C'est un sujet qui revient de temps à autre sur le tapis de souris des observateurs de l'accident de Fukushima : Malgré toutes les affirmations de l'opérateur et des autorités Japonaises reprises en coeur dans les médias, le séisme dévastateur du 11 mars aurait-il pu à lui seul provoquer suffisamment de dégâts pour engendrer la catastrophe que l'on connaît ?
Le pourquoi du comment de cette théorie officielle d'un tsunami destructeur de centrale
Tepco préfère 1000 fois cette hypothèse car elle introduit, dans un pays très fréquemment affecté par des séismes importants, l'idée d'un phénomène naturel "exceptionnel" et donc hautement improbable. Vous avez compris la suite, il s'agit ni plus ni moins que de tenter d'exonérer tout ou partie de sa responsabilité dans ce drame. L'opérateur avait prouvé a de nombreuses reprises que la résistance de ses installations à des mouvements de terrain importants était disons... limite. Etudes géologiques incomplètes, radier de qualité douteuse, isolation sismique insuffisante des conduits et tuyauteries, Tepco semblait avoir tout géré à la légère, probablement dans une optique de réductions des coûts d'étude et de déploiement.
La longue enquête publiée dans l'Indépendant du 17 août
Du tabloïd compact, The Independent n'a que le format ; son contenu est sérieux et son lectorat composé plutôt de CSP moyennes, comme l'on dit. L'affaire - si l'on peut dire, vu les quelques 10 millions d'Euros de pertes cumulées - a été rachetée l'année dernière par le milliardaire Russe Lebedev qui a promis de renflouer ce navire en bien mauvais état. Passons maintenant à une synthèse et à des commentaires de l'enquête titrée :
"La vérité explosive cachée derrière la fusion des coeurs de Fukushima"
Le ton est donné : Le journal estime tout d'abord que, s'il s'avère que la catastrophe a été engendrée par le séisme à lui seul, le Japon devrait en tirer les conséquences et procéder rapidement à l'arrêt de chaque réacteur de ce modèle (Réacteurs à eau bouillante d'ancienne génération) au Japon, ceci affectant la majorité des installations nucléaires de production dans ce pays.
L'article évoque ensuite - comment les passer sous silence - les déclarations lénifiantes initiales de l'opérateur reprises par le gouvernement : Pas de fusion, PAS DE FUSION ? Alors que M Edano savait probablement qu'elle avait déjà eu lieu au moment de sa déclaration ? Les mois passant, la désinformation se poursuivait et une tendance commençait à se dessiner : Le séisme aurait provoqué l'accident en privant le site de ses réseaux électriques, le tsunami - arrivé sur le site environ 40 minutes après - aurait quant à lui détruit les groupes de secours qui étaient sensés - auraient même du, la fusion d'un coeur de réacteur de ce modèle ancien étant une affaire d'heures - entrer en oeuvre afin de ré-alimenter pompes et circuits de refroidissement. Mais qu'aurait-il pu se passer si en fait le séisme avait dévasté une grande partie du site, cassant tuyauteries et conduits de circulation d'eau ?
Le passé dessine le présent, le présent dessine l'avenir
Déjà en 2002, Tepco avait avoué avoir dissimulé des problèmes de fissures dans les tuyauteries de recirculation d'eau situées dans le circuit primaire, défauts qui auraient pu provoquer un accident sérieux en cas de fuite à ce niveau. Le 2 mars soit 9 jours avant l'accident, la NISA (Agence de Sécurité Nucléaire Japonaise) relançait l'opérateur sur le contrôle de ces pièces vitales : Tepco devait effectuer les contrôles nécessaires, effectuer d'éventuels travaux de réparation et reporter l'avancement de tout ceci à la NISA pour le 2 juin.
L'indépendant a contacté plusieurs travailleurs de ce site qui lui reportèrent tous la même histoire sous couvert d'anonymat : des détériorations sérieuses sur les conduits de l'un au moins des réacteurs se sont produits avant la survenue du tsunami provoquant des fuites de vapeur et une grande frayeur chez les employés. Un ingénieur évoquait même la chute de l'un des murs porteurs d'un bâtiment réacteur. Un sauve-qui-peut général s'ensuivit, les employés comprenant rapidement la gravité de la situation et la précarité de leur sécurité personnelle. La première alarme de fuites radioactives se déclencha peu après à environ 2 Km du site, bien avant l'arrivée du tsunami.
Une fuite dans le circuit primaire créée par le tremblement de terre constatée par le personnel
Les relevés publiés par Tepco semblèrent par la suite confirmer qu'une fuite dans le circuit de refroidissement primaire avait impliqué le démarrage automatique des circuits de secours A et B ; le système d'extinction d'incendie de l'enceinte de confinement s'était ensuite mis en service ce qui ne pouvait se produire qu'en ultime recours d'après l'un des ingénieurs ayant bâti la centrale. Il semble donc prouvé qu'à 15h37, quand le tsunami frappa le site, au moins l'un voire plusieurs des réacteurs étaient déjà entré dans une phase accidentelle sévère. De nombreux témoignages d'anciens travailleurs employés sur ce site font d'ailleurs état de procédures de maintenance et de contrôle non respectées au fil des années sur le site de Fukushima Daiichi.
La procédure ultime d'injection d'eau de mer employée trop tard car elle signait la mort des réacteurs impliqués
Alors que cette procédure devait être démarrée bien plus tôt, il semble que l'injection d'eau de mer dans les cuves des réacteurs n'ait en fait été initiée qu'après la première explosion d'hydrogène, soit le 12 mars vers 20 heures alors que le Directeur du site avait prévenu les dirigeants de l'entreprise Tepco dès le matin du même 12 mars qu'il était impératif de la lancer le plus tôt possible. Ce temps de latence a probablement été induit par une forte réticence de Tepco à saborder ainsi des réacteurs tant que toutes les autres procédures permettant de sauver le matériel n'avaient pas été achevées.
La confession tardive de Tepco sur la chronologie réelle confirme finalement la fragilité des installations de ce type en production dans des zones sismiques
Vers la fin mars, Tepco a reconnu dans un rapport intitulé "Etat du coeur du réacteur n°. 1 de Fukushima-Daiichi" que des dégâts avaient bien été constatés avant l'arrivée du tsunami avec notamment des conduits et tuyauteries brisés par le séisme. Ce rapport confirme donc que des tremblements de terre importants peuvent engendrer des accidents sévères dans ce type de réacteur et devrait donc impliquer logiquement la fin rapide de leur exploitation. Personne ne sait précisément à ce jour si les dégâts créés par le séisme auraient suffi à conduire l'accident jusqu'au niveau de la fusion d'un ou de plusieurs coeurs mais les données communiquées tardivement par Tepco et les différents témoignages de première main recueillis semblent confirmer a minima que ces dommages étaient très importants.
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