'espérance de vie de personnes touchées dans leur jeunesse
(8) Pour des raisons traditionnelles ou par excès de confiance envers les discours lénifiants des autorités
(9) Une panne prolongée de la machine WBC serait catastrophique...
(10) Dans le prolongement du traitement réservé au Japon aux Hibakusha, les "pestiférés de l'atome"
(11) Voila bien où mènent les restrictions de crédits liés à la santé, poussées à leur paroxysme : un désert sanitaire !
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A propos des conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl, lire aussi le livre du Professeur Yablokov à cette adresse : http://www.planetenonviolence.org/attachment/82896/
Rédigé par : LearchC | 10/03/2012 à 21:13
Peut on faire un don à cet hôpital?
Rédigé par : dominique Ruffier | 25/03/2012 à 21:50
Bonjour Dominique, je pense que le site saveminamisoma.org doit pouvoir aider, peut-être pas directement l'hôpital de MS, mais tout au moins les réfugiés. Je n'ai pas trop fouillé le site en question, il semble légitime mais merci d'exercer votre esprit critique avant tout financement éventuel.
http://saveminamisoma.org/
Cordialement,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 26/03/2012 à 11:40