On lit parfois sous la plume d'auteurs généralement peu avertis des problèmatiques de radioprotection que la radioactivité induite par de simples examens d'imagerie médicale induisent des doses de radioactivité bien supérieures à celles que l'on pourrait croiser au fil de l'un ou l'autre accident nucléaire majeur.
Il s'avère en fait que cette comparaison est hasardeuse car elle revient généralement à comparer des sources radioactives "médicales" et des sources "accidentelles", deux types de radiaoactivité bien différentes en fait.
Les radiations dites "ionisantes"
Ce type de radiation est dite "ionisante" car elle peut ioniser les tissus en leur arrachant des électrons pour les transformer en ions "chargés" électriquement. L'ionisation tend à modifier les noyaux des cellules vivantes du corps humain, ce qui induit obligatoirement des dégâts à dose élevée.
Les radiations ionisantes les plus puissantes sont les émissions dites "Gamma" ; Elles sont très utilisées en imagerie médicale : Radiographie simple par Rayons-X (Gammas) ou par injection d'un produit de "contraste" radioactif (Technetium 99m). Ce dernier radioélément est très intéressant car il utilise la longueur d'onde des rayons-X tout en affichant une durée de demi-vie réduite (environ 6 heures) ce qui assure une élimination de 95% du produit en 24 heures.
En outre, les doses de 99mTc injectées en imagerie sont toujours restreintes au strict minimum compte tenu de l'état du patient et en tenant compte de l'étude du ratio avantages / inconvénients qui doit toujours "tourner" à l'avantage du patient.
Les radiations dégagées par l'industrie de production électrique nucléaire
Elles sont créées par la diffusion de radioéléments appelés "produits de fissions" qui sont engendrés dans les réacteurs nucléaires sous l'effet de la désintégration des barres de combustible (Uranium ou mélange Uranium-Plutonium). Les quantité de radiations ionisantes créées dans ces réactions sont très importantes, bien plus élevées qu'en médecine, et sont en principe "piégées" par les différentes barrières radiologiques mises en place pour atténuer au maximum leur dispersion dans les milieux naturels (air, eau).
Ainsi l'eau contenue dans les réacteurs ou les piscines de stockage de combustible stoppe t-elle une très grande partie de ces émissions radioactives tout en assurant un refroidissement et le fonctionnement des turbines de production d'électricité. Encore faut-il que le niveau d'eau recouvre entièrement les assemblages de combustible. La plupart des accidents sérieux se produisent quand, pour une raison ou une autre, les barres sont découvertes pour un temps plus ou moins long.
L'accident de Fukushima en 5 lignes
C'est ce qui s'est produit à Fukushima à partir du 11 mars. La perte prolongée des réseaux électriques principaux et de secours ont provoqué l'arrêt des systèmes de refroidissement des réacteurs, ce qui a débouché quelques heures / jours plus tard sur la perte des barrières radioactives et la dissémination de quantités très importantes de radiaoctivité dans l'air et dans l'eau.
Des radioéléments de longue durée et en quantité importante
Les radioéléments dégagés lors de cet accident sont nombreux et leur durée de demi-vie est autrement plus importante que les 6 heures du Technetium. L'iode 131 perd la moitié de sa radioactivité en 8 jours alors que le Césium 137 affiche une durée de demi-vie de 30 ans et le Césium 135, produit également en grande quantité lors d'un accident, n'aura perdu que la moitié de sa radiaoctivité qu'après... 3 millions d'années.
La quantité de radioéléments dispersés dans l'air et dans l'eau à la suite d'un accident est phénoménale : L'OMS a ainsi estimé qu'un accident comme celui de Tchernobyl a induit sur les 240.000 liquidateurs recensés une dose moyenne supérieure à 100 mSv qui correspondrait sensiblement à 1000 radiographies pulmonaires ; Sur les populations déplacées (400.000 personnes) l'impact a été en moyenne de 33 à 50 mSv soit l'équivalent de 330 à 500 radiographies pulmonaires.
La problématique de la contamination radioactive
Il faut enfin noter que dans le cas d'un examen radiologique simple par exemple, on ne parlera que d'irradiation par des particules ionisantes comme nous l'avons vu plus haut. Dans le cas d'un accident avec relâchements importants de radioéléments dans l'air et / ou dans l'eau, l'irradiation "simple" peut se compliquer de problèmes de contamination c'est à dire de poussières radioactives contaminant le corps humain par la respiration ou l'ingestion dans l'eau de boisson ou dans l'alimentation.
Or, une particule radioactive n'aura pas le même effet si elle franchit les barrières naturelles pour s'introduire directement dans le corps où elle irradiera de l'intérieur en quelque sorte et ses effets au contact direct de différents organes du corps humain n'en sera que démultiplié. Dans le cas d'une irradiation, le lavage et le brossage du corps permettront en général de se débarasser de la majorité voire de la totalité des particules contaminantes. Si ces particules sont entrées dans le corps, elles poursuivront leur chemin malgré tous les brossages et les lavages "extérieurs".
