Deux mots d'étymologie
La définition technique
Le corium est un mélange de différents éléments - et non pas seulement du combustible comme on le croit souvent - qui ont fondu dans la cuve d'un réacteur nucléaire généralement à la suite d'un accident de criticité ("surchauffe").
Ce corium se forme rapidement après la perte totale et prolongée des moyens de refroidissement d'un réacteur nucléaire et plus particulièrement après la perte des réseaux électriques principaux et secondaires. Une perte totale d'énergie est appelée "blackout station", le réacteur est alors fortement ralenti par la montée ou la descente automatique des barres de contrôle mais la réaction nucléaire n'est pas pour autant stoppée nette.
Il faut bien comprendre qu'un arrêt "d'urgence" (procédure "scram") ne stoppe pas complètement ni immédiatement un réacteur ; Une puissance dite "résiduelle", engendrée par la poursuite d'une partie de la réaction de fission nucléaire, nécessite le maintien des circuits de refroidissement d'une manière réduite mais continue. A défaut, la température et la pression commencent alors à croître rapidement dans le cœur, les pastilles de combustible s'échauffent, le niveau d'eau diminue dans la cuve et découvre un peu plus les "crayons", ce qui provoque un peu plus de chaleur, qui dégrade un peu plus les gaines protégeant les pastilles, etc.
Cette dégradation rapide du combustible ne peut être ralentie voire stoppée que par le rétablissement d'un refroidissement correct, et ce dans un délai maximum variant de quelques heures à quelques jours au mieux selon le type de technologie de l'unité de production. Sur les matériels d'ancienne génération comme l'unité n°. 1 de Fukushima Daiichi, le combustible à commencé à s'endommager et à fondre quelques heures à peine après l'apparition du "blackout station".
Les éléments du cœur se décomposent ensuite rapidement sous l'effet d'une chaleur intense et l'ensemble finit par former un magma porté à environ 2800° C mais qui présente la singularité de s'auto-entretenir. On a souvent comparé le corium à de la lave ou du magma, ce n'est pas tout à fait exact car le corium puise sa température de l'intérieur alors qu'une coulée de lave finit par s'éloigner pour finalement se détacher de sa source d'énergie ; La lave se trouve finalement isolée thermiquement et refroidit relativement rapidement.
D'où le combustible puise t-il cette énergie incroyable ? Il faut savoir qu'une simple "pastille" de 7 g de combustible dégage autant d'énergie qu'une tonne de charbon dans un volume extrêmement restreint ; Un crayon de combustible est composé de 360 pastilles ; Un assemblage contient 60 crayons et un cœur contient de 400 (réacteur 1) à 548 (réacteurs 2 et 3) assemblages soit un total de 8,6 millions à 11,8 millions de pastilles par réacteur !
Quelle est l'importance de la masse du corium à Fukushima Daiichi ? Elle est estimée à environ 50 tonnes dans le réacteur 1 et environ 2 fois plus dans les réacteurs 2 et 3, plus puissants donc comportant plus de combustible.
L'opérateur Tepco ayant reconnu - très tardivement - que les 3 cœurs ont intégralement fondu, il s'agit donc d'environ 250 tonnes de combustible + les éléments environnants (barres de commande, fixations, éléments de contrôle...) localisés - à ce jour - dans un espace indéfini mais compris dans le meilleur des cas entre le bas de cuve RPV (c'est assez peu probable) et l'affleurement de la nappe océanique sous le site de Fukushima, quelques dizaines de mètres sous les réacteurs.
Et ensuite, une fois le corium créé ?
L'enfer de Tchernobyl stoppé par... du sable !
Les liquidateurs Russes avaient toutefois anticipé la poursuite de la progression infernale du corium et creusé un tunnel sous le monstre afin de tenter de le dominer avant qu'il atteigne un élément liquide ; Les scientifiques craignaient en effet que la rencontre d'un élément très chaud avec une masse liquide ne provoque une réaction très violente.
Elephant Foot Chernobyl
Le corium à Fukushima, un avenir très incertain...
La majeure partie du corium se trouve donc sans doute quelque part entre le confinement (le radier en béton) et la roche sédimentaire moyennement résistante se trouvant sous la dalle de Fukushima Daiichi. Sa localisation, sa température, sa vitesse éventuelle sont soit parfaitement inconnues à ce jour, soit approximativement estimées par l'opérateur et les autorités Japonaises mais de toute façon parfaitement intouchables.
Les autorités Japonaises ont estimé récemment qu'il sera possible d'observer de plus près le combustible fondu - à la condition qu'il soit observable - d'ici une vingtaine d'années. Vertiges atomiques...
Alors, "syndrome Chinois" ou pas ? Déjà il faudrait plutôt évoquer plutôt un "syndrome Uruguayen" car le point antipodique du Japon est situé un peu au large des côtes de ce pays ; Il est d'autre part très probable que le corium créé à Fukushima ne finisse par se désactiver à moyen terme en "dépensant" son énergie qui n'est pas inépuisable (seconde loi de la thermodynamique) ou en se fragmentant peu à peu. Le gros problème reste de savoir si une partie de ces énormes masses ne rejoindront pas à plus ou moins long terme les nappes phréatiques ou encore, puisque nous sommes en zone côtière, l'affleurement de la nappe océanique qui n'atteint pas des profondeurs énormes à une distance de quelques dizaines de mètres à l'intérieur des terres.
Si un tel événement se produisait même très partiellement, l'ile du Japon serait probablement bien plus affectée qu'elle ne l'est en ce moment avec un phénomène de contamination importante et à grand échelle des eaux souterraines et / ou océaniques, une première dans l'histoire de l'atome.
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