La grande arnaque des doses "limites"
En cas d'accident nucléaire majeur comme au Japon, les doses limites, celles qui sont sensées être absolument sécurisantes, ont été relevées par des facteurs de 10 à 20. Ceci démontre bien l'impuissance des autorités à résoudre le problème de la radioactivité post-accidentelle autrement qu'en "trichant" sur la sécurité qui devient relative en quelque sorte, une variable d'ajustement bien plus efficace et bien moins coûteuse dans un premier temps ! Le Japon, pays très peuplé et d'une superficie habitable restreinte, n'a pas d'autre solution à moins d'évacuer dans les conditions "normales" de radioactivité une partie importante du territoire national.
Dans quelques années, il est probable que les conséquences sanitaires de cette option seront hélas très graves ; Il faut également bien garder à l'esprit que l'accident de Fukushima n'est toujours pas terminé, le site recrachant encore des doses importantes de radiaoctivité - même si elles tendent à diminuer - et que le problème majeur du combustible fondu n'est toujours pas même abordé par les autorités.
Il n'y a pas photo entre la "radio" et l'accident
Résumons : D'un côté (médecine) des effets positifs (diagnostic), des irradiations contrôlées de faibles doses et de demi-vie réduite, de l'autre (industrie nucléaire) des irradiations importantes et anarchiques par des radioéléments de demi-vie souvent extrêmement longues et pouvant ainsi d'autant plus déboucher sur des contaminations internes gravissimes, ne serait-il pas opportun d'arrêter définitivement de mélanger ces deux problématiques si l'on ose se prétendre parfaitement objectif ?
Réf. Bulletin IPPNW de juin 2011, pp. 61/62
Bonjour,
Quelques rectifications à votre article:
"Il s'avère en fait que cette comparaison est hasardeuse car elle revient généralement à comparer des sources radioactives "médicales" et des sources "accidentelles", deux types de radiaoactivité bien différentes en fait": Il vaudrait mieux dire "d'origine différente", car en effet un rayonnement alpha, beta ou gamma, qu'il vienne du secteur médical ou autre, cela reste le même type de rayonnement.
"Ce type de radiation est dite "ionisante" car elle peut ioniser les tissus en leur arrachant des électrons neutres pour les transformer en ions "chargés" électriquement. ": Non, un électron n'est pas neutre, il a une charge électrique négative (et même positive dans certains cas). Oui, les atomes constituant les tissus, du fait de l'ionisation des rayonnements qui les traversent deviennent des ions. On parle même de radicaux libres dans ce cas précis des tissus vivants.
"Les radiations ionisantes les plus puissantes sont les émissions dites "Gamma" ": Non, les radiations les plus puissantes (celles qui ionisent le plus les tissus vivants) sont les particules alpha.
"D'un côté (médecine) des effets positifs (diagnostic), des irradiations contrôlées de faibles doses et de demi-vie réduite, de l'autre (industrie nucléaire) des irradiations importantes et anarchiques par des radioéléments de demi-vie souvent extrêmement longues et pouvant ainsi d'autant plus déboucher sur des contaminations internes gravissimes, ne serait-il pas opportun d'arrêter définitivement de mélanger ces deux problématiques si l'on ose se prétendre parfaitement objectif ?": En médecine, la justification s'impose du fait d'un bénéfice que cela peut apporter au patient (et une optimisation d'exposition pour les personnels de santé). Voir aussi l'article ici: http://radioprotection.unblog.fr/2011/01/06/scintigraphie-cardiaque-30-des-patients-depassent-une-dose-cumulee-dexposition-de-100-msv/
Pour tout le reste, vous pouvez trouver d'excellentes sources d'informations techniques, fiables, et pédagogiques ici:
http://rpcirkus.org/
http://www.forum-rpcirkus.com/
Cordialement.
Deedoff
http://radioprotection.unblog.fr/
http://radioprotection.eklablog.com/
Rédigé par : Deedoff | 31/07/2011 à 08:54
Bonjour Deedoff, désolé tout d'abord pour la publication tardive de votre commentaire qui s'est trouvé basculé automatiquement en catégorie "spam" par typepad (peut-être à la suite de l'utilisation du terme "radicaux libres" ?)
Merci pour la correction : effectivement c'est l'atome qui est neutre initialement et non l'électron. Je corrige en conséquence.
Je maintiens par contre que les radiations les plus "puissantes" - et non pas les plus ionisantes - sont les rayons Gamma, d'une part de par leur champ important (égal à celui des particules Alpha jusqu'à 10 MeV), d'autre part par leur "portée" importante qui compense largement, vu du côté du récepteur, une capacité d'ionisation effectivement plus faible.
Autrement dit, puisque l'on évoque la radioprotection, la probabilité d'un individu "moyen" de se voir exposé à un rayonnement Gamma me semble bien supérieure à celle d'une exposition Alpha ou Bêta, souvent réservée au personnel spécialisé. Utilisons le mot "champ" plutôt que puissance, ou encore la notion d'exposition si vous voulez. Autrement dit encore, la radiation vue du côté du "récepteur".
L'article évoque aussi et surtout la différence entre irradiation et contamination. Quand la médecine contamine par exemple dans le cadre d'une investigation, c'est comme vous le mentionnez avec un rapport avantage/inconvénient positif (en principe, même si l'affaire du Thorotrast démontre le contraire http://www.gen4.fr/blog/2011/10/deux-professeurs-commentent-laccident-de-fukushima-de-lint%C3%A9rieur-du-japon-12.html )alors qu'une contamination accidentelle ne présente que des inconvénients.
Merci pour votre commentaire,
Trifou
Rédigé par : trifouillax | 22/10/2011 à 11:47